Affaires internationales, |
|||||||||||||||||||||
|
Condamner la guerre ne suffit pas. Sous une paix extérieure apparente se cachent souvent bien des conflits. Les chrétiens sont appelés à contribuer de toute leur force à l'établissement de relations justes et d'une collaboration pacifique entre les nations; ils doivent aussi les aider à réaliser dans la paix les ajustements rendus nécessaires par des circonstances toujours nouvelles. Aussi bien, s'ils veulent la justice entre les nations, doivent-ils être les premiers à demander que celles-ci ne conçoivent pas leur souveraineté comme donnant à chacune d'elles le droit d'être juge de sa propre cause.Les participants à la Conférence d'Oxford craignaient que les chrétiens et leurs Eglises ne se soient trop assimilés au monde, avec son penchant à l'injustice et à la guerre, et estimaient qu'ils devaient se repentir, individuellement et collectivement. En tout temps, affirmaient-ils, l'Eglise doit être l'Eglise, retrouvant constamment son caractère ecclésial essentiel. C'est en ces termes que le responsable oecuménique français Pierre Maury s'adressait à la Conférence: ...[Le monde] a essayé d'obtenir de l'Eglise qu'elle renonce à son indépendance, c'est-à-dire à sa dépendance totale vis-à-vis de son Seigneur. Tel est le sens profond des multiples tentatives faites pour normaliser la vie de l'Eglise, de ces concordats qui tendent toujours à intégrer l'Eglise à la vie du monde, fût-ce en lui reconnaissant une place, des droits, voire des privilèges considérables. [Le monde cherche à utiliser l'Eglise, à l'enrôler pour défendre les causes humaines, tant à droite qu'à gauche.] Et certes, toujours l'Eglise a accepté de connaître d'autres seigneurs que son unique Chef. [Nous devons être constamment vigilants, afin que l'Eglise ne soit pas l'Eglise de la démocratie, d'une classe ni d'une nation, mais avant tout et exclusivement l'Eglise de Jésus Christ.] Individuellement, dans les situations qui sont les leurs, les Eglises sont tout particulièrement soumises à de telles tentations, a-t-on affirmé à Oxford. La Conférence considérait le mouvement oecuménique comme un garde-fou, estimant que l'Eglise « n'est pas et ne peut jamais être l'Eglise d'une communauté locale. L'Eglise d'un lieu particulier fait partie d'une communauté universelle et est reconnue comme telle ». L'Eglise universelle « n'est pas la somme de ses parties constitutives, comme l'est une fédération d'Etats. » Elle n'est pas « internationale » mais « oecuménique », n'est pas la somme de ses parties mais un corps unique, transcendant les frontières par cette unité historique que le Christ lui a donnée et qu'elle s'efforce de restaurer. C'est pourquoi le lien de la communauté oecuménique rattache les membres d'un corps unique dont « l'origine de l'unité n'est pas dans le consentement de volontés humaines [mais] en Jésus Christ, dont la vie inspire son Corps et soumet les multiples volontés à la sienne ». C'est pourquoi l'Eglise est une communauté supranationale.Elle recrute ses membres dans toutes les nations. Pour autant que le Christ et l'héritage chrétien ont une valeur plus grande que n'importe quel héritage national, l'Eglise croit que ses membres possèdent en commun quelque chose de plus précieux que tout ce qui peut les lier à leurs concitoyens non chrétiens. Elle enseigne que la loyauté envers Dieu passe avant la loyauté envers l'Etat, et place la fidélité à la communauté chrétienne au-dessus de la fidélité à la nation. Lorsqu'elle est vraiment fidèle à sa nature, l'Eglise ne peut permettre que les intérêts nationaux priment ceux de l'humanité ou qu'un peuple s'imagine pouvoir développer sa vie nationale sans prendre en considération l'existence des autres peuples. La Conférence d'Oxford considérait l'Eglise comme une communauté éternelle, surpassant les races et les classes, voyant dans les hommes et les femmes non seulement les citoyens temporaires d'une communauté terrestre et d'un Etat, mais aussi ceux qui sont « appelés à être citoyens de la cité éternelle de Dieu ». Ainsi, pour que l'Eglise soit l'Eglise, elle doit aspirer à l'unité non seulement pour elle-même mais aussi pour le monde. L'absence d'unité de l'Eglise met en question la crédibilité de son témoignage face à la société. Au cours de la décennie écoulée, nous avons dû à plusieurs reprises réaffirmer ce principe, alors que les Eglises de diverses parties du monde se sont trouvées liées plus étroitement à leur communauté, à leurs traditions nationales, à leurs identités ethniques, à des cultures ou à des Etats particuliers qu'au Christ et aux autres Eglises. A une époque où la religion réapparaît comme un instrument utilisé par les forces politiques pour attiser les conflits, il est utile de se souvenir que cela n'a rien de nouveau. Le recours explicite au discours théologique, la place centrale du culte et de la spiritualité dans les débuts du mouvement oecuménique et la conception fondée sur la Bible qui le caractérisait risquent de se trouver négligées dans nos débats contemporains marqués par des affirmations plus profanes. Nous pourrions bien avoir à repenser cette conception au cours de la période à venir. Vers la création d'une Commission des affaires internationales
