Faisons route ensemble
Réactions des particpants évangélique
Le groupe des évangéliques qui s'est réuni régulièrement pendant l'Assemblée représentait un large éventail de positions et de sensibilités théologiques présentes dans le mouvement évangélique. Comme lors de précédentes assemblées et de grandes conférences du COE, ce groupe a travaillé sur un projet de lettre qui devait être une "réponse évangélique" à l'Assemblée et lui être adressée publiquement. Le texte sur lequel il s'est finalement mis d'accord a été signé par la plupart de ceux et celles qui avaient participé à ce travail de diverses manières. Néanmoins, un certain nombre de signataires ont estimé que ce texte n'abordait pas suffisamment d'un point de vue évangélique certaines questions débattues par l'Assemblée, telles que la mondialisation et l'annulation de la dette. Ils ont donc décidé d'écrire une seconde lettre. Pour montrer la diversité et la complémentarité de ces réactions évangéliques, nous publions ci-après les deux lettres.
APPEL DU JUBILÉ: LETTRE ADRESSÉE AU COE PAR LES PARTICIPANTS ÉVANGÉLIQUES
Les évangéliques et le mouvement oecuménique
Le COE tire ses origines en grande partie des activités de mission et d'évangélisation de ses Eglises membres et de leurs organisations, et se fonde sur la confession de "Jésus Christ, Dieu et Sauveur selon les Ecritures". Depuis l'Assemblée de Nairobi en 1975, la vision et l'action du COE font l'objet d'un débat soutenu parmi les évangéliques au sein du COE et à l'extérieur. A Vancouver en 1983, le COE s'est engagé à intensifier le dialogue et la coopération avec les évangéliques. A Canberra en 1991, dans le document "Points de vue des évangéliques représentés à Canberra", ces derniers ont demandé au COE de suivre de près les progrès de leur participation aux activités du Conseil et leur représentation en son sein. Dans la présente lettre, nous demandons quels progrès l'Assemblée de Harare a enregistrés. Il est possible que le COE ait des questions similaires concernant les intentions des évangéliques dans leur cheminement à ses côtés.
Le COE est un instrument essentiel de l'oecuménisme mondial, même s'il se considère seulement comme un instrument parmi d'autres. Les évangéliques, qu'ils appartiennent ou non à des Eglises membres du COE, ont aussi pris une part active à l'oecuménisme local. Au cours des dix dernières années, leur participation aux organisations et aux programmes oecuméniques nationaux s'est accrue. De plus en plus d'évangéliques sont également attachés à la vision oecuménique mondiale et recherchent une plus grande participation à ce niveau. Nous remercions le COE pour l'engagement qu'il a pris, à Vancouver d'abord, et qu'il a réaffirmé ici à Harare, "de chercher de nouvelles formes de relations avec les évangéliques". Nous sommes heureux de la création du groupe mixte de travail entre le COE et les pentecôtistes. Toutefois, selon le contexte dans lequel ils vivent aujourd'hui et selon leur histoire, certains évangéliques éprouvent toujours une certaine frustration et traversent même une crise concernant l'avenir de leur participation au COE en raison des incertitudes qui planent sur la nature de l'engagement du COE dans le domaine de la mission et de l'évangélisation, et en raison de la conception de la théologie biblique. D'autres pensent qu'il serait utile de resserrer les liens. On discerne mal comment établir d'autres liens entre la participation des évangéliques à l'oecuménisme mondial et les programmes et les structures du COE. Nous nous engageons à vous appuyer dans la recherche de formules novatrices qui nous permettront de travailler ensemble.
Bilan de Harare
Voici les contributions de cette Assemblée au mouvement oecuménique que nous tenons à saluer:
- La foi chrétienne que nous avons constaté parmi les participants, notamment la vitalité de la spiritualité africaine.
- Le culte, les veillées de prières et les prières du soir, ressentis comme des expériences émouvantes et stimulantes enracinées dans la Seigneurie du Christ.
- La beauté de la vision oecuménique biblique partagée lors des échanges et des conversations personnelles.
