huitième assemblée et cinquantenaire

Faisons route ensemble
Rapport du Comité d'examen des directives II

Adoptée par la Huitième Assemblée du Conseil oecuménique des Eglises
Harare, Zimbabwe, 3-14 décembre 1998

III. La mondialisation



La mondialisation n'est pas seulement un fait économique. C'est une question culturelle, politique, éthique et écologique.

De plus en plus, les chrétiens des Eglises se trouvent confrontés aux aspects nouveaux et lourds de conséquences de la mondialisation, qui touchent un très grand nombre de gens, en particulier les pauvres. Comment vivre notre foi face à la mondialisation ?

Recommandations (Adopté)
1. Nous sommes profondément convaincus que nous devons placer le défi de la mondialisation au centre des travaux du COE, en nous fondant sur les nombreux et importants efforts déployés dans le passé par le Conseil. La mondialisation suscite une vision qui s'oppose à la vision religieuse de l'engagement chrétien en faveur de l'oikoumene, de toute la terre habitée, et de l'unité de l'humanité. Cette conviction devrait être reflétée dans la conception et la vision communes du COE que nous sommes en train d'élaborer, ainsi que dans les activités mises en oeuvre par les Eglises membres et les autres organismes oecuméniques. Bien que la mondialisation soit une réalité désormais incontournable, nous ne devrions pas céder à la vision qui la sous-tend, mais plutôt nous efforcer de développer plus avant nos propres solutions pour atteindre l'unité visible dans la diversité, une oikoumene de foi et de solidarité.

2. A la logique de la mondialisation, il faut opposer une nouvelle manière de vivre la communauté dans la diversité. Les chrétiens et les Eglises sont appelés à réfléchir au défi de la mondialisation dans la perspective de la foi et ainsi, à résister à la domination unilatérale de la mondialisation économique et culturelle. Il faut de toute urgence chercher des solutions de rechange au système économique actuel et imposer des limites et des correctifs politiques efficaces à la mondialisation et à ses conséquences.

3. Nous exprimons notre reconnaissance pour l'appel lancé par la 23e Assemblée générale de l'Alliance réformée mondiale (Debrecen, 1997) en faveur d'un processus de reconnaissance, d'éducation et de confession (processus confessionis) concernant l'injustice économique et la destruction écologique, et nous encourageons les Eglises membres du COE à s'associer à cette démarche.

4. Compte tenu du pouvoir sans limite de sociétés et d'organisations transnationales qui souvent opèrent dans le monde entier en toute impunité, nous nous engageons à oeuvrer avec d'autres à la création d'institutions capables d'assurer avec efficacité la bonne gestion des affaires mondiales.

5. Il est de la plus haute priorité d'améliorer la capacité du COE à réagir au défi de la mondialisation d'une manière plus cohérente et plus large. Cela implique notamment une étroite coopération et la coordination des travaux sur les questions économiques et écologiques.

6. Les travaux relatifs à la mondialisation devraient s'appuyer, en les renforçant, sur les initiatives déjà lancées par les Eglises, les groupes oecuméniques et les mouvements à caractère social, favoriser leur coopération, les encourager à agir et à former des alliances avec d'autres partenaires de la société civile qui s'occupent de questions relatives à la mondialisation, et en particulier :

  • proposer des alternatives aux activités des sociétés transnationales, de l'Organisation de coopération et de développement économiques, du Fonds monétaire international, de la Banque mondiale, de l'Organisation mondiale du commerce, du Bureau international du travail, et aux accords multilatéraux qui leur sont liés afin d'identifier avec autorité les effets aussi bien négatifs que positifs de leurs politiques;
  • faire campagne pour l'annulation de la dette et pour l'adoption d'une éthique et d'un système nouveau de prêts et d'emprunts;
  • coopérer avec les initiatives existantes visant à mettre en place un nouveau système financier, notamment en appliquant une taxe sur les transactions financières (taxe Tobin) qui servirait à l'élaboration d'autres scénarios possibles, en imposant des restrictions aux flux de capitaux, etc.;
  • soutenir les initiatives prises pour s'attaquer au chômage et à la détérioration des conditions de travail que la mondialisation fait subir aux travailleurs du monde entier;
  • encourager et soutenir les initiatives locales en proposant de nouveaux modes d'organisation de la production, en assurant des échanges équitables, en mettant à disposition des produits bancaires alternatifs, et, particulièrement dans les pays hautement industrialisés, en modifiant les modes de vie et les habitudes de consommation;
  • examiner la manière dont les Eglises elles-mêmes se conduisent en tant qu'employeur et gèrent leur propriétés foncières et leurs avoirs financiers (investissement des fonds de pension et d'autres ressources financières répondant à des critères éthiques, utilisation des terrains agricoles, etc.);
  • développer les connaissances économiques et sensibiliser les responsables aux questions liées à la mondialisation et à d'autres problèmes connexes;
  • se pencher sur les questions économiques dans la perspective de la foi.