Le Conseil fédéral des Eglises des Etats-Unis proposa au Comité provisoire du COE de réunir une modeste conférence internationale « afin d'examiner ce que les Eglises et les chrétiens pourraient faire pour empêcher la guerre et favoriser la création d'un ordre international efficace ». Trente personnalités ecclésiastiques et laïques furent ainsi invitées à Genève en juillet 1939. Les participants élaborèrent un document intitulé « Les Eglises et la crise internationale », qui fut envoyé aux Eglises ; il servit de base au débat oecuménique sur la paix et l'ordre international qui se déroula au cours des années suivantes. Le pasteur Visser 't Hooft a souligné combien il était remarquable qu'à ce moment déjà une conférence internationale parle de « la responsabilité de toute l'humanité à l'égard de la terre tout entière », affirmant que « tous les peuples ont intérêt à ce que les ressources des pays soient utilisées à bon escient et dans le souci des générations à venir ». Le document exprimait également la conviction que « la volonté collective de la communauté devra inspirer les changements nécessaires en vue d'instaurer la justice, tout comme elle inspire la volonté des nations de se protéger contre la violence ». Ainsi, même avant que la guerre ne tourne à l'avantage des alliés, les Eglises avaient commencé à considérer attentivement la forme que devrait prendre le futur ordre international et les institutions destinées à le sauvegarder. Dans l'immédiat après-guerre, il apparut nécessaire de structurer les activités oecuméniques. Le procès-verbal du Comité provisoire du Conseil oecuménique des Eglises, réuni en février 1946, atteste que c'est là « l'une de ses tâches primordiales ». On organisa une réunion en vue « d'examiner la responsabilité des Eglises face à la crise croissante de la politique mondiale ». « L'heure est venue », affirma le Comité, « de oeœcuménique d'offrir un service permanent dans le domaine des affaires internationales ainsi que les méthodes permettant de le faire. » Il décida donc de « créer une Commission des affaires internationales. L'importance de cette Commission découle de l'obligation impérieuse faite aux Eglises d'affirmer, d'une manière aussi unie que possible, l'importance de la foi chrétienne pour la vie des nations en un temps où le monde politique est plongé dans le chaos à cause de son refus de suivre les enseignements de notre Seigneur. » L'une des premières tâches de la Commission serait de « trouver la meilleure manière de collaborer avec le Conseil international des missions pour agir de concert dans le domaine de la liberté religieuse et d'autres questions d'intérêt commun ... et de considérer la question des relations avec l'Alliance mondiale pour l'amitié internationale par l'entremise des Eglises et d'autres organisations. » La Commission fut « priée d'organiser une conférence internationale de responsables ecclésiastiques et laïques ... chargée d'examiner comment rendre plus efficaces, à cette époque de crise, le témoignage et l'action des Eglises dans le domaine des affaires internationales. » George Bell, évêque de Chichester, fut chargé de présider la nouvelle Commission, mais dut y renoncer pour cause de surcharge de travail; on décida donc « de charger la Commission américaine pour une paix juste et durable d'organiser en été 1946 une conférence internationale de responsables ecclésiastiques consacrée aux problèmes de la paix et de la guerre. » Ce fut à nouveau John Foster Dulles qui présida cette réunion, tenue à Cambridge, avec pour secrétaires le pasteur Visser 't Hooft et le secrétaire de la Commission américaine Walter van Kirk. Dans son autobiographie, W.A. Visser 't Hooft écrit: « Il est intéressant de noter que Dulles prit à ce sujet ... une position assez différente de celle qu’il devait adopter par la suite : car non seulement il se dit convaincu que la tension entre l'Est et l'Ouest pourrait diminuer, mais