Un peu plus de trois mille personnes -- délégués, invités, observateurs, observateurs mandatés, visiteurs, membres du personnel permanent et membres cooptés du Conseil oecuménique des Eglises -- se sont retrouvées, venant de toutes les parties du monde, dans la capitale du Zimbabwe pour la Huitième Assemblée du Conseil. |
Le contexte mondial L'Assemblée de Harare s'est tenue dans un contexte mondial marqué par des conflits et des attentats sanglants (Soudan, Rwanda, Congo, ex-Yougoslavie, Algérie...). Durant l'Assemblée elle-même, Narus au sud-Soudan a vécu un attentat à la bombe perpétré sans doute par l'armée soudanaise en guise de représailles contre le sermon prononcé par l'évêque catholique Paride Taban de Torit (Soudan). L'évêque a prêché au stade Rufaro à Harare sur le thème de l'Assemblée: "Tournons-nous vers Dieu dans la joie de l'espérance; accent particulier sur la paix et la justice en Afrique." Les bombes ont explosé sur la place devant sa cathédrale tuant au moins six personnes et en blessant grièvement quatorze. (Le président et le secrétaire général ont immédiatement adressé une lettre au ministre soudanais des Affaires étrangères l'engageant avec fermeté à assurer la sécurité de l'évêque Paride Taban et à poursuivre en justice les responsables de cet attentat.) De même, l'Assemblée a appris l'assassinat de six religieuses au Congo. Il faudrait ajouter les catastrophes "naturelles" comme l'ouragan qui a sévi au Nicaragua et que certains lient au réchauffement de l'atmosphère et au courant El Niño. |
En cette fin du XXe siècle, le phénomène de mondialisation, par certains côtés positif -- rapprochement de l'humanité tout entière et connaissance de tous les problèmes de la planète -- est surtout ressenti dans ses effets pervers. Dans un monde dominé par la permanente tentation du seul profit, les deux tiers de l'humanité ne cessent de s'appauvrir, exploités par ceux qui prêtent et se font payer en nature, obligeant les pays pauvres à exporter leurs matières premières et emprunter sans cesse pour payer les intérêts de leurs dettes aux banques mondiales. Le problème de la dette a été au premier plan des préoccupations de l'Assemblée de Harare. La mondialisation représente indiscutablement une invitation et une occasion pour les chrétiens de prendre conscience de la responsabilité qu'ils ont les uns pour les autres et de pratiquer une entraide concrète et soutenue. On ne peut faire de la théologie enracinée dans l'Evangile sans mettre constamment en pratique le souci pour "l'un de ces plus petits". La mondialisation nous invite aussi à découvrir que "ces plus petits" sont à nos portes, sont parmi nous: les chômeurs, les sans-droits, les sans-abris, les étrangers-réfugiés-émigrés qu'on se renvoie, un peu comme des déchets nucléaires, sans parler du nouvel esclavagisme que représente l'exploitation des travailleurs clandestins, y compris des enfants. La mondialisation invite les chrétiens à repenser totalement la notion de "nation" en fonction des déplacements et des mélanges de populations. |
Une paradoxe de la mondialisation. |
Le contexte africain C'est la deuxième fois qu'une Assemblée du COE se tient en Afrique, vingt-trois ans après la première (Nairobi, 1975). Par deux fois, l'Afrique a été présentée aux participants de l'Assemblée de Harare. Une séance plénière y fut consacrée avec des diapositives, un accompagnement musical où les tam-tam et les batteries jouent un rôle prépondérant et tout à fait envoûtant, une excellente représentation théâtrale, elle aussi ponctuée par une musique qui peut-être exprime le mieux l'esprit de l'Afrique, un commentaire et deux discours (N. Barney Pityana et Mercy A. Oduyoye). Les thèmes dominants ont été les libérations successives des Africains: de l'esclavage, de la colonisation et, aujourd'hui, des dictatures et des conflits internes, pour ne rien dire de l'endettement et de la corruption. L'autre moment de rencontre fut la célébration au stade Rufaro de Harare avec les Eglises du Zimbabwe dont il a déjà été question plus haut. Il faut ajouter un moment privilégié de rencontre avec l'Afrique: il s'agit de la visite du président Nelson Mandela, venu spécialement pour s'adresser à l'Assemblée. La prestance et la noblesse de cet homme âgé sont tout à fait impressionnantes. Dans son discours, il a exprimé sa reconnaissance au Conseil oecuménique des Eglises pour le rôle anti-raciste qu'il a joué, en particulier en mettant en place le Programme de lutte contre le racisme (PLR) lequel a contribué à l'élimination de la politique de l'apartheid. |
