Chers amis,

C'est avec joie que j'écris cette introduction au premier numéro 2001 de la Lettre oecuménique sur l'évangélisation. Je m'appelle Carlos Emilio Ham et je suis pasteur de l'Église presbytérienne réformée de Cuba. Ces neuf dernières années, jai exercé mon ministère en tant que secrétaire général de cette Église. J'ai été aussi l'un des présidents de la Conférence des Églises des Caraïbes.

N° 1 - Juillet 2001


Cette année, j'ai été appelé à prendre la responsabilité du programme «Evangélisation" au sein de l'équipe «Mission et évangélisation" du Conseil oecuménique des Églises. Je suis marié, ma femme se prénomme Tania et nous avons trois enfants: Frida, Emil et Patricia.

La Lettre oecuménique a été et continuera d'être un instrument utile et efficace de promotion de la réflexion sur l'évangélisation authentique. Dans 1e sillage de cette riche tradition et fidèles à cet héritage, nous nous attachons à réunir et à diffuser des nouvelles et des réflexions sur cet élément vital de notre ministère. Notre Lettre s'est développée au fil des années grâce aux Églises, aux ministères d'évangélisation et aux personnes qui y participent, et il émane d'elle, de par son style et son format, une saveur informelle et personnelle qui, nous l'espérons, continuera à servir la pratique de notre ministère. Ainsi, nous pourrons échanger avec la communauté du monde entier des réflexions, des expériences pratiques et des récits, et poursuivre le dialogue sur l'évangélisation dans différents contextes, avec ses méthodes variées. Ce sera notre humble apport visant à soutenir ce ministère important.

Nous continuerons à traiter des conceptions et des expressions multiples et diverses de l'évangélisation ; elle est proclamation et partage joyeux de la bonne nouvelle de l'Évangile (euangelion), de l'amour souverain du Christ, qui appelle à la repentance, à la foi personnelle en Jésus Christ, Sauveur et Seigneur, et elle invite chacun à une conversion personnelle, à une vie nouvelle en Christ, à devenir disciple, à servir dans l'obéissance, au sein de l Église et dans le monde où nous vivons aujourd'hui.

Nous nous intéresserons tout particulièrement à la relation entre la mission et l'évangélisation, témoignage que nous rendons à l'oeuvre de Dieu dans la création, invitation à militer pour la vie dans sa plénitude. Quelle est sa relation avec le salut et la conversion ? Signifie-t-elle que nous versons dans le prosélytisme ? Se limite-t-elle à la croissance de l'Église, au recrutement de nouveaux membres, à l'expansion ? Quel sens prend-elle lorsque, en tant que chrétiens, nous entrons en contact avec d'autres religions ? De quelle manière est-elle déterminée par le contexte social et le texte biblique ? Comporte-t-elle la prédication et la pratique de la justice ? Telles sont quelques-unes des questions que nous allons traiter dans la Lettre.

Nous espérons donc, au travers de notre Lettre oecuménique, continuer à échanger des réflexions critiques et constructives. C'est pourquoi nous vous demandons de nous envoyer vos réflexions, vos rêves, vos visions, vos remarques et vos expériences. Si nous y parvenons ensemble et si notre bulletin peut continuer à être un espace ou une plate-forme de dialogue sur l'évangélisation, ce sera pour nous tous une bénédiction.

La Lettre oecuménique sur l'évangélisation est une publication trimestrielle. Jusqu'à présent, elle paraissait en anglais, en français et en ailemand. Nous sommes reconnaissants au CLAI (Conseil des Eglises d'Amérique latine) de la publier en, espagnol et de contribuer à, sa diffusion.

Nous consacrons le présent numéro au Quatrième Congrès latino-américain sur l'évangélisation (CLADE IV), qui a eu lieu à Quito, Equateur, du 2 au 8 septembre 2000. Nous remercions tous les auteurs des articles et sommes persuadés que ces textes seront pour tous d'un grand intérêt et qu'ils vont nous encourager dans les efforts que nous faisons en vue de réaliser cette parole : «Allez donc : de toutes les nations, faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, leur apprenant à garder tout ce que je vous ai prescrit." (Matthieu 28, 19-20a).