il eut cette expression surprenante : 'Aucun système politique n'est incompatible avec le christianisme'. » Connu aujourd'hui comme l'un des principaux artisans de l'idéologie de la guerre froide, J.F. Dulles ne tarda pas à changer d'opinion, comme on put le constater lors du fameux débat qui l'opposa, à la Première Assemblée du COE à Amsterdam, au théologien tchèque Josef Hromadka, et au cours duquel il affirma catégoriquement que le communisme était l'antithèse du christianisme. (Il faut souligner que la déclaration de l'Assemblée sur ce sujet fut plus nuancée : « Les Eglises devraient dire non au libéralisme capitaliste comme au communisme, et combattre l’idée erronée qu’il n’y a pas d’autre possibilité que cette alternative extrême. ») Les buts de la Commission furent élaborés à Cambridge et précisés par la suite lors d'une réunion antérieure à la Première Assemblée, tenue à Woudschoten (Pays-Bas) en 1948; ils n'ont subi que peu de modifications jusqu'à l'heure actuelle et figurent encore dans nos statuts. Peu après la Conférence de Cambridge, le Conseil international des missions donna son accord et la Commission fut constituée officiellement sous la présidence de Kenneth Grubb, laïc britannique, avec pour directeur O. Frederick Nolde, théologien luthérien américain. Ce n'est pas par hasard qu'on décida de constituer au COE une Commission des affaires internationales plutôt qu'un département. On entendait en effet offrir aux mandants des organisations fondatrices une instance qui soit « une source d'encouragement et de connaissances pour leur approche des problèmes internationaux, un lieu de débat et de prise de décisions communes et un organe capable d'exprimer leurs points de vue chrétiens sur les affaires mondiales et de les inciter à réfléchir à ceux-ci. » En même temps, la Commission devait être libre de se pencher sur des problèmes politiques particulièrement délicats sans engager les organisations qui la parrainaient. Bien que la CEAI soit devenue par la suite un département du COE, elle a gardé cette latitude dans sa constitution et, dans une moindre mesure, dans le règlement du COE et dans ses propres statuts. Bien que l'on recoure moins fréquemment à cette disposition que lors des débuts de la Commission, elle a gardé sa raison d'être. Les premières années
Le procès-verbal du Comité provisoire de 1946 laisse déjà entrevoir le souci que la CEAI pourrait être trop limitée dans sa portée: « Il convient d'examiner attentivement la question du siège du bureau principal de la Commission. ... Cette question sera laissée en suspens pour le moment, afin de réfléchir au lieu qui permettrait d’établir les contacts les plus étroits avec les centres d'activité politique. » Richard Fagley, théologien américain nommé secrétaire exécutif de la CEAI, décrit la situation avec une grande franchise dans un petit ouvrage publié en 1966 et intitulé The First Twenty Years (Les vingt premières années): « Juste après la guerre, les ressources immédiatement disponibles à cet effet étaient concentrées dans les pays anglo-saxons, et essentiellement aux Etats-Unis... La composition de la Conférence de Cambridge, une soixantaine de personnes, nous semble étrange aujourd’hui. Plus de la moitié des participants venaient de pays anglo-saxons (dont un tiers des Etats-Unis); le président du Comité de rédaction et l'un des deux secrétaires étaient américains... On percevait des échos très nets de la communauté de vues et d’habitudes du christianisme occidental... La composition et l'orientation de la Conférence de Cambridge reflétaient une situation et une perspective qui ont eu une influence profonde et continue sur les activités de la CEAI au cours des deux premières décennies. Sur les 40 premiers membres de la Commission, 19 étaient de langue maternelle anglaise, et l'anglais est resté la lingua franca de la CEAI. Trois membres du bureau sur 4 étaient de langue anglaise, de même que 7 des 8 membres du personnel pendant les 20 premières années d'existence de la Commission. » Bien que ces circonstances aient exercé une influence indéniable sur le travail et les vues politiques de la Commission (ce qui se manifesta toujours plus nettement avec le développement de la guerre froide), il ne faut pas en déduire que celle-ci était limitée dans ses préoccupations et son champ d'action. Très rapidement, elle établit des relations consultatives avec l’Organisation des Nations Unies et ses principales institutions, ce qui permit à la CEAI d'exprimer la dimension toujours plus mondiale des préoccupations du mouvement oecuménique alors que