huitième assemblée et cinquantenaire

Faisons route ensemble
Déclaration sur les droits de la personne humaine

Adoptée par la Huitième Assemblée du Conseil oecuménique des Eglises
Harare, Zimbabwe, 3-14 décembre 1998




Introduction

Le Conseil oecuménique des Eglises participe depuis longtemps à l'élaboration de normes et de critères internationaux et à la lutte pour la promotion des droits de la personne humaine. Par l'intermédiaire de sa Commission des Eglises pour les affaires internationales, il a pris part à la rédaction de la Déclaration des droits de l'homme des Nations Unies et fourni le texte de l'article 18 sur la liberté de pensée, de conscience et de religion. Depuis lors, il s'emploie activement à promouvoir l'application de la Déclaration.

Lors de la préparation de sa Cinquième Assemblée, le COE s'est engagé dans une consultation à l'échelon mondial en vue d'examiner sa politique fondamentale en matière de droits de la personne humaine. Cet examen a abouti à la réunion du "Colloque sur les droits de l'homme et la responsabilité des chrétiens" à St. Pölten, Autriche, en 1974. Ce colloque a formulé les lignes directrices destinées à la déclaration d'orientation générale adoptée à Nairobi en 1975, placé les droits de la personne humaine au centre des luttes des peuples pour se libérer de la pauvreté, du joug colonial, du racisme institutionnalisé et des dictatures militaires, et il a établi un nouveau programme d'action oecuménique global en faveur de ces droits.

Les Eglises, dans de nombreuses régions du monde, ont relevé le défi de l'Assemblée de Nairobi, s'attaquant plus résolument aux questions liées aux droits de la personne dans leurs sociétés respectives, s'engageant, souvent au prix de grands risques, dans des luttes coûteuses pour ces droits sous des dictatures militaires, créant un réseau oecuménique mondial de solidarité pour la reconnaissance des droits de l'homme, ainsi que de nouvelles formes dynamiques de coopération avec la Commission des droits de l'homme de l'ONU et d'autres organisations nationales et internationales de défense de ces droits. Ces stratégies ont contribué à accroître notablement l'efficacité du témoignage oecuménique dans le domaine des droits de la personne et ont eu des effets non négligeables sur l'élaboration de nouvelles normes internationales.

En 1993, le Comité central du COE, dans la perspective de la Huitième Assemblée, a demandé un réexamen global de la politique et de la pratique oecuméniques dans le domaine des droits de la personne humaine, afin de tirer les leçons de deux décennies d'engagement intensif, d'analyser les nouveaux problèmes qui se posent à la suite des bouleversements que le monde a connus depuis l'Assemblée de Nairobi, et d'inciter les Eglises à entreprendre de nouvelles actions là où les droits de l'homme n'avaient reçu qu'une attention secondaire. On a réuni des colloques et des séminaires au niveau régional, et on a fait la synthèse de leurs rapports lors d'un colloque international qui s'est tenu à Morges, Suisse, en juin 1998, sur le thème "Les droits de la personne humaine et les Eglises: nouveaux défis".

Les Assemblées précédentes et les colloques oecuméniques ont défini une base théologique pour l'engagement des Eglises dans la promotion et la défense des droits de la personne humaine :

"En tant que chrétiens, nous sommes appelés à avoir part à la mission divine de justice, de paix et de respect de toute la création, et à nous efforcer d'apporter à toute l'humanité la vie en abondance, voulue par Dieu. Dans les Ecritures, par la tradition, et grâce aux multiples manières dont l'esprit illumine nos coeurs aujourd'hui, nous discernons le don de la dignité que Dieu accorde à chaque personne et le droit inaliénable de cette personne à être acceptée par la communauté et à participer à sa vie. Par conséquent, l'Eglise, en tant que corps du Christ, a pour tâche d'oeuvrer pour le respect et la mise en oeuvre universelle des droits de la personne humaine" (Colloque sur "Les droits de la personne humaine et les Eglises : nouveaux défis", Morges, Suisse, juin 1998).