Shalom,

Carlos Emilio Ham, pasteur
Chargé du programme «Evangélisation"



Trois réflexions à propos du
Quatrième congrès sur l'évangélisation
(CLADE IV)
1

J'ai encore un souvenir très net des images, des visages et des couleurs de notre Amérique aux multiples facettes telle qu'elle s'est donné rendez-vous en Equateur, pour le CLADE IV J'entends encore les voix, les messages et les exclamations d'un secteur représentatif de l'Eglise d'Amérique latine qui s'est réuni pendant une semaine en septembre dernier, en une expression visible de son espérance dans le Ressuscité. Les propositions et conclusions issues du CLADE IV constituent par conséquent l'essentiel de l'ordre du jour que nous devons mettre en ceuvre dans l'avenir immédiat. Les réflexions qui suivent vont dans ce sens.

Compte tenu de quelques-unes des conclusions des consultations qui se sont déroulées lors du CLADE IV et de la Déclaration finale, voici quelques domaines dont il faut, à mes yeux, tenir compte:

1. Travail biblique

La Déclaration finale du CLADE IV part de la référence bien connue à Actes 4,32-34, un texte qui rend compte de l'atmosphère qui régnait parmi les disciples de Jésus Christ de la première génération. Parole, Esprit, mission, les trois axes que nous avons voulu mettre en lumière lors du CLADE IV, apparaissent clairement dans ce texte. La présence incontestable de l'Esprit du Seigneur, la richesse de sa Parole permettant de mettre les événements en perspective, et la proposition missionnaire visant à l'édification de la communauté, qui correspond à la déclaration que le même Jésus Christ avait faite des années auparavant à Nazareth, se sont entremêlées dans le tissu de l'histoire.

De même, nous sommes confrontés aujourd'hui à des défis qui peuvent enrichir notre vocation missionnaire. La Déclaration finale du CLADE IV rend compte du panorama actuel de l'Amérique latine : les assauts de la mondialisation et la pauvreté qui s'aggrave, la modernisation des Etats et la masse des exclus qui ne cesse de croître, le renouveau spirituel et le pluralisme religieux, la croissance de l'Eglise et les propositions «théologiques» qui promettent des paradis immédiats, la croissance et la concentration de la richesse, la dégradation de l'environnement et de la qualité de la vie. C'est là un cadre propice à la prière, à la manifestation de l'Esprit du Seigneur, à la proclamation audacieuse de sa Parole et à l'édification de la communauté.

Tout cela exige que nous nous souvenions que le texte biblique sur lequel nous nous fondons est le témoignage de la révélation divine. C'est un témoignage que nous acceptons comme véridique. Confié à tous, il s'agit d'un témoignage qui invite au questionnement (exégèse) et aux tentatives, toujours faillibles, de mise en pratique (herméneutique). Témoignage d'une rencontre (la révélation présuppose une rencontre), le travail biblique qui a été proposé lors du CLADE IV se caractérise par trois autres traits distinctifs :

• il doit être critique, c'est à dire offrir des critères permettant de donner un contenu à la mission ;

• il doit être interdisciplinaire, ou "transdisciplinaire», selon qu'on désire utiliser l'un ou l'autre de ces termes ;

• il doit être engagé en tant que cause et effet d'un travail missionnaire.

2. Travail théologique

Souvenons-nous que le premier théologien a été un missionnaire: Saul de Tarse. Une génération plus tard, le théologien était un pasteur. Au moyen âge, c'était un moine. A l'époque moderne, la théologie est passée aux mains de professeurs d'université et on ne leur a demandé aucun engagement dans la communauté des croyants. Remarquez comment, au fil de l'histoire, une distance se creuse entre la théologie et le peuple.

Au sein de la Fraternité théologique d'Amérique latine (FTL) nous nous efforçons de combler ce fossé. Notre Fraternité n'est pas seule à tenter de tels efforts. De nombreuses Eglises populaires, tant évangéliques que catholiques, se sont mises à livrer ce même combat. C'est aux croyants et aux croyantes qu'il appartient de lier la révélation du Seigneur à leur démarche missionnaire. C'est ainsi que naît la théologie. La métaphore parlante de la «théologie de la route», que John A. MacKay a utilisée au Pérou au début du siècle passé et à laquelle nous nous sommes habitués, reste valable. Quand le Seigneur révèle les trésors de sa sagesse, il a son peuple pour interlocuteur, et non pas les élites. Rapprochons donc la réflexion théologique de la base. Faisons de la théologie une pédagogie en vue de la transformation. Evitons l'élitisme et les cercles fermés.