les organisations internationales étaient en train de définir leurs tâches. Au premier rang des priorités figuraient les droits de l'homme, et notamment la liberté religieuse, suivis des préoccupations politiques et militaires (désarmement) qui avaient figuré au coeur des débats de la Première Assemblée de 1948 à Amsterdam. En 1949, la CEAI organisa un colloque sur « Le conflit idéologique et les tensions internationales qu'il implique » et en 1951 elle publia une déclaration intitulée « La position des chrétiens en faveur de la paix », qui avait pour objectif de distinguer les vues de la CEAI par rapport à celles d’institutions laïques liées à des idéologies. Certains conflits retinrent également l'attention, comme les affrontements entre les Pays-Bas et l'Indonésie en 1949. En 1950 éclata la guerre de Corée et l'exécutif de la CEAI conseilla au Comité central de soutenir l'action des Nations Unies, ce qui revenait à accorder sa bénédiction à l'engagement militaire d'inspiration américaine et suscita une vive controverse. Dans les mois qui suivirent, la CEAI s'efforça de modérer sa position en participant aux efforts en vue de régler le conflit et en proposant la création d'une commission d'observation de la paix. En 1956, l'attention se porta sur le conflit de Suez et sur l'invasion russe en Hongrie; à ce propos, la CEAI plaida pour le respect de la Charte des Nations Unies, condamnant l'invasion d'un Etat souverain. Pendant les années 1940-1950, la CEAI s'engagea activement en faveur de la suppression des essais atomiques et d'une stratégie à long terme en vue de mettre fin à la prolifération nucléaire, en renonçant non seulement aux essais, mais encore à la production de telles armes, et préconisa la mise en place de systèmes d'alerte efficaces. A partir de 1951, Elfan Rees, ancien aumônier militaire gallois, travailla à Genève comme conseiller pour les problèmes concernant les réfugiés et il devint en 1952 le représentant de la CEAI pour l'Europe. Ses efforts incessants permirent de renforcer le financement des activités de l'ONU auprès des réfugiés et d'améliorer les mesures de protection internationales en leur faveur. En 1949, la CEAI proposa à l'Assemblée générale de l'ONU d'élaborer une définition très large de la notion de réfugié, allant au-delà de la conception qu'on en avait en Europe. On se préoccupait en particulier des réfugiés palestiniens, et la Commission recommanda au Comité central du COE de proposer à la communauté internationale de mettre en place un plan d'action global destiné aussi bien aux réfugiés apatrides qu'à ceux qui gardaient leur nationalité tout en ayant perdu leur foyer. Après la création du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) en 1951, la CEAI collabora étroitement avec le Département d'entraide des Eglises et avec le Lutheran World Relief pour renforcer leurs services humanitaires. Elle s’efforça d’entretenir des relations suivies avec le HCR, notamment dans ses efforts en vue d'étendre son mandat au-delà de l'Europe, en Afrique en particulier. La décolonisation et l'accession des populations à l'indépendance et à l'autonomie politique retinrent également l'attention, bien que les approches fussent marquées par une grande prudence, reflet de la diversité des lignes politiques des pays où se trouvaient des Eglises membres du COE. On se préoccupa en particulier du développement social et économique, en collaboration avec les instances compétentes de l'ONU, et de la démographie; en 1965, des relations de consultation et de coopération s’établirent avec la CNUCED, nouvelle institution des Nations Unies pour le commerce et le développement. Parmi les thèmes de préoccupation figuraient également le droit international et ses institutions, ainsi que la nécessité d'élaborer une éthique internationale qui respecte ce droit. Evolution du mouvement oecuménique
L'année suivante, il invita Leopoldo J. Niilus, qui s'était montré très critique lors du Colloque de La Haye, à succéder à Fred Nolde au poste de directeur de la CEAI. Leopoldo Niilus, avocat argentin alors secrétaire général de la Commission d'Eglise et société en Amérique latine (ISAL), entreprit un certain nombre de changements radicaux. Le siège de la CEAI fut déplacé de New York à Genève, se rapprochant ainsi de ce qui était devenu un nouveau COE. Une nouvelle Commission fut constituée avec, pour la première fois, un certain équilibre dans la représentation des régions. Richard Fagley conserva à New York le poste de secrétaire exécutif chargé des relations avec le siège de l'ONU, de même qu'Elfan Rees garda