No. 1 - Septembre
2002
«C’est incroyablement beau de trouver ce calme, cet espace dans la nuit. La cathédrale figurera parmi mes rendez-vous réguliers au cours des années à venir». Chers amis, Cette phrase figure dans le livre d’or de l’«église de nuit». Et c’est bien ce que le Projet «église de nuit» s’efforce d’être – une tentative de mission et d’évangélisation dans le contexte d’une société occidentale post-moderne et sécularisée. Il espère être une lumière au cœur de la nuit, non seulement à la fin du jour, mais aussi dans l’obscurité de la vie de personnes qui ont soif de la bonne nouvelle de l’Evangile de Jésus Christ. C’est une initiative importante et magnifique à laquelle participent douze églises de la ville qui s’efforcent d’être fidèles au Seigneur et de trouver de nouvelles manières d’être le Corps du Christ, en créant un espace de dialogue propre à donner un sens à la vie des gens dans une société en perte de sens, fragmentée par le consumérisme et la recherche du confort. Situé dans un cadre de calme au milieu des bruits de la ville, ce projet offre aux «gens de l’extérieur» et à ceux qui sont «en quête de quelque chose» une occasion de se rencontrer, de prendre ensemble une tasse de thé ou de café, d’écrire, de se promener, ou simplement de s’agenouiller et de prier. On donne souvent des concerts dans les cathédrales, et c’est le cas aussi à Copenhague; mais ce qui fait l’unicité de cette expérience est la manière dont l’art est utilisé comme véhicule de la bonne nouvelle. En outre, on a trouvé des formes novatrices pour les fonctions ecclésiales habituelles telles que le culte, la célébration de la sainte Cène, la lecture et l’interprétation de la Bible, les prières, etc., ce qui permet de donner aux gens le sentiment d’être accueillis et entourés. Mais le trait peut-être le plus caractéristique de ce projet est le partage de l’amour du Christ «en ne faisant rien», en demeurant simplement dans le calme et le silence. Nous sommes très heureux de faire connaître à nos lecteurs ce projet magnifique et plein de sens, qui est source de bénédiction pour toutes les personnes qui y participent. Nous publions également dans ce numéro de la «Lettre œcuménique sur l’évangélisation» la déclaration «Sur les traces de Dieu dans notre monde», rédigée par les participants au Séminaire «Communiquer la bonne nouvelle au Moyen-Orient», qui s’est tenu à Alep, Syrie, en juin 2002. Nous exprimons notre gratitude à toutes les personnes qui ont rendu possible la publication de cette lettre en quatre langues et nous prions le Seigneur de continuer à bénir et à faire fructifier la tâche qu’il vous a confiée. «Que la grâce de notre Seigneur Jésus
Christ soit avec votre esprit, frères et sœurs. Carlos E. Ham |
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Projet
"église de nuit" Un laboratoire liturgique dans la cathédrale de Copenhague A la fin de l’été 1999, un nouveau projet a été lancé dans la cathédrale de Copenhague. A l’origine, il s’agissait simplement d’ouvrir le sanctuaire au public le soir et de donner aux visiteurs la possibilité d’un entretien personnel avec un pasteur. Au cours de la première année, plusieurs nouvelles idées ont été adoptées, faisant ainsi de ce projet un véritable "laboratoire liturgique" et de la cathédrale un lieu de dialogue. |
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On a procédé
récemment à l’évaluation de la première
année du projet "Natkirken" ("église de nuit"
en danois) à l’intention des douze églises de la ville
qui y participent. Le présent article constitue le résumé
de ce rapport d’évaluation (on le trouve en danois sous www.natkirken.dk).