3. Travail d'organisation

Une des grandes préoccupations qui découlent de l'application de l'idéologie du marché en tant que seule manière valable d'aborder la vie, c'est que, semble-t-il, il n'y a pas d'autre solution. Il n'y a pas d'autre issue au destin de notre peuple que de sacrifier sa vie sur l'autel du marché. Ces voix totalitaires («il n'y a pas d'autre solution»), nous les avons déjà entendues. Durant les années de l'euphorie communiste par exemple, on nous disait qu'il n'y avait pas d'autre issue que la lutte armée, la haine entre les classes et la réduction de la valeur de la vie aux mécanismes économiques. Autre exemple : on nous a toujours dit qu'il n'y a pas d'issue, sinon de pousser nos nations à reproduire fidèlement le modèle de développement qui caractérise les pays du Nord. Le concept même du «développement» s'accompagne d'une sémantique totalitaire. Cela arrive toutes les fois que les êtres humains encensent un seul aspect de la création et le mettent au-dessus de l'ensemble du projet créateur de Dieu. La vie se trouve alors réduite aux exigences totalitaires de l'autorité de service.

A la lumière de cette préoccupation, la stratégie que nous avons apprise de notre histoire même devient très riche ; elle consiste à capitaliser la capacité d'organiser et de mobiliser la base. Le CLADE IV a voulu être une rencontre de cette base, et nous continuons à caresser le rêve que ce sera véritablement le cas de nos futures rencontres. Les interlocuteurs de la FTL sous d'autres latitudes, trouvent étrange, pour ne pas dire ridicule, que nous parlions de «production théologique" sans passer par des porteurs de titres académiques obtenus dans des universités renommées, ou recevoir l'aval de théologiens ou théologiennes de haut vol. Ce qui frappe, c'est que nous travaillons à notre théologie à partir de la base, sans toutefois négliger l'indispensable rigueur académique. Il ne peut en être autrement, puisque nous sommes dans l'obligation de proposer une solution de rechange : la création de réseaux avec les mouvements de base soucieux de réaliser du travail biblique, théologique et missionnaire à partir des racines mêmes du paysage sociologique de la nation latino-américaine.

Nous avons à nous rapprocher d'organisations dans lesquelles les gens font de la théologie à partir d'une pénurie de ressources et cultivent des disciplines leur permettant de systématiser leur réflexion. Nous désirons ardemment que l'Esprit nous surprenne, comme il l'a fait pour Elie Le prophète se croyait seul ; au creux de sa dépression, il craignait qu'il n'y ait plus un seul survivant parmi ceux qui avaient refusé de se prosterner devant Baal. Le Seigneur l'a pris par surprise en lui apprenant qu'un réseau clandestin avait survécu, qui comprenait plusieurs milliers de personnes. Comme nous à la FTL et au sein de l'Église évangélique, il y en a beaucoup d'autres, non seulement en Amérique latine mais aussi dans d'autres endroits de la planète, y compris dans certains secteurs des pays industrialisés: des gens qui luttent pour le Royaume, qui attendent ardemment sa venue et qui, par conséquent, prennent fait et cause pour 1a justice de Dieu.

Lilia Solano

Présidente, FTL

Notes

1 Cet article a paru comme éditorial dans Enlace Teológico bulletin d'information de la Fraternidad Teológica Latinoamericana (Fraternité théologique d'Amérique latine). Les quelques changements de forme apportés à la présente version ne modifient en rien le contenu du texte original.



Le Témoignage évangélique pour le Troisième millénaire
Parole, esprit et mission


Le Quatrième Congrès latino-américain sur l'évangélisation (CLADE IV) nous a réunis dans la ville de Quito, Équateur, du 2 au 8 septembre 2000, autour du thème "Le témoignage évangélique pour le troisième millénaire : Parole, Esprit et mission», une rencontre visant à actualiser l'ordre du jour de l'Église.

Il ne fait pas de doute que le CLADE IV nous a offert un espace dans lequel nous tous, plus de 1200 représentants d'Églises et organisations évangéliques venus de tous les pays d'Amérique latine ainsi que quelques délégués venus d'autres continents, avons pu repenser notre manière d'accomplir notre mission.