son poste à Genève quelques années encore, mais la retraite de ces deux personnalités entraîna pour le personnel de la CEAI une mutation radicale en termes de générations, de conceptions politiques et de représentation géographique. Si le mandat de la CEAI n'avait pas changé, la manière de le concevoir s'était profondément modifiée. On lança un examen de la politique des droits de l'homme qui s'étendit sur trois ans et déboucha sur un éloignement de la conception d'inspiration occidentale des droits de l'homme civils et politiques individuels en faveur d'une approche plus générale englobant les droits sociaux, économiques et culturels et mettant davantage l'accent sur les droits des populations. Cela plaça la question des droits de l'homme au coeur des préoccupations des Eglises et inspira deux décennies d'action délibérée en faveur des Eglises du tiers monde soumises à des dictatures militaires. Les résultats du Colloque de St. Pölten sur « Les droits de l'homme et la responsabilité des chrétiens » se trouvèrent au centre de la Cinquième Assemblée du COE à Nairobi, en 1975. On adopta également une nouvelle attitude à l'égard de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, dans le cadre de laquelle la CEAI, d'entente avec le BDHAL, contribua beaucoup à mettre à l'ordre du jour des Nations Unies la torture et le phénomène nouveau des enlèvements et des exécutions sommaires, et à définir de nouveaux critères internationaux dans ces domaines. Grâce à la collaboration d'autres ONG internationales soucieuses des droits de l'homme, la question de la peine de mort fut également examinée par la Commission. Celle-ci participa aussi à l'élaboration de nouveaux critères concernant les « droits de la troisième génération », comme le droit au développement et le droit à la paix, ainsi qu'à la rédaction de la Déclaration des Nations Unies sur l'intolérance religieuse. Certaines déclarations formulées par la CEAI servirent de base à ce travail et dans certains cas, comme dans les références des Nations Unies au militarisme et à la militarisation, notre travail de définition joua un rôle fondamental. Le travail fut facilité par le fait que le président de la CEAI était à l'époque Theo van Boven, ancien directeur de la Division des droits de l'homme des Nations Unies, et autorité reconnue dans ce domaine. Un Groupe consultatif sur les droits de l'homme, créé pour guider les activités de la CEAI, donna une base solide aux activités en faveur des droits de l'homme dans le monde entier. Les travaux sur le désarmement se poursuivirent, notamment dans le domaine du désarmement nucléaire mais aussi en attirant l'attention des Eglises sur la menace croissante constituée par le commerce très lucratif des armes conventionnelles et sur la militarisation croissante de la politique mondiale. A la fin des années 1970 et au début des années 1980, l'attention se porta à nouveau sur les armes nucléaires, du fait de leur prolifération croissante et de la nouvelle menace d'une guerre atomique. D'importants colloques furent consacrés au désarmement et à la militarisation. Au cours de cette période, la CEAI participa à l'organisation d'un débat public international sur les armes nucléaires et le désarmement, tenu à Amsterdam, où l'on entendit les témoignages de conseillers en sécurité de l'URSS et des Etats-Unis ainsi que d'une foule d'experts en armes nucléaires. Ce travail joua un rôle dans les délibérations de la Sixième Assemblée du COE à Vancouver (1983), qui adopta une Déclaration sur la paix et la justice destinée à faire date. En plaidant cette cause, le COE influença fortement les mouvements en faveur de la paix et opposés au nucléaire, souvent issus des Eglises, qui, dans le monde entier, se référaient fréquemment à ses activités et à ses prises de position . Si les relations entre l'Est et l'Ouest retinrent l'attention pendant les années de la guerre froide, le travail dans le tiers monde occupa aussi une place considérable. La CEAI joua un rôle capital dans la conclusion d'un accord de paix entre le Nord et le Sud du Soudan en 1972 et, au cours des années 1980, suscita un dialogue public entre les Corées du Nord et du Sud, rassemblant pour la première fois depuis 40 ans des chrétiens des deux pays pour un dialogue direct en vue de la réunification. La Commission joua également un rôle dans le conflit du Moyen-Orient en établissant des relations avec l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) et en préconisant une paix générale et négociée pour toute la région. Les Eglises d'Asie et d'Amérique latine luttant contre les dictatures militaires bénéficièrent d'un soutien actif, de même que les Eglises d'Afrique luttant pour leur indépendance et contre l'apartheid en Afrique du Sud. En 1979, soit au milieu de cette période, Ninan Koshy, laïc indien, remplaça Leopoldo Niilus au poste de directeur de la CEAI, qu’il conserva jusqu'en 1991. Cette année-là, dans le cadre d’une restructuration, le Bureau des droits de l'homme en Amérique latine fut intégré au Conseil. Charles Harper, Américain né au Brésil, qui était à la tête de ce programme depuis 1973, devint directeur par intérim. En 1993, Dwain Epps revint au COE en tant que coordinateur de la CEAI. Vers une nouvelle période