Annexe II: Résister à la domination - affirmer la vie :
le défi de la mondialisation
La mondialisation est une réalité du monde d'aujourd'hui - un fait incontournable. Nous sommes tous affectés. La mondialisation n'est pas seulement une question économique. C'est une question culturelle, politique, éthique et écologique.

De plus en plus, les chrétiens et les Eglises se trouvent confrontés aux aspects nouveaux et lourds de conséquences de la mondialisation, qui touchent un très grand nombre de gens, en particulier les pauvres.

La mondialisation suscite une vision de l'oikoumene, de toute la terre habitée, et de l'unité de l'humanité qui est fondée sur la compétition. Comment vivre notre foi face à la mondialisation ?

Réunis à Harare
1. Réunie à Harare, cette Huitième Assemblée du Conseil oecuménique des Eglises a écouté les voix des peuples d'Afrique pendant la séance plénière sur l'Afrique et pendant le Padare. L'Assemblée a entendu des cris de douleur et de souffrance mais aussi des témoignages de résistance, de foi et d'espérance. La force, la créativité et la richesse spirituelle remarquables de nos soeurs et frères d'Afrique sont pour nous tous une source d'inspiration. Ensemble, nous nous sommes souvenus de la vision d'un peuple libre où l'Afrique a puisé l'inspiration qui l'a soutenue dans son combat pour se libérer du joug colonial.

2. Cette vision est encore vivante dans la lutte quotidienne que les femmes et les hommes mènent pour survivre, pour maintenir la vie de leur communauté, pour se nourrir des riches traditions et des valeurs héritées du passé, pour vivre en harmonie avec la terre, pour trouver des espaces d'expression. Les gens aspirent à vivre libres dans des communautés justes et tournées vers l'avenir. Nous avons fait écho à leur vision et à leurs aspirations parce que, bien que nous venions des quatre coins du monde, nous partageons ces mêmes aspirations.

3. Tout en nourrissant ces visions pour nos peuples, et pour les enfants de nos enfants, nous avons acquis une conscience plus aiguë de ce que, par certains aspects fondamentaux, l'héritage du colonialisme est encore présent, sous une forme nouvelle - une forme peut-être plus séduisante en apparence mais au fond avilissante et dangereuse. Les moteurs de cette nouvelle domination sont les pouvoirs économiques qui peuvent être aussi insidieux que des colonisateurs politiques, et une idéologie subtile mais puissante qui part du postulat que la manière la plus prometteuse d'améliorer le niveau de vie de l'humanité est de laisser libre cours aux forces du marché.

Concentration du pouvoir
4. Aujourd'hui, bien que de nombreux peuples autrefois colonisés soient devenus indépendants, le pouvoir est de plus en plus concentré entre les mains d'un petit nombre de nations et de sociétés du Nord essentiellement. Leur pouvoir, qui s'étend à travers la planète et touche de nombreux aspects de la vie, est considérable. Les grandes décisions sont prises par ces quelque 30 nations et 60 sociétés géantes. La mondialisation délibérée de la production, du capital et du commerce renforce encore le pouvoir des centres financiers du marché mondial.

5. La mondialisation nous touche tous. Elle contribue à l'érosion de l'Etat-nation, sape la cohésion sociale et intensifie la mainmise sur la nature en portant cruellement atteinte à l'intégrité de la création. La crise de l'endettement et les programmes d'ajustement structurel sont devenus des instruments servant à contrôler davantage les budgets nationaux et à créer un environnement profitable et sûr pour les investissements du secteur privé, cela à un coût insupportable pour les populations.