"Nos préoccupations à l'égard des droits de l'homme sont fondées sur notre conviction que Dieu veut une société dans laquelle tous les hommes puissent exercer pleinement leurs droits. Tous les être humains, créés à l'image de Dieu, sont égaux, et infiniment précieux à ses yeux et aux nôtres. Jésus Christ nous a liés les uns aux autres par sa vie, sa mort et sa résurrection, de telle manière que ce qui concerne l'un d'entre nous, nous concerne tous" (Cinquième Assemblée, Nairobi, 1975).

"Tous les êtres humains, quels que soient leur race, leur sexe ou leurs convictions, ont été créés par Dieu, à la fois en tant qu'individus et en tant que membres de la communauté humaine. Mais le monde a été corrompu par le péché, source de dégradation des relations humaines. En réconciliant l'humanité et la création avec Dieu, Jésus Christ a aussi réconcilié les êtres humains entre eux. L'amour du prochain est l'essence de l'obéissance à Dieu" (Sixième Assemblée, Vancouver, 1983).

"L'esprit de liberté et de vérité nous pousse à témoigner de la justice du royaume de Dieu et à résister à l'injustice dans le monde. Nous manifestons la vie de l'Esprit en nous donnant pour but la libération de ceux qui sont prisonniers du péché et en nous tenant aux côtés des opprimés dans leurs luttes pour la libération, la justice et la paix. Libérés par l'Esprit, nous avons la force de comprendre le monde comme le voient les pauvres et les vulnérables, de nous consacrer à la mission et au service et de partager nos ressources" (Septième Assemblée, Canberra, 1991).

La Huitième Assemblée du Conseil oecuménique des Eglises, réunie à Harare, Zimbabwe, du 3 au 14 décembre 1998, adopte la déclaration suivante sur les droits de la personne humaine :

1. Nous rendons grâces à Dieu pour le don de la vie et pour la dignité qu'il a accordée à tous dans sa création.

2. Un témoignage coûteux

2.1. Nous faisons mémoire des engagements des Eglises, des organismes oecuméniques et des groupes de défense des droits de la personne humaine et de ce qu'ils ont accompli pour faire respecter le caractère sacré de la vie, et notamment du témoignage coûteux de ceux qui ont souffert et perdu la vie dans ce combat.

2.2. Le thème de cette Assemblée, "Tournons-nous vers Dieu dans la joie de l'espérance", renforce notre affirmation du triple mouvement de la foi et de la vie chrétiennes : Dieu se tourne vers nous dans sa grâce; nous répondons dans la foi, agissant dans l'amour; et nous anticipons la venue de Dieu, la plénitude finale de sa présence dans toute la Création. Nous avons entendu à nouveau l'appel de Dieu à célébrer le jubilé, et cela nous amène à réaffirmer notre engagement en faveur des droits de l'homme, de la dignité et de la valeur de la personne humaine créée à l'image de Dieu et infiniment précieuse à ses yeux, et de l'égalité des droits des femmes et des hommes, des jeunes et des vieux, de toutes les nations et de tous les peuples. L'expérience théologique, liturgique et mystique profonde de la grande famille des traditions chrétiennes nous enseigne à développer une conception des droits et de la liberté de la personne humaine qui reflète notre fidélité à Dieu et notre responsabilité à l'égard de son peuple.

2.3. Cela, nous le faisons dans un esprit de repentance et d'humilité. Nous sommes conscients des nombreuses faiblesses qui ont entaché les actions des Eglises dans le domaine des droits de la personne humaine; conscients de notre réticence ou de notre incapacité à agir quand des êtres humains étaient menacés ou souffraient; de nos échecs lorsqu'il s'agissait de prendre position pour les victimes de la violence et de la discrimination; de notre complicité avec les autorités, les pouvoirs et les institutions de notre temps qui sont responsables de violations massives des droits de la personne; conscients, aussi, du fait que de nombreuses Eglises ne considèrent plus les droits de la personne comme une priorité du témoignage chrétien. C'est pourquoi nous demandons à Dieu qu'il nous rende capables d'affronter les nouveaux défis.