Au départ, il était prévu que l’église de nuit passe d’une paroisse de la ville à l’autre, sur une base annuelle. On a décidé maintenant que la cathédrale de Copenhague (église Notre-Dame, en danois "Vor Frue Kirke") accueillerait le projet durant les quatre premières années. Située dans une rue animée où beaucoup de jeunes se retrouvent le soir, la cathédrale constitue un excellent site pour l’église de nuit. L’impressionnante silhouette du Christ qui rayonne au fond de la longue nef sombre attire le regard des visiteurs potentiels qui jettent un coup d’œil par la porte ouverte. Description Dans l’église de nuit, la première heure est consacrée aux préparatifs. Les animateurs mettent en place le matériel nécessaire, fourni par eux: de petites tables où les visiteurs peuvent allumer des bougies et écrire des prières, des pupitres portant des blocs-notes pour les commentaires et discussions, des tables avec des prospectus et des bibles et – depuis peu – une "installation" du pasteur suédois et artiste Ingemar Thalin intitulée La croix: il s’agit de neuf cadres de bois contenant des morceaux de verre, du sable, des bougies et de l’eau, placés sur le sol, au milieu de l’église. Les deux premières années, le nombre total de visiteurs a été d’environ 25000. La plupart avaient entre 20 et 40 ans et, en général, n’étaient pas pratiquants. Certains n’ont fait qu’entrer et sortir, d’autres sont restés des heures. On trouve parmi eux des chrétiens à la recherche d’un lieu de prière personnelle, ainsi que des gens qui ne se considèrent pas comme chrétiens, mais qui sont attirés par le silence et l’atmosphère sacrée du lieu. Nous avons même eu quelques juifs et musulmans. Les visiteurs peuvent circuler à leur guise dans la cathédrale, qui offre toutes sortes de possibilités. Certains choisissent de rester dans le vestibule pour boire une tasse de thé ou de café ou bavarder avec les bénévoles. D’autres passent beaucoup de temps dans la zone réservée à l’écriture, d’autres encore se promènent et observent les imposantes statues des douze apôtres ou s’assoient sur des coussins disposés sur le sol autour de La croix. Beaucoup préfèrent les stalles, pour y prier ou y méditer en silence, ou encore pour y discuter avec un ami. Certains se risquent même à s’approcher de la statue du Christ, souvent pour s’agenouiller et prier. Il arrive aussi qu’au cours de la soirée des visiteurs demandent un entretien confidentiel au pasteur ou au diacre. Les deux premières années, 342 entretiens de ce genre ont eu lieu. La plupart des activités se déroulent en silence, mais le projet "église de nuit" fait aussi appel à des artistes, notamment à des musiciens. D’entente avec le pasteur, ils participent au culte (voir plus bas) et peuvent utiliser la cathédrale pour leur propre exploration des rapports entre l’art et le sacré. Par exemple, un chanteur de rap s’est exprimé sur des thèmes comme la prière, la croix et la soumission. Un joueur de saxophone, qui fait partie de nos "fidèles", aime parcourir la cathédrale, tandis que le flûtiste s’installe de préférence sur les galeries du premier étage. Une nuit, des chanteurs se sont mis à improviser, en se répondant depuis les galeries du second étage. Comme il s’agit d’encourager les musiciens à dialoguer avec Dieu, nous évitons tout ce qui pourrait rappeler des concerts d’église traditionnels qui se contentent d’utiliser l’église comme une salle de musique. Chaque soir, nous avons un service de 30 minutes, pour lequel nous avons essayé différentes formules. Maintenant, chaque soir de la semaine a son caractère propre. Le jeudi, nous célébrons la Cène avec du porto et du vrai pain. Nous formons un demi-cercle autour de l’officiant et chaque personne passe le pain à la suivante en disant "Voici le corps de Jésus Christ", tandis que l'officiant sert le vin. Le vendredi, des éléments musicaux alternent avec des lectures de la Bible, de poèmes, une brève réflexion sur les lectures, une prière, cinq minutes de silence, le "Notre Père", un salut de paix et la bénédiction finale. Le dimanche, le service commence par un chant de Taizé, suivi de 15 minutes de silence autour de la croix placée sur le sol, et se termine par une méditation sur la Bible. Les jeudis et vendredis, nous avons aussi un bref service de prière à minuit, pendant lequel les prières personnelles que les visiteurs ont pu écrire pendant la soirée sont lues à haute voix. A la fin de la soirée, tous les bureaux et petites
tables, la croix sur le sol, etc. sont rangés dans les placards
et le personnel se rassemble pour boire une bière et évaluer