- La décision de tenir l'Assemblée en Afrique. En se référant tout particulièrement à l'Afrique et aux deux autres tiers du monde, l'Assemblée a abordé les questions de l'annulation de la dette, du SIDA, de la paix, de la justice et de la réconciliation; elle a traité aussi de la bonne gestion des affaires publiques, de la mondialisation, de la solidarité avec les femmes, les jeunes et les enfants. Nous soutenons tout particulièrement les initiatives suivantes:
- L'annulation de la dette dans les pays pauvres, à laquelle nous ajoutons la lutte contre la corruption, la promotion de la bonne gestion des affaires publiques et le renforcement de la société civile et des institutions démocratiques.
- L'initiative en faveur d'une décennie contre toutes les formes de violence, en particulier à l'encontre des femmes, des enfants, des communautés autochtones, y compris la vision du Programme "vaincre la violence" et sa campagne "Paix dans la ville" lancée dans sept villes en proie à la violence. Nous nous tenons aux côtés de tous les groupes qui subissent l'injustice et la violence institutionnelle.
- La critique de la mondialisation en tant que mécanisme qui tend à exclure et à marginaliser encore davantage les pauvres, même si nous reconnaissons qu'elle favorise les contacts entre les cultures et qu'elle contribue ainsi à enrichir et à diversifier l'expérience humaine.
- La poursuite de la lutte contre toutes les formes de violation des droits de la personne humaine, notamment celle infligée aux chrétiens victimes de persécutions religieuses, en particulier au Soudan.
- Les initiatives prises par le groupe de travail créé après Canberra pour inclure des évangéliques, dont beaucoup sont ici présents. Nous regrettons que les évangéliques n'aient pas toujours réagi de manière adéquate aux initiatives du groupe de travail et aux invitations qui leur ont été adressées pour participer à cette Assemblée.
- La poursuite du dialogue entre évangéliques et orthodoxes. Nous remercions vivement le COE de ce dialogue organisé sous ses auspices et du dialogue entre pentecôtistes et orthodoxes qui est en train de s'amorcer. Ce dialogue évangélique abordera des questions délicates telles que le prosélytisme, les droits de la personne, la mission et l'ordination des femmes, mais s'inscrira toujours dans le cadre de l'engagement au service du Dieu trinitaire et de la christologie biblique que nous partageons. Avec nos collègues orthodoxes, nous encourageons les fidèles de la base à participer à ce dialogue.
Nous craignons que quelques éléments de l'Assemblée n'aillent à l'encontre de certaines réalisations passées du COE et qu'ils ne fassent obstacle à la concrétisation de la vision oecuménique mondiale; les voici:
- Nous avons été heureux de célébrer les services quotidiens sous le symbole de la croix du Christ portant le continent africain. Cependant, l'apport théologique à la séance plénière sur l'Afrique n'a pas rendu justice à la théologie et à la vision de nombreuses Eglises africaines qui professent la place centrale des Ecritures tout en étant engagées dans le renouveau culturel et le changement social, politique et économique. Pas une fois, l'engagement final pris lors de cette séance plénière n'a fait référence à Jésus. Il n'y a pas eu de présentation de personnalités africaines représentatives des Eglises membres. Bien que nous soyons en Afrique, il y a beaucoup de chrétiens africains dont on n'a pas entendu la voix.
- De nombreuses Eglises africaines, qui vivent au milieu de populations en proie à la pauvreté, à la souffrance et aux persécutions, déploient auprès des personnes séropositives et des personnes atteintes par le SIDA, un important ministère qui s'appuie sur une éthique sexuelle et une conception de la famille chrétiennes. La famille tout comme la communauté qui participent à tous les moments de la vie morale, spirituelle et de la vie quotidienne, sont au coeur de la vision africaine du monde. Nous regrettons que l'importance de la famille et de la morale sexuelle biblique ait été négligée durant la séance plénière, le padare et les réunions d'information-débat.
- La réflexion théologique approfondie a fait largement défaut. En ce sens, l'appel de Canberra en faveur d'une "théologie vivante et cohérente" n'a pas été respecté. Certains orateurs principaux et certaines présentations se situaient en dehors des limites des éléments fondamentaux de la foi des Eglises membres et de la Base du Conseil.