6. Ce processus est encore renforcé par le développement des communications et des médias mondiaux. Il s'accompagne aussi d'une stratégie très onéreuse, mais couronnée de succès, que les Etats-Unis et d'autres pays développés appliquent pour s'assurer une hégémonie militaire et politique sur la planète. La création de nouvelles institutions, comme l'Organisation mondiale du commerce, et le projet d'accord multilatéral sur l'investissement affermissent le pouvoir de ceux qui sont déjà privilégiés. La convergence de ces facteurs dans les années 90 constitue une menace accrue pour les pauvres, c'est-à-dire pour la grande majorité de la population mondiale.

7. L'homogénéisation qui en découle n'englobe pas la main-d'oeuvre. Alors que les mouvements de capitaux ne sont soumis à aucune restriction au niveau mondial, de nouveaux obstacles sont imposés à la circulation des travailleurs migrants. Face à la mondialisation, la main-d'oeuvre est contrôlée et perd ses forces. Bien que la libéralisation des échanges soit une priorité de la mondialisation économique, les pays développés continuent de protéger leur agriculture et certaines de leurs industries contre les importations de produits compétitifs. Ils continuent de subventionner leurs exportations, ce qui a souvent des effets dévastateurs sur les marchés du Sud.

Pauvreté et exclusion
8. Nous reconnaissons que cette mondialisation naissante peut avoir des aspects positifs. Comme nous l'avons vu, les nouvelles technologies ont souvent permis aux gens de s'allier face aux injustices et aux abus de pouvoir. Elles peuvent servir à alerter la communauté chrétienne en cas de persécution, de violation des droits de l'homme, de situation d'urgence. Des communications plus faciles et plus efficaces entre les régions favorisent la solidarité entre les mouvements et les réseaux sociaux.

9. Les partisans de l'économie de marché font valoir que celle-ci a fait la preuve de sa remarquable capacité à produire des biens et des services dans un monde qui doit absolument répondre aux besoins matériels élémentaires des gens. S'ils reconnaissent que certaines économies ont subi des distorsions parce qu'elles sont étroitement liées à l'économie mondiale, ils soulignent que ce lien a parfois permis à des pays d'atteindre une certaine prospérité. Ces prétendus avantages de la mondialisation la rendent séduisante pour ceux qui voient dans une économie de marché sans entrave aucune le remède à la pauvreté.

10. Dans les faits, la répartition inégale du pouvoir et de la richesse, de la pauvreté et de l'exclusion contredit toutefois le discours trop facile sur une communauté de partage universelle. L'image souvent utilisée du "village planétaire" est trompeuse. La situation actuelle est justement dépourvue du sens de communauté, d'appartenance et de responsabilité mutuelle qui caractérisent la vie d'un village. Les médias internationaux véhiculent une monoculture axée sur la consommation effrénée. La situation de beaucoup de pauvres se dégrade. La Banque mondiale a récemment conclu qu'en 1998 le nombre de pays ayant enregistré une croissance négative était passé de 21 à 36 en un an. En conséquence, elle a constaté que les politiques budgétaires et les taux d'intérêt ont eu un coût social bien plus important que prévu à l'origine.

11. De plus, seule une petite fraction des 1 500 milliards de dollars échangés chaque jour est directement liée aux activités économiques de base. La plus grande partie de cette somme fait l'objet d'une pure spéculation financière et non d'un véritable investissement. Cette spéculation affaiblit encore des économies déjà fragiles. La spéculation massive a entraîné l'effondrement des marchés financiers d'Asie et menace l'économie mondiale tout entière.

12. Les populations sont plus vulnérables et leur vie plus précaire que jamais. L'exclusion sous toutes ses formes engendre une violence qui se propage comme une épidémie. Le nombre de migrants qui cherchent désespérément un travail et un foyer pour leur famille augmente de manière dramatique. Dans les pays industrialisés d'Europe et d'Amérique du Nord, les poches de pauvreté ne cessent de s'étendre et de se multiplier. Partout, le fossé entre riches et pauvres se creuse, et les populations autochtones, les femmes, les jeunes et les enfants sont les premières victimes de la pauvreté et de l'exclusion. La grande majorité des exclus sont invariablement des gens de couleur, cibles de la xénophobie, du racisme et de l'oppression.

