ACCOMPAGNEMENT SPÉCIAL DE L'AFRIQUE :
Défis à l’Eglise et à la société / La reconstruction de l’Afrique et le problème de la mondialisation économique / Participation des jeunes / Les femmes dans des situations de conflit / Un stagiaire pour l’Afrique

+ pacte de Harare /
réaction à la séance plénière sur l’Afrique de l’Assemblée de Harare

INTRODUCTION

Le continent africain est en constante mutation: les changements les plus récents sont intervenus après le retrait des puissances coloniales et leur remplacement par de nouvelles formes de domination. Ces changements ont été rendus plus douloureux encore par les catastrophes économiques qui ont suivi, par les guerres et par l’imposition de politiques décidées à l’extérieur du continent.

Le COE a commencé à centrer son attention sur l’Afrique lorsque la Huitième Assemblée, tenue à Harare en 1998, a appelé la communauté oecuménique à accompagner les Eglises de ce continent sur le chemin qui devait les conduire à la définition d’une nouvelle vision pour l’Afrique. L’Assemblée a invité le COE et ses organisations à soutenir et à accompagner les Eglises d’Afrique dans cette tâche, et à les aider à établir leur propre ordre du jour; pour ce faire, elle a demandé qu’on mette tout particulièrement l’accent sur l’Afrique dans les premières années du 21ème siècle.


La séance plénière sur l’Afrique à la Huitième Assemblée du COE à Harare, Zimbabwe, en 1998.
L’Assemblée a en outre chargé le Comité central du COE de faire avancer le travail commencé par un programme déjà existant, le Programme de reconstruction de l’Afrique (PRA). Elle a demandé que l’on fasse une plus large place au dialogue et à l’étude, au développement du potentiel local et à l’échange d’informations, de manière à renforcer la solidarité au sein de la communauté oecuménique et à permettre à l’Afrique d’apporter sa contribution propre au mouvement oecuménique.

A sa réunion de septembre 1999, le Comité central a désigné trois grands domaines d’activité pouvant servir de cadre général à un Programme de reconstruction revitalisé. Ce sont:

  • la guerre et la paix (notamment les systèmes de gouvernement, le microdésarmement, les femmes et les enfants dans des situations de conflit armé);
  • la justice économique (notamment la mondialisation et la dette, du point de vue des droits et de la dignité de la personne humaine);
  • la spiritualité et les valeurs morales qui confèrent à la vie sa dignité.

    Les objectifs généraux du Programme sont donc les suivants:

  • Victimes de la violence
    Dans le cadre des activités du COE en rapport avec la Décennie ‘vaincre la violence’ (DVV), un un colloque s’est tenu en décembre 2004 à Kigali, Rwanda, sur le thème « Affirmer la dignité humaine, les droits des peuples et l’intégrité de la création ». L’objectif était de tenter de distinguer ce que la dignité humaine, les droits des peuples et l’intégrité de la création signifient pour les Eglises et le mouvement œcuménique alors qu’ils s’efforcent de lutter contre les graves abus commis à l’égard de la vie, qui vont jusqu’à l’élimination de celle-ci, et contre la légitimation de tels actes dans le monde d’aujourd’hui. Il s’agissait aussi de tenter de faire une théologie qui prenne en compte les perspectives et les expériences des victimes de la violence.
    Rapport du colloque


    Des enfants dans un centre d’accueil de personnes amputées et leurs familles à Freetown, Sierra Leone

     
  • discerner quelle est la mission des Eglises dans la recherche de la paix, la solution des conflits et la réconciliation, en insistant tout particulièrement sur la repentance, le pardon, la vérité et la guérison;
  • aborder des questions nouvelles et urgentes comme la mondialisation, le commerce, la finance et l’endettement;
  • encourager une culture qui affirme la vie et la paix, la justice et le respect de l’intégrité de la création.

    Le programme a apporté un regain d’énergie et de motivation aux réseaux ecclésiastiques et oecuméniques existants, qui ont décidé de travailler ensemble pour formuler une nouvelle vision pour l’Afrique. Ces réseaux sont les suivants:

  • les associations théologiques;
  • les réseaux de peuples déracinés (en Afrique centrale, australe, de l’Est et de l’Ouest);
  • les réseaux de jeunes, par exemple l’Institut «Jeunesse pour la paix», de la CETA (Conférence des Eglises de toute l’Afrique);
  • les réseaux de femmes;
  • les conseils nationaux d’Eglises;
  • trois associations sous-régionales africaines et la CETA;
  • les réseaux de mission rurale et urbaine (Eglises, dirigeants d’organisations gérées par la communauté);
  • certaines organisations non gouvernementale (ONG) travaillant dans des domaines en rapport avec les objectifs respectifs poursuivis;
  • des gouvernements, des institutions des Nations Unies et d’autres organismes mondiaux intéressés et ayant une présence officielle en Afrique.