Mais, comme nous l'avons vu, de profonds ajustements de style et de conception ont été nécessaires à plusieurs moments de notre histoire. Le « Mémorandum sur le rôle de l’Eglise aujourd’hui dans les affaires internationales », que le Comité central a recommandé aux Eglises pour examen et décision en 1996 - et qui constitue l'annexe à la brochure intitulée "Le rôle du Conseil oecuménique des Eglises dans les affaires internationales" (The Role of the World Council of Churches in International Affairs) - indique quelques-unes des nouvelles tendances et défis actuels. Les profonds changements intervenus dans le monde depuis 1991 ont mis les affaires internationales au coeur des préoccupations et des activités oecuméniques. Simultanément, toujours plus rares sont les Eglises et leurs institutions nationales et régionales qui disposent du personnel nécessaire pour maintenir des départements des affaires internationales, avec pour résultat que la réflexion théologique fondamentale, l'analyse politique et les activités ont considérablement diminué. C'est là une situation regrettable, alors que la rôle de la religion dans les relations internationales ne cesse de s'intensifier et que toujours plus nombreux sont ceux qui se tournent vers les Eglises pour leur demander des conseils éthiques, moraux et théologiques. Les Eglises du monde entier exigent toujours plus du COE qu'il les accompagne et les soutienne lors de tensions entre l'Eglise et l'Etat et dans leurs efforts pour mettre fin aux guerres. Alors que nous devons être toujours plus actifs, nous ne sommes pas en mesure de répondre à toutes les demandes. En même temps, les institutions internationales que nous avons contribué à mettre en place et que nous avons accompagnées, encouragées et stimulées pendant plus d'un demi-siècle se tournent également vers le COE pour qu'il les guide. Là aussi, notre manque de ressources et, parfois, notre manque d'idées pour rendre notre travail plus efficace nous tiennent à l'écart des grands centres où nous pourrions jouer un rôle plus important. C'est une situation que le COE n'est pas seul à connaître. Des organisations non gouvernementales laïques qui partagent nos préoccupations subissent les mêmes contraintes. Comme elles, nous avons dû limiter nos objectifs et renoncer, pour assurer notre survie, à des relations qui avaient contribué à renforcer notre efficacité commune dans le passé. Dans toute l'histoire de la CEAI, les membres de la Commission ont joué un rôle crucial. Au cours de la période écoulée, la décision de réduire la taille de ce qu’on appelait alors les « comités » à 15 membres, qui ne se sont réunis que 3 fois en 7 ans, a fortement diminué notre capacité à inciter les Eglises du monde entier à instaurer un débat critique sur des questions fondamentales. Néanmoins, notre travail s'est poursuivi. Entre les Assemblées de Canberra et de Harare, le Comité central a probablement accordé plus d'attention aux affaires internationales qu'il ne l'a jamais fait dans toute son histoire. Dans des circonstances analogues, J. H. Oldham, pionnier de l'oecuménisme et président du Comité préparatoire de la Conférence d'Oxford de 1937, écrivait ceci : Le travail préparatoire à la Conférence d'Oxford a montré combien sont minces les ressources sur lesquelles l'Eglise peut actuellement compter pour traiter de questions situées à la limite entre la doctrine et la pratique et dont la compréhension et la solution exigent une combinaison de connaissances théologiques et d'expérience des affaires. La valeur de la Conférence d'Oxford résidera peut-être moins dans les conclusions auxquelles elle parviendra sur les sujets qu'elle a traités que dans le fait qu'elle a réussi à faire prendre conscience à l'Eglise de leur importance et de leur urgence et qu'elle a essayé de poser les bases qui permettront d'approfondir leur étude au cours des années à venir. |
||||||||||||||||||||
|