L'Alliance évangélique mondiale tire ses origines d'une entreprise oecuménique qui précède la création du COE d'une centaine d'années. Elle a été fondée en 1846. Or, quasiment dès sa création, elle s'est heurtée -- fait intéressant -- à une question d'éthique sociale: celle de l'esclavage. Toutefois ce premier échec en tant que mouvement international a été largement compensé à un autre niveau. Dans de nombreuses régions du monde, ce qui s'est passé en 1846 a donné un fort élan à la création d'alliances évangéliques nationales et régionales. Lorsque l'Alliance évangélique mondiale a été créée en 1951, elle était pour ainsi dire l'héritière de ces florissantes alliances nationales. Aujourd'hui, l'AEM représente près de 150 millions de chrétiens à travers le monde. Elle travaille en particulier par l'intermédiaire des 111 alliances évangéliques nationales et régionales dont elle reçoit le soutien.
Je voudrais attirer votre attention sur deux aspects des relations entre les évangéliques et le mouvement oecuménique: la double appartenance et les tensions.
Dans bien des situations nationales et régionales, les évangéliques sont étroitement associés aux conseils d'Eglises qui travaillent avec le COE. En fait, dans certains pays, le Ghana par exemple, ils sont employés par les conseils d'Eglises en relation avec le Conseil oecuménique. Cette double appartenance est manifeste à l'Assemblée: plus d'une dizaine de délégués représentant des Eglises membres du COE se déclarent évangéliques. Le plus éminent d'entre eux est le courageux responsable de l'Eglise anglicane du Kenya, l'archevêque David Gitari.
Plus précisément, l'engagement de l'AEM à l'oecuménisme, au-delà du cercle de ses membres, ressort clairement de l'existence et des activités de son groupe de travail sur les questions oecuméniques (groupe que j'anime). Par le biais de ce groupe de travail, l'AEM est en consultation permanente avec l'Eglise catholique romaine. De la même manière, le dialogue entre évangéliques et orthodoxes, qui a été lancé à Canberra, se poursuit, comme vous l'avez entendu ici, de manière très vivante. En outre, le groupe de travail a préparé une réaction au document "Baptême, eucharistie, ministère" ainsi qu'à l'étude sur la foi apostolique.
Toutes ces initiatives montrent que les "évangéliques" et les "partisans de l'oecuménisme" ne s'excluent nullement les uns les autres.
Pourtant il existe entre eux de réelles divergences dans les perspectives et les grands axes qui, si elles ne sont pas dépassées ou du moins comprises et respectées, risquent d'engendrer un sérieux désaccord. Les tensions peuvent prendre diverses formes mais, par souci de brièveté, je me contenterai de prendre comme exemple nos différences dans la conception de la mission. Les évangéliques sont attachés à la mission dans sa globalité, c'est-à-dire, comme on l'a exprimé en partie dans le dialogue avec le mouvement oecuménique, une mission qui englobe les aspects socio-politiques de l'existence humaine. Mais ce qui caractérise la conception évangélique de la mission, c'est un sens très fort de ce que nous considérons être le pivot, l'axe de la mission: l'appel universel à la conversion -- la conversion au Seigneur crucifié et ressuscité.
L'accent que les évangéliques placent sur le centre vital de la mission a été très bien exprimé par l'évêque Lesslie Newbigin lors de la dernière grande conférence oecuménique à laquelle il a assisté avant sa mort: la Conférence mondiale sur la mission et l'évangélisation, tenue en 1996 au Brésil. Lorsque les participants ont proposé que nous nous engagions à rendre un témoignage clair à l'évangile de l'espérance en Jésus Christ, l'évêque Newbigin a suggéré d'ajouter cette phrase: "pour que nous puissions tous connaître et aimer Jésus". Ces quelques mots résument la passion évangélique pour la mission, une mission qui englobe tout et dont le coeur est cet appel à la conversion.
La charité et notre conviction concernant le centre vital de la mission sont ce que nous espérons, ce pour quoi nous prions, et ce à quoi nous oeuvrons, lors de cette Assemblée aussi, qui a pour thème "Tournons-nous vers Dieu dans la joie de l'espérance".
George Vandervelde
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Huitième Assemblée et Cinquantenaire