3. Affronter les nouveaux défis

3.1. Nous remercions Dieu pour les améliorations considérables qui ont été réalisées depuis la Cinquième Assemblée du COE (1975) dans divers domaines : l'élaboration des normes internationales relatives, notamment, aux droits de l'enfant, des femmes, des peuples autochtones, des minorités, des déracinés; la lutte contre la discrimination, la violence raciale, la persécution, la torture, la violence à l'égard des femmes, notamment le viol utilisé comme arme de guerre, les disparitions forcées, les exécutions extra-judiciaires et la peine de mort; l'élaboration des nouveaux "droits de la troisième génération" à la paix, au développement et à une communauté viable; ainsi que la reconnaissance des droits de la personne comme étant une composante de la paix et du règlement des conflits. En dépit de toutes ces dispositions, des obstacles majeurs demeurent, qui entravent l'application des normes en matière de droits de la personne humaine.

3.2. Nous reconnaissons l'importance vitale des normes internationales, mais nous réaffirmons la conviction de la Sixième Assemblée du COE (1983) selon laquelle il est urgent, avant tout, de les mettre effectivement en oeuvre. C'est pourquoi, une fois encore, nous demandons instamment aux gouvernements de ratifier les pactes et les conventions internationaux sur les droits de l'homme, d'inclure leurs dispositions dans les normes juridiques nationales et régionales, et de mettre au point des dispositifs visant à les faire appliquer à tous les niveaux. En même temps, nous appelons les Eglises à surmonter l'exclusion et la marginalisation qui existent en leur sein, ainsi qu'à faire en sorte que tous puissent participer pleinement à leur vie et à la conduite de leurs affaires.

3.3. Mondialisation et droits de la personne humaine. Cette Assemblée a abordé les nouveaux problèmes brûlants qui se posent dans le domaine des droits fondamentaux des peuples, des communautés et des individus en raison de la mondialisation de l'économie, de la culture et des moyens de communication, notamment de l'érosion du pouvoir qu'a l'Etat de défendre les droits des personnes et des groupes qui relèvent de sa juridiction, et en raison de l'affaiblissement de l'autorité de l'Organisation des Nations Unies en tant que garant et promoteur d'approches collectives des questions liées aux droits de l'homme. La mondialisation menace de détruire la communauté humaine par son potentiel d'exploitation et de répression économiques, raciales, et autres et d'affaiblir la souveraineté des pays et le droit des peuples à l'autodétermination. Elle affecte tout particulièrement les membres les plus faibles de la société; les enfants, notamment, sont les premiers à en souffrir, comme en témoignent les exemples toujours plus nombreux d'enfants obligés de travailler ou victimes de l'exploitation sexuelle.

3.4. La mondialisation comporte également des éléments qui, utilisés à bon escient, peuvent contrecarrer ses pires effets et ouvrir de nouvelles possibilités dans de nombreuses sphères de la vie humaine. C'est pourquoi nous demandons instamment aux Eglises d'encourager la création d'associations mondiales fortes, qui rassemblent des personnes dans la lutte pour les droits de l'homme, et de participer elles-mêmes à ces alliances, cela comme moyen de s'opposer aux tendances négatives de la mondialisation. Le droit des travailleurs à constituer des syndicats, à participer à des négociations collectives et à refuser de travailler pour défendre leurs intérêts doit être pleinement garanti. C'est de cette manière que l'on pourra forger un avenir fondé sur le respect des droits de la personne humaine, du droit international et de la participation démocratique.