Dans sa Déclaration finale, le CLADE IV constate que «... au cours de la décennie écoulée, le paysage religieux s'est considérablement modifié ... on perçoit une présence accrue des croyants et des Églises évangéliques dans diverses institutions de la société civile ainsi que dans les milieux politiques»2. Cependant, ... «on remarque aussi un certain déficit dans le domaine de la réflexion théologique, qui fait que nous sommes exposés à l'influence de propositions théologiques étrangères à la Bible telles que l'évangile dit de la prospérité, qui présente l Évangile comme un produit de consommation, des structures ecclésiales dans lesquelles la recherche du pouvoir prédomine, une carence dans le domaine de la spiritualité, l'activisme, le mysticisme et le dogmatisme ...»3. Nous sommes confrontés à des erreurs telles que «...l'adoption d'une forme d'auorité pastorale inspirée du modèle des entreprises, la création de divisions et la discrimination à l'égard des femmes, des peuples autochtones, des gens de couleur, des immigrants, des enfants et d'autres groupes...»4.

L'expérience que nous avons vécue au cours du CLADE IV nous a montré que l'Église évangélique d'Amérique latine doit renaître, si elle veut garder une pertinence dans la société du troisième millénaire.

Nous avons profondément besoin de novateurs, de personnes qui prennent le risque de tenter de nouvelles manières de faire ; l'Église doit penser à mettre en oeuvre des méthodes plus efficaces pour la mission. Nos communautés sont à la recherche de micro-modèles alternatifs viables. les communautés ecclésiales doivent se transformer en exemples de vie méritant d'être imités : elles doivent devenir solidaires, sensibles à la souffrance et aux besoins des gens.

Il faut que quelque chose se passe chez nous, en tant que communauté chrétienne, pour que l'on reconnaisse en nous une communauté alternative. S'il est vrai que la Parole est la marque distinctive des Eglises historiques et évangéliques, et que l'Esprit est celle des Eglises pentecôtistes et charismatiques, il est temps de les réunir pour que la puissance née de la rencontre de la Parole et de l'Esprit de Dieu puisse insuffler vie à l'Église, afin de susciter un témoignage qui façonne des vies susceptibles de transformer les personnes et les sociétés.

Nous devons nous convertir et devenir une communauté d'adoration, de vérité, d'amour, de service, et nous devons surtout nous convertir et devenir une communauté d'espérance. Si nous voulons annoncer et instaurer un ordre social nouveau, il est impératif, primordial, urgent, nécessaire et vital de mettre en oeuvre dans la puissance de la Parole et de l'Esprit, un ordre social nouveau au sein de notre communauté de foi. «Nous armons que la parole de Dieu nous invite à être des communautés prophétiques et solidaires de la douleur et des souffrances qui font fi de la vie et de la dignité de nos nations ... nous comprenons qu'un élément central de notre mission consiste à rechercher la justice pour tous, dans la puissance du Saint Esprit.»5

Faisons usage d'espaces tels que celui que le CLADE IV nous a offert pour nous donner un ordre du jour qui reflète notre volonté d'unité, une unité qui suscite un ordre social nouveau dans la vie de l'Église, fondé sur la parole et l'Esprit. L'unité ne sera possible que si nous acceptons nos différences, réaffirmons l'essentiel et nous engageons tous pour la cause d'une mission globale.

Que Dieu Tout-Puissant illumine notre route au travers de sa Parole, qu'il nous donne la force, la puissance de son Saint Esprit pour que nous soyons des témoins fidèles de l'Évangile en notre siècle. AMEN !

Pasteur David E. Ramírez
Président, SEMISUD
(Séminaire sud-américain de formation au ministère)

Notes
2 Déclaration finale, CLADE IV Quito, Equateur, septembre 2000
3 Ibid
4 Ibid
5 Ibid.


CLADE IV - Quatrième Congrès Latino-américain sur l'évangélisation
Quito, Equateur, 2-8 septembre 2000.

En septembre 2000, j'ai assisté au Quatrième Congrès latino-américain sur l'évangélisation, organisé par la Fraternité théologique d'Amérique latine (FTL). Le premier de ces congrès s'était déroulé à Bogota en 1969 et avait débouché sur la création de la FTL, qui a organisé les rencontres suivantes à Lima, en 1979, et à Quito, en 1992. Les participants à ces congrès y viennent à titre individuel et non pas en tant que représentants d'Eglises ou d'institutions.

Le Quatrième Congrès a réuni quelque 1200 personnes de toute l'Amérique latine. Quelques jours avant son début, 800 inscriptions «seulement» étaient arrivées, mais, malgré la pression occasionnée par l'affluence de dernière minute, l'organisation a très bien fonctionné. Les réunions plénières et autres grandes manifestations se sont déroulées dans les bâtiments du Séminaire sud-américain de formation au ministère (en cours de construction), à trente minutes de voiture de Quito. Les participants étaient logés dans divers centres voisins, où ont également eu lieu les réunions des groupes.