    Défis à l’Eglise et à la société
    L’Eglise et la société africaines doivent faire face à trois problèmes difficiles: la nature et le rôle de l’Etat-nation, la violence et la corruption. Il apparaît de plus en plus clairement que le modèle de l’Etat-nation ne marche pas en Afrique. La légitimité même du modèle actuel est en jeu. Il faudra donc faire un sérieux effort pour inventer un nouveau type d’Etat-nation sur le continent; c’est une tâche que le mouvement oecuménique devra inscrire à son ordre du jour pour le 21ème siècle.

    En Afrique, la violence est structurelle et systémique (économique, sociale et culturelle) aussi bien que physique et auto-infligée. L’apparition de guerres civiles auto-financées est un phénomène particulièrement inquiétant. La guerre civile en Angola a marqué le début d’une tendance qui s’est répétée plus tard dans plusieurs autres pays d’Afrique centrale et de l’Ouest: les guerres civiles actuelles sont en effet livrées non pas pour satisfaire des motifs idéologiques, mais pour obtenir la maîtrise de la richesse économique d’un pays. La bénédiction de Dieu que sont les ressources minérales d’un pays devient alors une malédiction pour la population innocente. Le mouvement oecuménique a donc le devoir d’une part de faire campagne pour l’élimination de ces formes de violence, et d’autre part de contester la légitimité des guerres civiles en Afrique.


  • Panneau avertissant des dangers du SIDA, Sierra Leone
    La mort silencieuse, lente et douloureuse causée par le VIH/sida est une autre forme de violence, tout aussi dévastatrice. Aujourd’hui, la pandémie qui ravage l’Afrique équivaut à un génocide silencieux certes mais terrifiant. Dans beaucoup de communautés, ce sont les vieux qui enterrent les jeunes. On ne mesure pas encore toutes les répercussions culturelles et psychologiques de cette abomination. Avec le sida, la mort est devenue une expérience quotidienne qui remet en question la valeur intrinsèque de la vie. La pandémie force les communautés africaines à réévaluer leur cosmologie et leur spiritualité ancestrale. Par le canal du PRA, le COE entend donner aux Eglises africaines les armes nécessaires pour s’attaquer à cet immense défi et les accompagner dans ce combat. (Pour de plus amples informations sur les activités du COE pour encourager la lutte contre le VIH/sida au niveau communautaire, cliquez ici.)

    La corruption existe dans tous les pays. Ce qui passe pour une commission dans certains pays européens est peut-être considéré comme un pot-de-vin dans d’autres. On ne peut donc pas dire que la corruption existe seulement en Afrique. Cependant, une société où elle est institutionnalisée et généralement acceptée comme normale ne fera guère de progrès en quoi que ce soit.

    Dans bien des pays d’Afrique, la corruption est devenue un cancer dont le traitement exige rien moins qu’une intervention chirurgicale. Plus encore que les crises politiques et économiques, c’est la crise morale qui représente le plus grave danger pour l’Afrique. Dans le domaine crucial de la morale, on attend spécifiquement de l’Eglise qu’elle joue le rôle de guide.

    Par l’intermédiaire de l’Association des conseils chrétiens et des Eglises de l’Afrique de l’Ouest (FECCIWA), le PRA a soutenu et facilité l’action entreprise par les Eglises pour s’attaquer au problème de la corruption. Un colloque réunissant les conseils nationaux d’Eglises africains pour discuter des problèmes éthiques posés par la corruption aidera les Eglises à poursuivre leurs efforts en vue d’éradiquer ce fléau à l’échelon national.

    Pour qu’il y ait une renaissance africaine, il faut que les peuples de l’Afrique redécouvrent leur âme. Ce sera pour le continent un voyage de redécouverte de soi et de restauration de son amour-propre. Les Eglises et les réseaux oecuméniques qui ont repris le thème de la renaissance africaine demandent aux chrétiens d’apporter leur contribution spécifique à ce projet. Dans le cadre d’une réunion du Groupe mondial de travail de la Mission rurale et urbaine (MRU) à Dakar, Sénégal, la MRU «Afrique» a organisé un forum sur la renaissance africaine et la justice sociale. Dans sa contribution aux débats, le PRA a mis l’accent avant tout sur la spiritualité, qu’il faut considérer comme le fondement de communautés justes, pacifiques et écologiquement viables.