3.5. L'indivisibilité des droits de la personne humaine. Le phénomène de la mondialisation a à nouveau mis l'accent sur les droits civils et politiques, les distinguant des droits économiques, sociaux et culturels. Nous réaffirmons la prise de position de la Cinquième Assemblée du COE selon laquelle les droits de la personne humaine sont indivisibles. Aucun droit ne peut être respecté si l'on ne commence pas par garantir les droits fondamentaux indispensables à la vie, notamment le droit au travail, le droit à participer aux décisions, à recevoir une nourriture suffisante, des soins de santé, un logement décent, une éducation permettant le plein épanouissement du potentiel humain de chacun, un environnement sûr et la préservation des ressources de la terre. En même temps, nous réaffirmons notre conviction que l'efficacité de l'action en faveur des droits collectifs de la personne humaine doit se mesurer en fonction de l'aide qu'elle apporte à la fois aux communautés et aux individus victimes de violations et en fonction du degré de liberté et d'amélioration de la qualité de la vie qu'elle offre à chacun.

3.6. La politisation des droits de la personne humaine. Nous déplorons le fait que le discours international sur les droits de la personne humaine tend à nouveau à se politiser, notamment celui des grandes puissances dominantes. Cette pratique, courante lors de la confrontation Est-Ouest pendant la guerre froide, s'est maintenant étendue, entraînant les nations dans un "choc de cultures" mondial entre le Nord et le Sud, et entre l'Est et l'Ouest. Les traits qui la caractérisent sont l'indignation sélective, et l'application de deux poids deux mesures, qui bafouent les principes fondamentaux des droits de la personne humaine et mettent en danger la compétence, la neutralité et la crédibilité des organismes internationaux créés aux termes de la Charte de l'Organisation des Nations Unies pour faire respecter les normes adoptées.

3.7. L'universalité des droits de la personne humaine. Nous réaffirmons l'universalité des droits de l'homme telle qu'elle est énoncée dans la Charte internationale des droits de l'homme, ainsi que le devoir de tous les Etats, quels que soient leur culture nationale ou leur système économique et politique, de les promouvoir et de les défendre. Ces droits sont enracinés dans l'histoire de nombreuses cultures, religions et traditions et non pas seulement dans celles des pays qui jouaient un rôle dominant au sein de l'Organisation des Nations Unies lors de l'adoption de la Déclaration universelle. Nous reconnaissons que cette Déclaration a été acceptée en tant qu'"idéal à atteindre" et que l'application de ses principes doit tenir compte de contextes historiques, culturels et économiques différents. Dans le même temps, nous rejetons toute tentative faite par un Etat ou un groupe national ou ethnique pour justifier l'abrogation de l'ensemble des droits ou toute dérogation à leur application au motif de la culture, de la religion, de la tradition, des intérêts socio-économiques ou sécuritaires particuliers.

3.8. Ethique et valeurs universelles relatives aux droits de la personne humaine. En réaffirmant notre position selon laquelle l'Eglise ne saurait renoncer aux valeurs de l'Evangile au profit des ambiguïtés du progrès et de la technologie, nous saluons les appels répétés venus de milieux humanistes et religieux demandant l'élaboration de principes universels communs dans le domaine de l'éthique sociale. Ces principes doivent se fonder sur une grande diversité d'expériences de vie et de convictions qui transcendent les convictions religieuses et concourent à créer une plus grande solidarité en vue de la justice et de la paix.

3.9. Droits de la personne humaine et responsabilité. Nous réaffirmons le droit et le devoir de la communauté internationale de demander des comptes à tous les Etats et groupes non étatiques au sujet des violations des droits de la personne humaine perpétrés sur les territoires qui sont sous leur juridiction ou qu'ils contrôlent, ou au sujet de celles dont ils sont directement responsables. La corruption est l'un des grands maux de nos sociétés. Nous soutenons que chaque personne a droit à la protection de la loi contre de telles pratiques. Nous réitérons notre appel aux gouvernements et aux organismes non gouvernementaux, afin qu'ils abordent les problèmes relatifs aux droits de la personne humaine en toute objectivité, qu'ils encouragent l'élaboration de procédures internationales et de dispositifs multilatéraux améliorés destinés à promouvoir et à protéger ces droits, qu'ils en fassent usage et, dans la mesure du possible, contribuent à leur application au niveau universel par le dialogue et des moyens non conflictuels.