On a dit du CLADE IV qu'il constituait le rassemblement le plus représentatif des milieux évangéliques et pentecôtistes du continent, et cela correspond certainement à la réalité. On y a vu des membres de la FTL et de nombreux représentants d'Eglises et organisations évangéliques et pentecôtistes (par ex. World Vision, Communauté internationale des étudiants évangéliques, etc.). Pour autant que j'aie pu en juger, il n'y avait que très peu de participants venus des Eglises protestantes «historiques" d'Amérique latine, avec pourtant quelques exceptions notables. Le Conseil des Eglises d'Amérique latine (CLAI) a joué un grand rôle dans ce Congrès: tandis que lors de réunions antérieures il s'était contenté de participer à des débats publics, il était cette fois-ci membre du Comité d'organisation.

Bien que nombreuses, les femmes, participantes ou oratrices, étaient en minorité, tout comme les jeunes. De nombreux membres de populations autochtones étaient présents, dont certains représentaient des organisations évangéliques autochtones. J'ai eu le sentiment que les "évangéliques» étaient plus nombreux que les «pentecôtistes», ce qui signifie que la réunion ne reflétait pas entièrement la situation sur le terrain, puisque dans des pays comme le Pérou et le Brésil, les pentecôtistes constituent 70 à 80% de la population non catholique romaine. L'Église catholique romaine n'était pas représentée officiellement.

Chaque journée commençait par une heure de louange, suivie d'une heure d'exposés bibliques et de deux heures consacrées au sujet du jour. L'après-midi, les groupes se rencontraient pour discuter certains problèmes et questions, et la soirée était prise par les réunions plénières. Celles-ci n'offraient guère de place aux questions ni aux débats. La louange quotidienne présentait un mélange très vivant de musique, de témoignages, de lectures bibliques, de prières et de chants. Ces derniers étaient particulièrement enthousiastes, car chacun y participait de tout son coeur et de tout son corps. Ce type de célébration évangélique et pentecôtiste est spontané et ne se réfère à aucun thème ni fil conducteur, que ce soit lors de la louange quotidienne ou tout au long de la réunion.

Si, dans sa conception, le programme était plutôt traditionnel et ne faisait guère de place à la participation, il se distinguait par l'importance des sujets traités et ce qui a été dit à ce propos. Voici les thèmes des exposés du matin:

• Les utopies socio-économiques, politiques et religieuses et les défis qu'elles présentent pour la foi évangélique
• Les structures de l'Église et de la société en Amérique latine
• L'objectivité et la subjectivité dans l'expérience chrétienne
• La spiritualité chrétienne et les spiritualités contemporaines
• L'Église en tant que communauté différente dans la société; l'évangélisation et le pluralisme religieux

Les débats du soir portaient sur des sujets tels que le masculin et le féminin dans une perspective chrétienne (Elsa Tamez), la société de consommation et la sauvegarde de la création, la guerre spirituelle (sujet très actuel et controversé dans les milieux évangéliques et pen-tecôtistes) et, à un niveau plus proche de l'information, les aspects du protestantisme en Amérique latine (par exemple l'apparition récente du néo-pentecôtisme avec son évangile de la prospérité). Ce qui est ressorti de la plupart de ces exposés, c'est la volonté d'affronter de manière critique et avec sérieux les problèmes auxquels les populations et les Eglises d'Amérique latine sont actuellement confrontées, et le rejet de (ancien cliché qui voulait que les évangéliques « ne soient pas de ce monde» et «ne se soucient que du salut de l'âme» Voici quelques exemples:

• Lillie Góngora (évangélique catholique romaine de Colombie) a parlé des utopies en préconisant la résistance active et la prise de conscience populaires pour s'opposer à la «non-utopie» du néolibéralisme et à la théorie de Francis Fukuyama qui affirme que le capitalisme est la réalisation ultime de tous les rêves. Elle a mis ses auditeurs en garde contre le fait que les chrétiens pourraient devenir des alliés du pouvoir de répression en rêvant de convertir les âmes plutôt que de réaliser « un ciel nouveau et une terre nouvelle».