la soirée. Idées et visions Le tapage de notre société de l'information et des médias incite les gens à retrouver les bienfaits du silence, de même que le vide si fréquemment vécu dans notre vie de tous les jours a contribué à un renouveau des rites. Nous aimerions proposer des rites crédibles, car la crédibilité dépend de l'écho et du contenu de ces derniers; c'est pourquoi le culte doit être en accord avec la perception que chacun de nous a de la sainteté et des choses essentielles de la vie. En d'autres termes, le culte doit répondre au besoin de l'assistance de trouver le vocabulaire, l'orientation spirituelle et le contexte appropriés à la quête de chacun et de chacune. Notre tâche consiste à imaginer des modes d'expression crédibles pour chaque visiteur et à offrir un espace de dialogue, dialogue que l'être humain (post)moderne estime faire partie de sa vie commune avec les autres et avec Dieu. Beaucoup de nos visiteurs sont "en quête" de quelque chose, et nous pensons que l'un de nos objectifs essentiels consiste à établir le dialogue avec eux. Mais pour y parvenir, nous devons les rencontrer sur leur propre terrain. Comme le dit un graffiti célèbre: "Jésus est la réponse, mais quelle est la question?" En d'autres termes, il ne vaut pas la peine de prêcher l'Evangile si nous ne voyons pas la détresse de nos visiteurs et si nous ne pouvons pas leur offrir la possibilité de poser leurs propres questions. "Voir" quelqu'un ne signifie pas accepter tout ce qu'il dit, car "être vu", c'est aussi être contredit et corrigé. Mais que nous soyons d'accord avec notre interlocuteur ou que nous le contredisions, il aura le sentiment d'avoir été vu et pourra donc être touché. Les Eglises condamnent souvent l'éphémère et l'individualisme qui caractérisent aujourd'hui nos relations sociales. Dans le cadre de l'église de nuit, nous avons décidé de considérer cet éphémère et cet individualisme comme des parties intégrantes de notre post-modernité, en même temps que comme des phénomènes porteurs de valeurs positives pour l'avenir. Il semble que l'église de nuit attire les individualistes, ceux qui préfèrent prendre eux-mêmes leurs décisions plutôt que de s'intégrer dans un groupe de croyants. Elle séduit des hommes et des femmes qui ne croient pas forcément que le pasteur a raison du simple fait qu'il est ordonné, mais qui estiment que la crédibilité personnelle est une condition essentielle à l’établissement de contacts humains et d'un dialogue authentique. Comme nous considérons que l'éphémère et l'individualisme constituent à la fois des caractéristiques inévitables et des ressources du christianisme actuel, nous ne mettons pas au premier plan la prédication ni les activités traditionnelles de l'Eglise, de même que – ce qui est encore plus important – nous ne désirons pas intégrer nos visiteurs dans une paroisse traditionnelle. Notre "paroisse" se compose de tous ces hommes et ces femmes qui se retrouvent dans l'église de nuit pendant une soirée. Autrement dit, nous ne faisons pas de distinction entre membres et non-membres de cette "paroisse" puisque toute personne qui franchit la porte de l'église en devient temporairement membre. Même si le visiteur ne reste que quelques minutes dans la cathédrale ou s'il ne vient qu'une seule fois, pour prier seul, nous estimons que cette personne est intégrée dans la communauté chrétienne universelle et devient un maillon de la chaîne qui constitue le christianisme historique. Nous considérons l'église de nuit comme un lieu où les gens redécouvrent le sanctuaire en tant que lieu saint et spacieux, comme un espace où l'individu peut entrer et trouver sa place, un espace où les visiteurs peuvent exprimer des choses qu'ils estiment trop privées pour le cadre d'un service traditionnel – s'agenouiller, pleurer, fermer les yeux et se calmer, appeler au secours ou proclamer leur reconnaissance envers Dieu. Enfin, nous souhaitons "catéchiser", c'est-à-dire guider les gens dans la tradition chrétienne. Les membres de l'équipe de l'église de nuit peuvent faire connaître la richesse de cette tradition et montrer aux visiteurs comment ils ont été conduits vers elle. Comme nous le savons, il y a plusieurs chemins qui mènent à la tradition, et chacun de nous doit trouver le sien propre. En fin de compte, nous sommes tous des pèlerins mendiants. Auteurs du texte: "Quel bonheur d'avoir l'église de nuit. C'est
un baume pour l'âme!" (28 janvier 2000) "Merci de cette pause. Pour la première fois depuis des années, j'ai ressenti la présence de Dieu comme un vrai bienfait, car je me suis détendu et confié au Saint Esprit. Loué soit le Seigneur." (26 mars 2000) "C'est incroyablement beau de trouver ce CALME, cet ESPACE dans la nuit. La cathédrale figurera parmi mes rendez-vous réguliers au cours des années à venir." (7 avril 2000) "Cool!" (6 avril 2000) "Quelle belle chose vous faites pour nous. Je me sens accueilli, accepté, respecté, sentiments trop rares dans ma vie de tous les jours. Merci."