3.10. L'impunité et les violations des droits de la personne humaine. L'un des éléments de guérison essentiels au cours des périodes faisant suite aux conflits est la recherche de la vérité, de la justice rendue aux victimes, du pardon et de la réconciliation au sein des sociétés qui ont subi des violations systématiques des droits de la personne humaine. Nous soutenons l'engagement des Eglises et des groupes de défense des droits de l'homme qui luttent dans ces sociétés pour éliminer l'impunité accordée aux auteurs de crimes commis dans le passé, qui jouissent d'une protection officielle contre toute action en justice. L'impunité perpétue l'injustice qui, à son tour, engendre la vengeance et une violence sans fin pouvant aller jusqu'au génocide, comme on l'a vu à plusieurs reprises au cours de notre siècle.

3.11. Nous encourageons les Eglises à poursuivre la réflexion et l'action théologiques sur les relations entre la vérité, la justice, la réconciliation et le pardon dans la perspective des victimes, et à s'efforcer de remplacer la culture de l'impunité par celle de la responsabilité et de la justice. Il faut que la justice rendue aux victimes prévoie des dispositions en vue de la réparation, de la restitution et de la compensation pour les pertes subies. A ce propos, nous saluons l'accord passé en vue de l'établissement de la Cour criminelle internationale, qui devrait aider la communauté internationale à faire appliquer les droits de la personne humaine, et nous demandons instamment aux Eglises d'encourager les gouvernements à ratifier sans délai l'accord de Rome et à incorporer aux législations nationales l'adoption de sa juridiction.

3.12. Abolition de la peine capitale. Le COE s'oppose depuis longtemps à l'application de la peine capitale, mais le recours à ce châtiment ultime est souvent souhaité par les victimes dans les sociétés où sévissent la criminalité et la violence. Il convient de condamner tout spécialement la peine capitale prononcée contre les jeunes. Les Eglises ont la responsabilité de prôner la stricte observation des règles du droit international et des normes relatives au respect des droits de la personne humaine qu'il fixe pour le traitement des délinquants.

3.13. Les droits de la personne humaine et la paix. Les droits de la personne humaine sont la base essentielle d'une paix juste et durable. Leur violation débouche souvent sur les affrontements et la guerre et, comme on l'a vu à plusieurs reprises au cours de ce siècle, sur le génocide attisé par le déchaînement de la haine ethnique, raciale ou religieuse. A plusieurs reprises également, la communauté internationale s'est montrée incapable de mettre fin aux génocides après leur déclenchement. Il est urgent de tirer les leçons du passé et de mettre en place des mécanismes d'intervention rapide dès l'apparition des premiers signes de danger. Souvent, les Eglises sont fort bien placées pour voir se dessiner les menaces, mais elles ne peuvent agir que si elles constituent elles-mêmes des communautés ouvertes à tous et pratiquant l'impératif évangélique d'aimer son prochain, même si celui-ci est un ennemi.

3.14. Nous saluons la prise en compte des droits de la personne humaine dans les efforts faits pour prévenir ou régler les conflits au moyen de missions de rétablissement de la paix sous les auspices des Nations Unies ou d'autres instances multilatérales. Après le règlement d'un conflit, une réforme des structures sociales et juridiques est nécessaire afin de favoriser le pluralisme et l'édification de la paix entre les gens. Quant aux accords de paix, ils doivent inclure les normes internationales relatives aux droits de la personne humaine et au droit humanitaire et prévoir leur application à des groupes tels que l'armée, la police et les forces de sécurité.