- Si le thème -- "Tournons-nous vers Dieu dans la joie de l'espérance" -- aurait dû conduire à une accentuation de la mission, de l'évangélisation et de l'Eglise, cela n'a pas vraiment été le cas. On ne s'est pas inspiré des travaux réalisés dans ces domaines par les Eglises membres et le COE (telle que la CME à Salvador). Nous exhortons le COE à remettre l'accent sur la mission et l'évangélisation, et à donner ainsi aux Eglises les moyens de faire connaître l'Evangile à travers le monde. L'Evangile transformateur du Christ affirme et critique les cultures et les sociétés et exige l'humilité, la sensibilité aux autres et un engagement prophétique contre l'oppression.
Nous voudrions formuler nos propres engagements et faire les propositions suivantes:
- L'Evangile de Jésus Christ parle pour les sans-voix, dénonçant l'injustice sociale et économique qui est contraire à l'amour et à la justice de Dieu. C'est pourquoi, nous appuyons l'accent mis par le COE sur la solidarité en tant qu'expression de la mission. L'Evangile qui est centré sur la Seigneurie de Jésus, crucifié par l'injustice et ressuscité par la victoire sur le mal et la mort, est au fond un appel à une conversion personnelle à Dieu, à l'obéissance au Seigneur ressuscité et à la communion dans son corps. L'évangélisation, en tant qu'elle est cet appel à la conversion personnelle à Dieu, doit être au coeur de la mission de l'Eglise en faveur de la transformation sociale. Nous voudrions nous engager avec vous dans une étude de la manière dont la transformation de la personne par Christ a un rapport avec un programme comme celui de la théologie de la vie.
- La transformation personnelle étant au coeur de la mission, il faut mettre l'accent sur le changement de la personne dans les efforts faits pour modifier les systèmes mondiaux. Par exemple, lorsqu'on traite de l'endettement des pays pauvres, il convient de s'attaquer à l'avidité et à la corruption qui touchent tous les individus et toutes les collectivités. L'Evangile exige de nous, en réponse à l'amour prévenant de Dieu, que nous assumions la responsabilité de nos actes et de nos péchés. C'est pourquoi, la transformation de la personne fait des individus les sujets des questions auxquelles ils s'attaquent plutôt que les objets des entreprises des autres. Nous vous invitons à vous joindre à nous pour étudier comment l'évangélisation et la mission sont liées à la transformation des structures.
- La mission revêt donc des dimensions individuelles et sociales. Sur le plan social, le COE a souvent semblé favorable aux réformes structurelles radicales qui ne prennent pas adéquatement en compte la question de la responsabilité individuelle. Dans les Ecritures et dans beaucoup de cultures non occidentales, on considère la personne comme un membre indissociable d'une famille et d'une communauté, comme responsable devant elles de tous ses choix individuels, et comme méritant de leur part le respect dans toute décision collective. Nous saluons la notion de responsabilité personnelle contenue dans les décisions de l'Assemblée sur la dette et sur d'autres sujets.
- Consolider la famille qui cède sous les assauts du relativisme moral, de l'individualisme, du matérialisme, de la dure réalité économique est un impératif missionnaire important. La réticence à affirmer les règles bibliques, notamment celles ayant trait à la sexualité, pour tous, ou à insister sur la repentance personnelle vient de ce que l'on a donné à l'individu un rôle social démesuré. Cela semble sous„tendre l'attitude occidentale permissive à l'égard de l'homosexualité qui va à l'encontre des règles bibliques et donne valeur d'absolu aux préférences individuelles. Nous recommandons d'aborder ces questions avec sensibilité dans le respect des cultures et des approches pastorales en vigueur dans les deux tiers du monde. Nous vous invitons à vous joindre à nous pour étudier la signification et la nature de la personne, étude à laquelle nous sommes certains de pouvoir compter sur une importante participation des orthodoxes.