    Pendant le Forum des ONG à Durban, Afrique du Sud, dans le cadre de la Conférence mondiale contre le racisme d’août 2001, Jubilee South Africa et Jubilee South ont participé, le 31 août, à une marche de plus de 10 000 personnes venues d’Afrique australe et de toutes les régions du monde, organisée par le Forum social de Durban
    La reconstruction de l’Afrique et le problème de la mondialisation économique
    Pendant l’an 2000 et le premier trimestre de 2001, l’attention s’est portée principalement sur le soutien à apporter à des initiatives telles que Africa Jubilee 2000, qui milite pour l’annulation de la dette de l’Afrique. Les campagnes nationales contre la dette et les programmes d’ajustement structurel (PAS) se sont terminées par un colloque panafricain, tenu à Dakar en décembre 2000.

    Ce colloque, nommé «Dakar 2000», a publié une déclaration intitulée Africa: from Resistance to Alternatives (L’Afrique: de la résistance aux solutions de rechange), où l’on peut lire ceci:

    «...Nous réclamons l’annulation totale et inconditionnelle de la dette de l’Afrique, sur la base d’arguments économiques, sociaux, moraux, juridiques et historiques, parce que le problème de la dette n'est pas une question financière ou technique comme la Banque mondiale et le FMI voudraient le démontrer. C’est fondamentalement un problème humain, social et politique. Le service de la dette et les conditions qui y sont associées ont contribué à l’aggravation de la pauvreté. De plus, la dette a été largement remboursée: ces dernières années, l’Afrique a transféré aux pays développés davantage de ressources qu’elle ne reçoit.

    En outre, une bonne partie de la dette de l’Afrique a quelque chose d’odieux, de frauduleux et d’immoral. En effet, dans la plupart des cas, elle a été contractée par des régimes non représentatifs qui ont utilisé les sommes reçues à des fins bien peu profitables à la population en général. Elle a souvent servi à consolider, voire à légitimer, des dictatures oppressives, avec l’indulgence et la connivence des pays occidentaux. Des pays se sont aussi endettés pour entreprendre des projets gigantesques servant à stimuler les exportations plutôt qu’à subvenir aux besoins fondamentaux de la population. Le remboursement de la dette est une exigence immorale: les pays sont obligés d’y affecter des ressources dont ils ont grandement besoin pour combattre la pauvreté, l’analphabétisme et le sida. Ainsi, sous quelque angle que nous considérions la question de la dette de l’Afrique, la situation est inacceptable. Elle est d’autant moins acceptable que la dette historique que l’Occident a contractée envers l’Afrique est incommensurable. En conséquence, nous réclamons la restitution de ce qui a été pris à l’Afrique par la force pendant des siècles, et des réparations pour tous les crimes commis contre ses peuples et tous les dommages qu’on leur a infligés.

    Mobilisés par l’Appel d’Amsterdam d’avril 2000, nous, représentants de mouvements de femmes et de jeunes, de travailleurs agricoles et urbains et de mouvements de solidarité internationale, réunis à Dakar (Sénégal) du 11 au 14 décembre 2000, forts du soutien de nos partenaires d’autres continents, demandons une fois de plus l’annulation immédiate et inconditionnelle de la dette de l’Afrique, la fin des programmes d’ajustement structurel, même sous leur nouvelle appellation de Programmes stratégiques de réduction de la pauvreté (PSRP); nous adoptons le programme suivant et promettons de prendre toutes les mesures nécessaires pour son exécution. Nous avons donné notre appui aux activités de suivi prévues pour 2001 et le maintiendrons en 2002.»

    Un autre colloque sur l’Afrique et la mondialisation a été organisé au Togo en septembre 2000, conjointement avec l’Alliance mondiale des Unions chrétiennes de jeunes gens; le thème de la réunion était la mondialisation et les droits de la personne humaine en Afrique, spécialement en ce qui concerne les jeunes. La CETA était représentée par son secrétariat «jeunesse». Les jeunes Africains ont exprimé leur grave préoccupation au sujet des effets dévastateurs de la mondialisation sur la vie économique, sociale et culturelle de l’Afrique.


    Des jeunes Africains à la séance plénière sur l’Afrique de la Huitième Assemblée du COE, Harare, 1998
    Participation des jeunes
    Le PAR veut engager la participation des jeunes Africains à sa recherche d’une nouvelle vision pour l’Afrique, afin qu’ils puissent contribuer positivement au processus de reconstruction sociale. Les jeunes ont énormément à gagner de l’établissement de sociétés justes, pacifiques et écologiquement viables, et le mouvement oecuménique doit appuyer et faciliter cette participation. A cette fin, le PRA du COE a organisé un séminaire sur la théologie et la mondialisation à l’intention de jeunes théologiens africains, à Accra (Ghana).