3.15. Les droits de la personne humaine et sa responsabilité. Les droits et les responsabilités de la personne humaine vont de pair. La Deuxième Assemblée du COE, Evanston, 1954, a déclaré que l'amour que Dieu manifeste envers les êtres humains "confère à la conscience chrétienne la responsabilité toute particulière de prendre soin des victimes du désordre du monde".

3.16. Le premier devoir des Eglises et de ceux qui ont le souci du respect des droits de la personne humaine - et cela inclut les Etats - est de se préoccuper des violations de ces droits et d'améliorer les mesures de protection au sein de leurs sociétés respectives. C'est là le fondement de la solidarité oecuménique qui, par-delà nos situations particulières, soutient activement les Eglises et les personnes engagées dans la lutte en faveur du respect des droits de la personne dans leurs pays et leurs régions. L'une des principales formes que peut prendre ce soutien consiste à s'attaquer aux causes profondes des violations dues à des structures nationales et internationales injustes ou à l'appui extérieur donné à des régimes répressifs.

3.17. L'intolérance religieuse. Dans le monde contemporain, la religion exerce une influence croissante sur les processus socio-politiques. De nombreuses Eglises participent activement aux efforts d'instauration de la paix et s'associent aux appels en vue de la justice, introduisant ainsi dans la politique une dimension morale. Cependant, la religion est aussi devenue un important facteur de répression et de violation des droits de la personne, que ce soit à l'intérieur des différents pays ou entre eux. Les symboles et langages religieux ont fait l'objet de manipulations favorisant des intérêts et des objectifs nationalistes ou sectaires étroits et créant ainsi des divisions et des polarisations au sein des sociétés. Certains pouvoirs tendent de plus en plus à solliciter les Eglises et autres groupements religieux pour qu'ils soutiennent des objectifs nationaux, raciaux ou ethniques étroits et appuient l'établissement de législations discriminatoires qui institutionnalisent l'intolérance religieuse. Nous demandons instamment aux Eglises, une fois de plus, de témoigner de l'universalité de l'Evangile et de donner au monde et à la société un exemple de tolérance. La religion peut et doit être une force positive tendant à l'instauration de la justice, de l'harmonie, de la paix et de la réconciliation dans la société humaine.

3.18. La liberté religieuse: un droit de la personne humaine. Nous réaffirmons que la liberté religieuse est un droit fondamental de la personne humaine. Nous entendons par le terme de liberté religieuse la liberté pour toute personne d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction de son choix, individuellement ou en commun, et de manifester sa religion ou sa conviction tant en public qu'en privé par le culte, l'accomplissement des rites, la pratique et l'enseignement.

3.19. Ce droit ne devrait jamais être considéré comme l'apanage exclusif de l'Eglise. Le droit à la liberté religieuse est inséparable d'autres droits fondamentaux de la personne humaine. Aucune communauté religieuse ne plaidera pour sa propre liberté religieuse sans respecter elle-même la foi des autres et leurs droits fondamentaux. On n'usera jamais de la liberté religieuse pour revendiquer des privilèges. Pour l'Eglise, ce droit est essentiel pour qu'elle puisse assumer la responsabilité qui est la sienne en vertu de la foi chrétienne. Le devoir d'être au service de l'ensemble de la communauté est au centre de cette responsabilité. Le droit et le devoir qu'ont les organismes religieux de critiquer et d'interpeller les pouvoirs en place au nom de leurs convictions, lorsque c'est nécessaire, font partie intégrante de la liberté religieuse.

3.20. De nos jours, l'intolérance et la persécution religieuses sont fort répandues, entraînant de graves violations des droits de la personne humaine, voire, bien souvent, des conflits accompagnés de grandes souffrances. Les Eglises doivent offrir leur prières et leur solidarité, sous toutes ses formes concrètes, à toutes les victimes, chrétiennes ou autres, des persécutions religieuses.