Contradictions, tensions et inquiétudes
13. La mondialisation suscite un tissu de contradictions, de tensions et d'inquiétudes. L'interpénétration systémique des réalités locale et mondiale a donné naissance à un certain nombre de dynamiques nouvelles. Elle a entraîné la concentration du pouvoir, du savoir et de la richesse dans des institutions contrôlées ou du moins influencées par les sociétés transnationales. Elle a cependant aussi créé une dynamique de décentralisation : en effet, les peuples et les communautés luttent pour reprendre le contrôle face aux forces qui menacent leur existence même. Face à ces changements et à ces fortes pressions sur leurs moyens de subsistance et leurs cultures, les gens veulent affirmer leur identité culturelle et religieuse.

La mondialisation a débouché sur une uniformisation de certains aspects de la vie des sociétés modernes, mais elle entraîne et alimente aussi une fragmentation du tissu social. Au fur et à mesure que ce processus se poursuit et que les gens perdent espoir, ils commencent à rivaliser pour tirer quelques profits de l'économie mondiale. Dans certains cas, cette situation aboutit au fondamentalisme et à la purification ethnique.

Idéologie néolibérale
14. La mondialisation économique s'inspire de l'idéologie néolibérale. Le credo de l'économie de marché repose sur la ferme conviction que, derrière les forces et les objectifs économiques concurrents, il existe une "main invisible" qui garantira le bien optimal pour tous, alors que chaque individu est à la recherche de son profit personnel. Les êtres humains sont considérés comme des individus et non comme les membres d'une communauté, essentiellement concurrents et non pas coopérants, consommateurs et matérialistes plus que tournés vers la vie spirituelle. On a donc abouti à un système impitoyable qui rend les gens superflus et les abandonne s'ils ne sont pas compétitifs face aux puissants de l'économie mondiale.

15. Les gens tendent donc à perdre leur identité culturelle et à nier leurs responsabilités politiques et éthiques. En promettant la richesse à chacun et la réalisation du rêve d'un progrès illimité, le néolibéralisme fait miroiter le salut universel. Mais, obsédé par la recherche de bénéfices toujours plus grands sur les marchés financiers, par l'expansion du commerce et par la croissance de la production, le système économique mondial est aveugle et ignore les conséquences destructrices qu'il a sur la société et l'environnement.

Un défi lancé aux Eglises et au mouvement oecuménique
16. La mondialisation lance un défi d'ordre pastoral, éthique, théologique et spirituel aux Eglises et au mouvement oecuménique en particulier. Elle recouvre une vision qui est en concurrence avec l'oikoumene, toute la terre habitée, et l'unité de l'humanité. L'oikoumene mondialisée de la domination fait contraste avec la vision de l'oikoumene de la foi et de la solidarité qui motive et dynamise le mouvement oecuménique. Il faut opposer à la logique de la mondialisation une autre manière de vivre la communauté dans la diversité.

17. Le pluralisme et la diversité au sein du mouvement oecuménique par exemple ne sont plus considérés comme un obstacle à l'unité des Eglises et à un avenir durable pour l'humanité. La diversité offre de précieuses ressources et différentes solutions viables si les récits de vie, l'expérience et les traditions des autres sont reconnus et si les chrétiens, les groupes oecuméniques et les Eglises s'efforcent de rechercher ensemble d'autres voies qui affirment la vie sur la terre et lui permettent de s'épanouir. Le concept traditionnel de catholicité de l'Eglise mérite également une nouvelle attention. La notion et la pratique de la catholicité peuvent être perçues comme une première forme de réponse chrétienne au modèle impérial d'unité, établi et représenté par l'empire romain. Une telle alternative au pouvoir impérial est pertinente dans l'affirmation de la dimension oecuménique de la vie des Eglises, dans le contexte de la mondialisation.