(28 avril 2000) "Je crois que la question n'est pas: croire ou ne pas croire?, mais plutôt: la foi croit-elle en nous, on non? Ce n'est qu'une question. Je me sens enrichi." (7 juillet 2000) "Une idée formidable. Une atmosphère attirante et accueillante – même pour un païen comme moi. Je reviendrai!" (9 juillet 2000) "C'est comme si je sentais la présence de Dieu. Cette église a sa place dans mon cœur. Cela a été une expérience magnifique que de la voir et de rencontrer la nuit. J'espère que vous continuerez." (21 juillet 2000) "Mille mercis pour cette expérience merveilleuse et exaltante. J'ai un peu l'impression que Dieu m'a délivré cette nuit. Je reviendrai certainement si vous continuez à organiser ces belles soirées. Encore merci!" (21 juillet 2000) "L'église de nuit: la meilleure idée que l'Eglise du Danemark ait eue depuis longtemps – voilà ce qu'il faut faire!" (23 juillet 2000) "Il y a longtemps que j'attendais quelque chose comme ça, sans savoir que cela existait ici." (30 juillet 2000) "Avec ma reconnaissance pour cet espace spirituel mis à ma disposition. Être disponible et nous soutenir mutuellement, voilà la chose la plus importante que nous puissions nous enseigner. Merci de m'avoir donné l'occasion de vivre cela." (4 août 2000) "Merci pour l'église de nuit. Elle est devenue un élément indispensable de mon existence; j'habite au centre de la ville et il y a longtemps que j'essaie de trouver le calme au milieu du tumulte du week-end. Quel contraste!" (11 août 2000) "Je dois reconnaître que je ne me suis jamais senti aussi proche de Dieu qu'ici. J'ai ressenti l'amour. Merci de m'avoir offert cette expérience!" (11 août 2000) "Merci pour cette paix et ce pardon!" (1er septembre 2000) "Salut! cette église est cool! Dieu est présent. Dieu vous aime." (8 septembre 2000) "Je garde en mémoire la beauté de cet endroit paisible, pour que mon esprit y fasse retraite." (original anglais; 8 septembre 2000) Sur les traces de Dieu dans notre monde Nous, participants venus d’Egypte, de Jordanie, du Liban et de Syrie, membres des traditions ecclésiales orthodoxe chalcédonienne et orthodoxe orientale non chalcédonienne, catholique et protestante de la région, nous nous sommes réunis à Alep, Syrie, du 2 au 8 juin 2002, pour réfléchir et parler ensemble de notre témoignage commun dans notre tâche qui est de «Communiquer la bonne nouvelle au Moyen-Orient». Le grand intérêt que les chefs des Eglises en Syrie, Sa Sainteté le patriarche Mar Ignatius Zakka Iwas I (orthodoxe syrien), et Sa Béatitude Ignatius IV Hazim (orthodoxe grec), ont manifesté à l’égard de notre séminaire en recevant une délégation de notre groupe avant notre réunion nous a beaucoup encouragés. Nous étions les hôtes du Conseil œcuménique des Eglises qui, en collaboration avec le Conseil des Eglises du Moyen-Orient, nous a offert un espace pour partager et réfléchir. Ensemble, nous sommes entrés dans une démarche de «réciprocité dans l’apprentissage et la communauté fraternelle», et nous en sommes très reconnaissants. Nous avons été comblés par l’hospitalité et la bienveillance des Eglises locales, notamment les Eglises orthodoxe syrienne, évangélique syrienne, catholique syrienne, orthodoxe arménienne, catholique arménienne, orthodoxe grecque et enfin l’Eglise évangélique arménienne qui a mis ses locaux à notre disposition pour nos réunions et nos discussions. «Là où il est présent…» - tel était le thème du concert donné par le groupe «Jeunesse pour Christ» et organisé par l’Eglise d’accueil, auquel nous étions invités lors de l’ouverture de notre rencontre; ce thème a donné le ton à notre recherche d’un travail plus efficace et mieux centré pour «Communiquer la bonne nouvelle» au Moyen-Orient. Nous rendons grâces à Dieu de ce que nous
avons pu vivre: Nous avons reçu et prenons avec nous: Alors que nous étions occupés à nos travaux, nous avons été très attristés et choqués par la nouvelle de la rupture du barrage de Zeyzoun, en Syrie du Nord, qui a provoqué non seulement la perte des précieuses réserves d’eau dont les gens ont besoin pour eux-mêmes et pour leurs cultures, mais aussi la destruction de leurs habitations et de leur environnement. Nous avons prié pour les victimes de cette catastrophe et nous sommes reconnaissants des efforts entrepris par la famille œcuménique des Eglises, au travers de l’Action commune des Eglises (ACT), du Conseil œcuménique des Eglises (COE) et du Conseil des Eglises du Moyen-Orient (CEMO), pour contribuer à guérir et à restaurer la vie dans cette région par l’envoi d’une aide matérielle destinée aux populations sinistrées. Nous avons appris, au cours des premiers jours de notre séminaire, qu’une église orthodoxe avait été détruite à Ramallah, en Palestine; cette nouvelle nous a rappelé que la communication de la bonne nouvelle dans cette région se heurtera à des obstacles essentiels aussi longtemps qu’il ne sera pas rendu justice aux Palestiniens et que la violence, perpétrée où que ce soit à l’encontre des lieux de culte, ne cessera pas. A la recherche des traces de Dieu dans notre monde et des lieux «où il est présent…», là où nous accomplissons notre service en partageant l’expérience que nous avons faite de la grâce aimante et salvatrice de Dieu en Jésus Christ, nous nous promettons mutuellement non seulement de demeurer ensemble, mais aussi de prier les uns pour les autres, pour le service que nous accomplissons et pour les personnes auprès desquelles chacun de nous travaille, et nous demandons à Dieu de nous guider par son Saint Esprit. Les participants au Séminaire d’Alep |