.u12.@ Les évangéliques continueront de s'intéresser aux expressions locales, régionales et mondiales de la vision oecuménique. Nous participerons à l'oecuménisme de la base, bâtirons l'oikoumene évangélique et viendrons renforcer les rangs des conseils d'Eglises locaux et nationaux.
- Puisque le COE se conçoit comme un instrument de l'oecuménisme mondial parmi d'autres, certains d'entre nous se demandent quelle énergie il convient d'investir, à ses côtés, dans la voie qu'il a choisie au niveau mondial. D'autres ont plus d'espoir d'être entendus par le COE et de participer à ses diverses activités. Certains d'entre nous voudraient entamer des discussions entre les orthodoxes, les catholiques romains, les pentecôtistes et les évangéliques sur l'unité à l'échelle mondiale, soit dans le cadre de nouvelles structures soit au moyen d'une réforme du COE. Tous, nous insistons pour dire que si les évangéliques doivent participer aux activités du COE d'une manière de plus en plus significative, celui„ci doit agir de façon plus conforme aux axes biblique, christocentrique et missionnaire de sa vision première. Le jubilé est aussi un temps pour se tourner vers ses origines car tous nous pouvons nous réclamer du message d'Amsterdam.
ASSEMBLÉE DE HARARE - RÉPONSE DES ÉVANGÉLIQUES
En tant qu'évangéliques présents à cette Assemblée, nous partageons le souci de voir se réaliser une unité visible qui témoigne de l'engagement du Dieu d'amour auprès d'un monde souffrant.
Nous affirmons notre solidarité avec nos frères et nos soeurs du mouvement oecuménique en cette période où nous nous efforçons de "demeurer ensemble" et d'élaborer une vision commune: une vision axée sur un évangile englobant tous les aspects de la vie et qui ait pour centre l'appel à se tourner vers Jésus et vers le pouvoir transformateur de son règne. Nous pressentons un nouveau mouvement de l'Esprit vers la création d'outres neuves qui refléteront mieux notre engagement commun envers notre Seigneur Jésus Christ et son royaume.
Nous soutenons notamment :
- l'appel en faveur de l'annulation de la dette des pays pauvres en y ajoutant la nécessité de combattre la corruption, d'encourager une gestion saine des affaires publiques et de renforcer les institutions civiles et démocratiques;
- la décision d'organiser une décennie contre toutes les formes de ence, en particulier la violence à l'encontre des femmes, des enfants et des communautés autochtones; nous prenons fait et cause pour tous les groupes qui subissent l'injustice et toutes les formes de violence institutionnelle;
- la critique de la mondialisation en tant que processus tendant à exclure et marginaliser davantage les pauvres, tout en reconnaissant qu'elle facilite la communication entre des cultures et des peuples différents et qu'elle est source d'enrichissement et favorise le pluralisme;
- la lutte menée sans répit contre toutes les formes de violation des droits de la personne, notamment contre les persécutions religieuses dont certains chrétiens sont victimes.
Nous souhaitons également attirer l'attention du COE sur les points suivants:
- la nécessité de donner une impulsion nouvelle à la mission et à l'évangélisation de façon à ce que les Eglises puissent apporter l'Evangile tout entier au monde entier; la puissance transformatrice de l'Evangile affirme et critique à la fois les sociétés et les cultures; c'est pourquoi cette tâche exige de l'humilité, de la sensibilité aux autres et un engagement prophétique face aux aspects oppresseurs des cultures;
- le renforcement de la famille qui se désagrège sous la pression du relativisme moral, de l'individualisme, du matérialisme et des sévères contraintes économiques;
- la nécessité d'élargir et de renforcer la participation des évangéliques et des pentecôtistes/charismatiques; l'enrichissement mutuel et la collaboration que ces liens peuvent susciter.
La coopération oecuménique est une réalité croissante parmi les Eglises des deux tiers du monde, où se situe désormais le centre du christianisme. Nous prions pour que l'Evangile, dont la vision englobe tous les êtres humains, nous conduise à une relation durable, fondée sur la confiance et sur une véritable coopération entre les évangéliques et le mouvement oecuménique. Telle est notre espérance.
Lettre des enfants
Table des matières
Huitième Assemblée et Cinquantenaire
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