Jubilé et mondialisation
18. Au cours de ces journées passées ensemble, nous avons souvent évoqué le Jubilé, ce temps d'émancipation, de restauration de relations justes et de nouveaux commencements (Lévitique 25; Esaïe 61; Luc 4). Le jubilé est une reconnaissance du fait que, si les choses suivent leur cours normal, le pouvoir se concentre toujours davantage entre quelques mains et que, sans intervention, toute société devient progressivement injuste. Comme la Bible hébraïque nous le rappelle, les puissants joignent maison à maison, champ à champ (Esaïe 5, 8). Les faibles et les pauvres sont vulnérables, marginalisés, exclus. La restauration exige que l'on s'oppose à cette évolution (Michée 7; Néhémie 5). Pour conserver aux personnes et à un peuple leur plénitude, il faut intervenir et rompre périodiquement avec le déroulement normal des choses.

19. Le jubilé a des implications importantes pour notre réflexion sur la mondialisation. Cette dernière semble habituellement bénigne, voire profitable, surtout pour ceux qui en tirent bénéfice. Mais la concentration du pouvoir - économique, politique, culturel, militaire - transforme radicalement le monde d'aujourd'hui et de demain d'une manière qui est loin d'être bénigne. Le scandale de la dette étouffante, la marginalisation et l'exclusion de tant de nos soeurs et frères, l'exploitation des femmes et des enfants, les pressions accrues pesant sur les minorités qui luttent pour préserver leur culture, leurs traditions religieuses et leur langue, la destruction des terres ancestrales des peuples autochtones et de leurs communautés sont en partie l'expression de cette concentration de pouvoir que l'on prétend légitimer au nom de l'amélioration du niveau de vie.

Affirmer le don divin de la vie
20. Il est plus nécessaire que jamais de réclamer une refonte totale du système économique et d'affirmer le don divin de la vie qui est si menacé. Le développement durable, concept qui revient souvent dans les enceintes internationales, laisse les puissantes forces de la mondialisation aux commandes et ne remet pas en question le paradigme fondamental du progrès et de la croissance permanente et illimitée. Pour affirmer le don divin de la vie à toute la création au milieu des peines, des souffrances et de la destruction causées par la mondialisation économique, il est impératif de découvrir une vision centrée sur la vie.

21. Jésus est venu pour que tous aient la vie et qu'ils l'aient en abondance (Jean 10, 10). Le salut de Dieu en Jésus Christ ne signifie pas seulement la plénitude de vie pour la communauté humaine, mais aussi le rétablissement de la création tout entière dans sa bonté et son intégrité premières. Le Saint Esprit de Dieu vient pour renouveler toute la création. Selon les récits bibliques de la création, la terre devait offrir des espaces à toutes les créatures vivantes au sein d'habitats différents, mais liés les uns aux autres dans un réseau de relations. La communauté humaine s'intègre dans la communauté plus large de la terre, enracinée dans la maison de vie de Dieu. C'est cette vision d'une terre véritablement oecuménique qui inspire le mouvement oecuménique et le pousse à chercher de nouvelles manières de revivifier et de protéger les communautés de peuples autochtones ainsi que les marginalisés et les exclus, à participer à la résistance contre la domination croissante de la mondialisation économique et à s'engager dans l'édification d'une culture fondée sur la paix et des relations justes, sur le partage et la solidarité.

22. L'histoire des peuples témoigne du désir profond d'assurer la vie en répondant aux besoins essentiels de tous, de la protéger en bâtissant la paix dans des situations de violence et de guerre, de l'améliorer en renforçant la responsabilité de chacun dans une société véritablement démocratique, et de promouvoir le bien-être économique des populations en élargissant les possibilités et les réseaux de solidarité, d'enrichir la vie en développant la spiritualité et les activités culturelles des personnes, ainsi qu'en édifiant des communautés justes et viables.

23. Il faut développer quatre aspects essentiels de cette vision centrée sur la vie : la participation, c'est-à-dire l'inclusion optimale de toutes les personnes concernées à tous les niveaux; l'équité, c'est-à-dire une justice élémentaire appliquée aussi aux autres espèces vivantes; la responsabilité mutuelle, c'est-à-dire le fait d'être comptable aux autres et à la terre elle-même; et la "suffisance" pour tous, c'est-à-dire l'engagement à subvenir aux besoins fondamentaux de toute vie et à réaliser une qualité de vie qui assure à chacun son pain quotidien, et plus que cela.