Membres des paroisses locales pendant le service célébré au Rufaro Stadium, samedi 5 décembre. (© COE/photo par Chris Black, no. 7090-16) Le président du l'Afrique du Sud, Nelson Mandela, venu spécialement pour s'adresser à l'Assemblée. (© COE/photo par Chris Black, no. 7177-10a) |
Le contexte du Zimbabwe Le pays qui a reçu la Huitième Assemblée du COE, le Zimbabwe (ancienne Rhodésie britannique), n'est sans doute pas le plus pauvre de l'Afrique. Cependant, il souffre d'un taux de chômage très élevé et le SIDA-VIH y fait des ravages: sept cents morts par semaine, selon certaines sources (mille selon d'autres). Des conflits sociaux se sont développés et le droit de grève a été suspendu. En outre, le problème de la propriété des terres arables oppose de grands fermiers blancs et des paysans autochtones. En dépit de ces tensions, la population n'a nullement perdu son immense sens de l'hospitalité et les nombreux visiteurs ont été reçus, tant par le Conseil des Eglises du Zimbabwe, par le gouvernement (le président Mugabe est venu faire un discours à l'Assemblée et a offert une réception à quelques personnalités du Conseil), que surtout par la population. L'amabilité des bénévoles, du personnel de service et des gardes de la police et de l'armée, omniprésents sur le campus, est tout à fait étonnante. Le sourire et la gentillesse n'ont jamais manqué. |
Proximité de l'an 2000 Le phénomène de mondialisation, déjà évoqué, entraîne d'autres effets pervers, en particulier lorsqu'il se combine avec un certain climat millénariste, à peu près inévitable en cette fin de siècle, et en même temps fin de millénaire. On a fait dire à André Malraux que le XXIème siècle serait "spirituel" ou ne serait pas. Il est certain que beaucoup de nos contemporains, spécialement des générations montantes, recherchent une dimension spirituelle, surtout après un siècle de matérialisme. Certaines régions, comme l'Europe de l'Est, sont affectées plus que d'autres, mais on trouve cette recherche un peu partout. Malheureusement, il s'agit trop souvent d'une recherche orientée vers des formes de spiritualité d'un type sectaire, parfois même suicidaire. Le prosélytisme de certaines sectes fait des ravages parmi des gens fragiles que les Eglises et religions "traditionnelles" ne contentent plus. La crainte millénariste pousse à rechercher une identité toute faite. Si certaines sectes font des ravages, la crise d'identité, due en partie au millénarisme et en partie à la mondialisation, entraîne une forte recrudescence de nationalisme, de tribalisme, de ce que les orthodoxes appelleraient l'"ethnophylétisme", au sein même des Eglises "traditionnelles". Ce phénomène complexe constitue sans doute l'un des éléments d'explication de la "crise" de l'oecuménisme au sein du Conseil qui s'interroge sur ses structures: discussion entre les partisans de "familles" d'Eglises et les défenseurs d'identités individuelles des Eglises locales; débat sur le vote majoritaire opposé à la recherche d'un consensus. Si l'approche de l'an 2000 comporte des aspects parfois négatifs, elle est en même temps source d'espérances nouvelles dans une fidélité renouvelée à la Bonne Nouvelle reçue il y a quelque deux mille ans. A cet égard le thème de l'Assemblée de Harare a été particulièrement bien choisi: "Tournons-nous vers Dieu dans la joie de l'espérance". En effet, la "joie de l'espérance" consiste en l'annonce au monde du coeur même de l'Evangile, la Bonne Nouvelle par excellence, l'annonce du Christ ressuscité. Une telle annonce, surtout ensemble, n'est possible que par le "retournement" (cf. Joël 2, 12), une metanoia, titre de l'un des discours sur le thème au cours de l'Assemblée.
Jubilé |
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Huitième Assemblée et Cinquantenaire