    Dans une déclaration rédigée après leur visite de la forteresse de El minah, près d’Accra, où autrefois l’on parquait les esclaves, les trente jeunes théologiens venus de 17 pays ont affirmé que «El minah représente non seulement un système oppresseur de distribution inégale du pouvoir socio-politique et économique qui persiste aujourd’hui, mais évoque également le manque de courage de l’Eglise qui n’a pas dénoncé ce système...

    Pourtant, alors que nous étions assemblés dehors et disions de tout notre coeur «Plus jamais ça» devant le El minah du Ghana, nous étions confrontés au El minah de la mondialisation. Comme celle de 1482, cette forteresse invaincue qui domine le monde exsude la pauvreté et l’injustice. Elle suinte l’oppression et la cupidité».


    Une visite de solidarité «de femme à femme» au Libéria: une équipe oecuménique s’est rendue dans plusieurs camps de réfugiés pour parler avec les femmes et les enfants.
    Les femmes dans des situations de conflit:
    Les visites de solidarité «de femme à femme» sont devenues l’une des manières privilégiées par la communauté oecuménique pour exprimer son soutien aux femmes et aux enfants pris dans les situations de conflit. Deux visites de ce genre, organisées conjointement par le COE, l’Alliance mondiale des Unions chrétiennes féminines (UCF), la Fédération luthérienne mondiale (FLM) et la CETA, ont été réalisées par des équipes de cinq femmes chacune, au Libéria et en Sierra Leone, en 2000.

    Les femmes sont souvent victimes de formes spécifiques de violence et continuent parfois à vivre dans la peur et à subir des actes d’intimidation après que le conflit a en théorie été réglé. Comme certaines l’ont dit pendant la visite en Sierra Leone, s’il est vrai que la violence envers les femmes est exacerbée par la guerre, il est vrai aussi qu’elle existe même en l’absence de guerre. Les femmes doivent savoir qu’elles peuvent parler sans crainte des violences qu’elles subissent. Ces visites ont créé un espace pour de véritables échanges d’expériences.

    «Nous sommes allées dans ces pays pour exprimer la solidarité de la communauté internationale à ces femmes, pour les écouter et pour faire connaître leurs inquiétudes au reste du monde. Nous affirmons que les femmes ont un rôle important à jouer dans le processus de paix, de réconciliation et de démocratisation. Nous prions instamment l’Eglise partout dans le monde de continuer à soutenir les efforts déployés par les femmes pour guérir et réconcilier, pour reconstruire leurs vies et celles de leurs communautés...

    Les visites ont mis tout particulièrement en évidence la situation des enfants, de ceux qui ont été kidnappés et forcés à devenir soldats, et aussi de tous ceux qui continuent à vivre dans un contexte de violence et d’insécurité. Nous nous joignons à l’appel des Eglises et d’autres groupes de ces pays, qui s’élèvent contre la proposition de faire passer ces enfants en jugement pour crimes de guerre.

    Pendant les visites que nous avons faites dans des camps de réfugiés, de personnes déplacées, des centres d’accueil pour personnes amputées, des programmes, laïques ou religieux, de rééducation d’anciens combattants et d’aide à des jeunes filles devenues mères à la suite de viols, on a attiré notre attention sur la persistance du viol et de la violence envers les femmes et les enfants dans les conflits et les guerres.»

    Un stagiaire pour l’Afrique
    L’Assemblée de Harare avait demandé au PRA de faire une large place à la mise en valeur du potentiel local et à l’échange d’informations, afin de développer la solidarité au sein de la communauté oecuménique et de donner la possibilité à l’Afrique d’apporter sa contribution distinctive à la communauté chrétienne mondiale. Il fallait que le COE dans son ensemble soit l’interprète de l’Afrique et de ses préoccupations auprès de la communauté oecuménique. Il fallait aussi qu’au sein du COE lui-même on comprenne la communication d’un point de vue africain; on avait besoin de quelqu’un qui soit capable d’interpréter les événements, les informations et les nouvelles dans cette perspective. De ce constat est née l’idée de nommer un(e) stagiaire chargé(e) d’améliorer la communication.

    Le stagiaire a rédigé un document d’orientation sur la communication en Afrique et créé une base de données sur les contacts existant à l’intérieur du continent et le concernant. Il a préparé des profils de chaque pays et participé à un projet commun de la Vesper Society et du COE, consistant à préparer une pochette de documentation destinée aux animateurs de jeunesse oecuméniques désireux de communiquer en ligne. Il s’est également attelé à un projet qui a pour but d’examiner les preuves de violence économique en Afrique australe en étudiant les politiques agraire et foncière, de recenser les diverses manières de s’y opposer et de faire des recommandations au COE sur les meilleurs moyens d’y remédier dans le contexte plus large de la mondialisation économique.


    Pacte de Harare / Réaction à la séance plénière sur l’Afrique de l’Assemblée de Harare

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