La tâche de la famille oecuménique
24. Quelle doit être la réaction des Eglises face à cette interpellation ? Quelle est la tâche de la famille oecuménique ? Quel devrait être le rôle des Eglises à travers le Conseil oecuménique des Eglises ? Comment les Eglises et le COE devraient-ils s'associer à ceux qui luttent pour comprendre les défis de la mondialisation et les relever ? Comment pouvons-nous être les instruments du jubilé de Dieu qui est au coeur du message de Jésus (Luc 7, 18-23) ? Il appartient à chaque personne et à chaque communauté représentée ici de répondre à ces questions.

25. Nous reconnaissons que, dans le contexte actuel de la mondialisation, nous n'avons pas toujours su rester fidèles à nos convictions. Nous nous repentons de nous être laissés détourner de notre prochain qui souffre par le pouvoir des nouvelles technologies, l'attrait des possessions, les tentations de la supériorité et du pouvoir. Nous reconnaissons que nous sommes tentés de chercher à nous intégrer dans un monde qui n'a de place que pour une poignée de privilégiés. Pour que notre confession et notre repentance ne soient pas vides de sens, nous sommes appelés à découvrir et à retrouver notre solidarité avec les exclus.

26. Il appartient au COE de renforcer la dimension oecuménique dans la vie des Eglises et d'offrir l'espace nécessaire au dialogue et à l'édification mutuelle en vue du témoignage commun des Eglises au niveau local, régional et international. Il faut renforcer la voix et la représentation du COE au niveau international, représentation qui peut s'appuyer sur sa capacité à analyser les tendances mondiales, mais qui dépend également du type de réseau d'action, de soutien et de transformation que le Conseil peut mobiliser en tant qu'instrument des Eglises. Un élément fondamental de la vision de la terre, en tant que foyer de la création, est l'appel adressé aux gens, leur demandant, dans des situations et des contextes très différents, de pratiquer leur foi dans la solidarité et d'affirmer ensemble la vie sur la terre.

27. Rétrospectivement, il apparaît clairement que depuis la Septième Assemblée tenue à Canberra, les différents secteurs d'activité du COE sont devenus de plus en plus conscients des problèmes et des dangers inhérents à la mondialisation. Le nouveau Comité central et toutes les Eglises membres devraient être encouragés à élaborer une approche plus cohérente face aux défis de la mondialisation, en mettant l'accent sur la vie dans la dignité, au sein de communautés justes et viables.

Publications récentes du COE sur la mondialisation et les questions économiques

  1. Tony Addy (ed.), The Globalizing Economy: New Risks - New Challenges - New Alliances, Unité III-COE, Genève, 1998.
  2. Tony Addy (ed.), The Globalizing Economy: New Risks - New Challenges - New Alliances. Summary of Recommendations, Unité III-COE, Genève, 1998.
  3. Bas de Gaay Fortman/Berma Klein Goldewijk, God and the Goods: Global Economy in a Civilizational Perspective, COE, Genève, 1998.
  4. Richard Dickinson, Economic Globalization: Deepening Challenge for Christians, Unité III-COE, Genève, 1998.
  5. Rob van Drimmelen, La foi et l'économie mondiale aujourd'hui, COE, Genève, 1998.
  6. Samuel Kobia, The Changing Role of the State and the Challenge for Church Leadership in Africa, in Echoes 14, Unité III-COE, Genève, 1998, pp. 8-11.
  7. Julio de Santa Ana, Globalization and Sustainability, COE, Genève, 1998.
  8. Unité III-COE (ed), Dossiers I and II on the Multilateral Agreement on Investment, Genève, 1998.
  9. Unité III-COE (ed), Featuring Globalization, Echoes 12, Genève, 1997.


IV. Réponse à la séance plénière sur la Décennie oecuménique

Table des matières
Huitième Assemblée et Cinquantenaire

© 1999 Conseil oecuménique des Eglises | Pour toute remarque concernant ce site:
webeditor