3.21. Liberté religieuse et prosélytisme. Il ne saurait exister aucune dérogation au droit fondamental à la liberté religieuse, mais la religion n'est pas non plus un "bien de consommation" dont on pourrait disposer selon les règles d'une économie de marché sans restrictions. Nous affirmons qu'il est nécessaire d'observer une discipline oecuménique, en pensant notamment aux pays qui se trouvent dans la situation difficile d'une transition vers la démocratie et qui subissent l'invasion de mouvements religieux venus de l'extérieur, ainsi que le prosélytisme. Nous réitérons l'opposition du COE à la pratique du prosélytisme et prions instamment les Eglises membres de respecter la foi et l'intégrité des Eglises soeurs et de les affermir dans le cadre de la communauté oecuménique.

3.22. Les droits des femmes. Malgré le travail persévérant accompli par des groupes de femmes et des Eglises aux niveaux national, régional et international, notamment au cours de la Décennie des Eglises solidaires des femmes, les efforts faits pour protéger efficacement les droits fondamentaux des femmes ne progressent que lentement et de façon souvent insuffisante, au sein des Eglises et ailleurs. La défense et la promotion des droits des femmes ne sauraient incomber uniquement à ces dernières, mais exigent la participation active de l'ensemble de l'Eglise.

3.23. Fermement convaincus que tous les êtres humains sont créés à l'image de Dieu et méritent les mêmes droits, une même protection et une même attention, nous affirmons que les droits de la femme sont des droits de la personne humaine. Nous sommes conscients du fait que la violence à l'égard des femmes est en augmentation dans le monde et qu'elle va de la discrimination raciale, économique, culturelle, sociale et politique et du harcèlement sexuel à la mutilation sexuelle, au viol, à la traite des femmes et à d'autres traitements inhumains; nous en appelons donc aux gouvernements, aux instances judiciaires, aux institutions religieuses et autres afin qu'ils lancent des actions concrètes destinées à garantir aux femmes le respect de leurs droits fondamentaux. Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, proposé aux Nations Unies, pourrait fournir à l'échelon international un dispositif permettant de recevoir les plaintes individuelles concernant les violations des droits des femmes. Nous demandons instamment aux Eglises de faire pression sur les gouvernements, afin qu'ils ratifient ce Protocole.

3.24. Les droits des personnes déracinées. Les personnes déracinées sont aujourd'hui au nombre des principales victimes de la mondialisation de l'économie et des conflits qui prolifèrent dans le monde: réfugiés, migrants et personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays. Le COE et ses Eglises membres sont depuis longtemps à l'avant-garde de ceux qui plaident en faveur de l'amélioration des normes internationales relatives à la protection des droits des réfugiés, des requérants d'asile et des migrants; ils doivent continuer à mettre leurs ressources en commun pour établir des réseaux à l'échelon mondial, régional et local, afin de manifester une solidarité dont la nécessité est vitale. Nous prions instamment les Eglises de poursuivre leur coopération avec le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés et de rechercher de nouvelles améliorations des normes internationales et de leur application, notamment en ce qui concerne la protection des droits des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, domaine dans lequel il n'existe actuellement que peu de règles obligatoires.

3.25. Nous saluons le lancement de la Campagne mondiale pour l'entrée en vigueur de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, et nous prions instamment les Eglises de participer aux efforts faits auprès des gouvernements pour qu'ils ratifient cette Convention.

3.26. Les droits des peuples autochtones. Nous demandons instamment aux Eglises d'appuyer le droit des peuples autochtones concernant l'autodétermination dans les domaines de la politique et de l'économie, de la culture, des droits fonciers, de la spiritualité, de la langue, des traditions et des formes d'organisation, ainsi que de la protection des connaissances de ces peuples, y compris des droits à la propriété intellectuelle.

3.27. Le racisme, violation des droits de la personne humaine. Reconnaissant qu'il constitue une violation des droits de la personne humaine, nous renouvelons notre engagement à lutter contre le racisme, qu'il soit le fait des individus ou des institutions. Nous prions instamment les Eglises membres de redoubler d'efforts en vue d'extirper de Eglise et de la société le fléau du racisme.