• Victor Arollo à propos des structures de la société et des Églises, a déclaré que la question fondamentale était de savoir au service de quelles forces sociales la religion se met.

• Ricardo Barbosa de Sousa a affirmé la nécessité d'une spiritualité reposant plus fermement sur la théologie et d'une théologie faisant plus de place à la spiritualité. II souhaite une spiritualité trinitaire, centrée sur le Christ, communautaire et enracinée dans la Parole de Dieu.

A propos des sujets touchant plus directement la vie des Églises (évangile de la pros- et guerre spirituelle), on a pris fermement position contre la théologie de la prospérité et le mercantilisme religieux («supermarché de la religion») et contre (idée d'un «Dieu en guerre». Cette dernière théorie conçoit tous les aspects de (expérience chrétienne comme un affrontement avec les forces démoniaques des esprits mauvais, qui doivent être vaincus par la bataille de la prière dans une guerre spirituelle. Elle affirme également que des «esprits territoriaux» peuvent tenir sous leur domination une ville ou un lieu, et qu'il faut les combattre pour que (évangélisation puisse s'accomplir. Ces détournements du message biblique, originaires d'Amérique du Nord, rencontrent un large écho en Amérique latine. Face à ces influences extérieures, (exposé sur (objectivité et la subjectivité de (expérience chrétienne était particulièrement bienvenu. Dans (expérience évangélique de la foi, la forte relation personnelle et intime avec Dieu dans la vie du croyant peut être détournée par la doctrine fortement subjective (et agressive) de la guerre spirituelle et du combat contre Satan, (ennemi. Esteban Voth principal orateur à s'exprimer sur ce sujet, a déclaré que la «guerre» devrait plutôt consister en un témoignage intègre et éthique de la lutte pour la justice, la paix, les droits de l'homme et la réconciliation.

Les exposés bibliques portaient sur les thèmes suivants:

• Le pouvoir du Saint Esprit et les pouvoirs

• Du vin nouveau dans de vieilles outres

• La Parole et (Esprit dans la vie de l'Église

• La spiritualité dans la vie et la mission de l'Église

• La communauté de (Esprit, nouvelle humanité

• Témoigner de la puissance du Saint Esprit jusqu'aux extrémités de la terre.

En reprenant (image du vieux et du neuf, Angelita Guzmán, théologienne de l'Église évangélique du Pérou, a mis en question le poids de la tradition dans les Églises, en soulignant que les transformations constituent un processus nécessaire pour discerner les changements inspirés par (Esprit. Elle a pris pour exemple la difficulté que les évangéliques ont à accepter le pentecôtisme. David Ramírez président du Séminaire sud-américain de formation au ministère, dans sa réflexion sur la Parole et (Esprit, a déclaré que le moment était venu pour les «Églises de la Parole" (Églises évangéliques et protestantes historiques) et les «Églises de l'Esprit» (pentecôtistes) de s'unir et d'ap-porter un message d'espérance non seulement en des cieux nouveaux mais en une terre nouvelle, pour inspirer la vision du règne de la justice, de (amour et de la paix en Amérique latine. René Padilla, de la Communauté du kairos en Argentine, a dénoncé "l'incroyable analphabétisme biblique" des milieux évangéliques et pentecôtistes, dans lequel il voit la cause du manque de réflexion théologique et de la pauvreté spirituel- le. Il n'est pas étonnant, a-t-il ajouté, que (évangile de la prospérité et l'amour du pou-voir fleurissent dans nos milieux.

Chaque après-midi, pas moins de 17 groupes se sont réunis pour étudier des questions particulières. Certaines concernaient des sujets auxquels on pouvait s'attendre dans un congrès sur l'évangélisation (mission transculturelle, famille, Bible, textes, etc.). tandis que d'autres étaient moins évidents: foi et économie, l'unité de l'Église, politique et droits de l'homme, populations autochtones, formation théologique. J'ai assisté à une rencontre sur l'unité de l'Église, au cours de laquelle le professeur Míguez-Bonino et le pasteur Juan Sepúlveda ont pris la parole. M. Míguez-Bonino a déclaré que ce qui se passait à ce Quatrième Congrès latino-américain sur l'évangélisation aurait été tout simplement impensable il y a une quinzaine d'années.

Hubert van Beek

Chargé de programme au COE, «Relations avec les Eglises membres, les conseils nationaux d'Eglises, les organisations oecuméniques régionales et les Eglises pentecôtistes, évangéliques et d'institution africaine»

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