3.28. Les droits des personnes handicapées. Nous réaffirmons le droit des personnes qui ont des besoins particuliers en raison de handicaps physiques ou mentaux à bénéficier de chances égales dans tous les domaines de la vie et du service de l'Eglise. La cause de ces personnes relève des droits de la personne humaine et ne devrait pas être réduite à une question de charité ou à un problème social ou sanitaire, comme cela a souvent été le cas. Tous les membres et responsables des Eglises devraient respecter pleinement les droits des personnes handicapées. Cela comprend leur intégration complète dans les activités religieuses à tous les niveaux et l'élimination des barrières physiques et psychologiques qui font obstacle à leur plein épanouissement. A tous les niveaux également, les gouvernements doivent abattre toutes les barrières qui entravent la pleine participation des personnes handicapées à la vie publique et qui empêchent leur libre accès aux équipements publics. Nous saluons la création du nouveau réseau des défenseurs oecuméniques des personnes handicapées et encourageons les Eglises à le soutenir.

3.29. Coopération interreligieuse dans le domaine des droits de la personne humaine. Les problèmes relatifs aux violations des droits de la personne humaine et à l'injustice ne sauraient être résolus par les seuls chrétiens. Des efforts collectifs au niveau interreligieux sont nécessaires, afin de rechercher quelles sont les valeurs et les traditions spirituelles communes ou complémentaires qui, par-delà les frontières des religions et des cultures, favorisent la justice et la paix dans la société. Nous saluons les progrès réalisés par le COE dans ce domaine au travers du dialogue interreligieux, progrès réalisés d'une manière qui respecte la spécificité du témoignage chrétien en faveur des droits de la personne humaine, et qui encourage les Eglises à approfondir dans leurs contextes respectifs le dialogue et la coopération interreligieux en vue de la promotion et de la protection de ces droits.

4. La sauvegarde des droits des générations futures

Préoccupés par l'avenir de la création tout entière, nous demandons que les normes et critères internationaux soient améliorés en ce qui concerne les droits des générations futures.

4.1. L'éducation aux droits de la personne humaine. Les Eglises ont, la plupart du temps, réagi aux violations des droits de la personne humaine plutôt qu'agi préventivement pour les éviter. Nous prions instamment les Eglises de s'engager plus fermement dans la prévention en lançant et mettant en oeuvre des programmes systématiques de sensibilisation et d'éducation aux droits de la personne humaine.

4.2. Edification de la paix et respect des droits de la personne humaine. De même, nous prions instamment les Eglises de participer aux processus d'édification de la paix en encourageant la surveillance publique, en discernant les signes avant-coureurs des violations de ces droits et en s'attaquant à leurs causes profondes.

4.3. L'avenir. Le renouvellement de l'engagement du COE envers la Déclaration universelle des droits de l'homme est enraciné dans la vision de communautés où la vie peut s'épanouir, la vision d'une économie juste, morale et écologiquement responsable. Regardant vers l'avenir, nous reconnaissons que le respect des droits de la personne humaine n'est possible que si nous assumons la responsabilité que Dieu nous a confiée de prendre soin les uns des autres et de l'ensemble de sa création (Psaume 24).

4.4. Nous affirmons l'accent que met l'Evangile sur la valeur de tous les êtres humains aux yeux de Dieu, sur l'oeuvre expiatrice et rédemptrice du Christ qui a donné à chaque personne sa dignité véritable, sur l'amour qui motive l'action et sur l'amour du prochain, expression de la foi active en Christ. Nous sommes membres les uns des autres, et si l'un des membres souffre, tous souffrent avec lui. C'est-là la responsabilité qui nous incombe, à nous chrétiens, afin que les droits fondamentaux de toute personne soient respectés.



Rapport du Comité d'examen I

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Huitième Assemblée et Cinquantenaire

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