Conseil oecuménique des Églises
Bureau de la communication
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EXPULSÉS ET DÉSORIENTÉS |
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Avec 1500 autres personnes, ils sont arrivés en Albanie pendant la nuit et se sont arrêtés dans les faubourgs de la petite ville de Kukes, au nord-est du pays. Plus d'une centaine de tracteurs, de remorques et de petites voitures sont stationnés dans un champ jonché d'ordures, dominé par une pente enneigée. Les gens sont assis par petits groupes ou sur les quelques biens qui leur restent. Ils ne disent pas grand-chose et semblent perdus dans leurs pensées. Un certain nombre de journalistes, de photographes et d'équipes de télévision tournent autour d'eux pour chercher des interlocuteurs à interviewer. A quelques centaines de mètres du champ, les ruines d'un site industriel abandonné ajoutent encore à la désolation de la scène. Ces réfugiés viennent de Vragoli, petit village situé à quelques kilomètres de Pristina, dont Avdyl Orllati était l'instituteur. "Les soldats serbes sont arrivés hier matin en nous menaçant et en tirant en l'air, dit-il. Ils nous ont ordonné de partir immédiatement. Après nous avoir dit de partir à pied, ils se sont ravisés et nous ont laissé prendre nos tracteurs et nos voitures. Ils nous ont donné une demi-heure pour nous en aller. "Allez en Albanie", nous ont-ils dit, "c'est là que vous êtes chez vous. Le Kosovo est aux Serbes. Allez vous réfugier auprès de l'OTAN, ils s'occuperont de vous." Avant de nous laisser partir, ils nous ont pris nos papiers d'identité et les plaques d'immatriculation de nos voitures. Ils ont aussi pris de l'argent à quelques-uns d'entre nous, mais pas à tous." Pendant le voyage qui a duré quatorze heures, M. Orllati a vu se succéder les villages détruits, mais personne d'autre que des soldats serbes. Contrairement aux réfugiés arrivés quelques jours auparavant, les membres de son groupe n'ont pas été battus ni blessés et n'ont pas dû assister à l'exécution de leurs proches avant de quitter le Kosovo. M. Orllati, accompagné de sa femme, de leurs deux fils et de trois autres membres de sa famille, n'a aucune idée de ce que l'avenir leur réserve. La petite route en lacets, criblée de nids-de-poule, qui conduit à Kukes est plus fréquentée qu'elle ne l'a jamais été. Des camions chargés de matériel de secours se hissent péniblement, venus de Tirana après un trajet de plus de huit heures. En sens inverse, c'est un flot continu de tracteurs et de voitures du Kosovo, privés de leurs plaques d'immatriculation, d'autobus et de camions militaires albanais, tous chargés de réfugiés, qui se rendent à Tirana ou dans les régions du centre et du sud de l'Albanie. "Ici nous n'avons plus que 70 000 réfugiés", déclare Jacques Franquin du bureau du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) établi à Kukes. C'est par cette localité que sont entrées, ces dernières semaines, la plupart des 310 000 personnes venues du Kosovo. Il faut reconnaître que la situation générale s'est considérablement améliorée par rapport au chaos qui régnait les premiers jours. "Les autorités albanaises ont fait tout leur possible pour sortir les réfugiés de cet enfer", ajoute M. Franquin. La plupart des 70 000 personnes qui restent à Kukes sont soit de nouveaux arrivants soit des gens qui souhaitent demeurer à proximité de la frontière. Ceux qui sont partis ont été accueillis par des familles albanaises ou dans des centres de transit. Certains se sont rendus dans les camps de réfugiés qui sont en train d'être installés dans de nombreux endroits de la côte méditerranéenne albanaise, relativement prospère. Au cours de la semaine passée, ACT International a transporté par avion à Kukes des tentes et des couvertures pour 900 familles. Le premier camp de réfugiés de 2000 personnes fonctionnera dès demain. Les premiers jours, plus de 60 tonnes de nourriture ont été distribuées pour faire face à l'urgence et 20 autres tonnes le seront au cours des journées à venir, en même temps que des articles d'hygiène. L'ACT a également l'intention de venir en aide aux milliers de réfugiés accueillis par des familles albanaises, ainsi qu'à celles-ci. Diakonia Agapes, service diaconal de l'Eglise orthodoxe albanaise, membre de l'ACT, participe à ces activités et aide à planifier les secours en vue des semaines et des mois à venir. Comme bien d'autres organisations qui apportent une aide humanitaire aux réfugiés du Kosovo, l'ACT ne sait pas ce qui va se passer. L'arrivée de familles comme celles de MM. Orllati et Sllamniku marque-t-elle la fin de l'exode qui a commencé dans les derniers jours de mars ou représente-t-elle le début d'une nouvelle vague déferlante? Combien de réfugiés l'Albanie - qui aurait besoin de décennies pour surmonter les effets dévastateurs de son ancien régime - va-t-elle pouvoir absorber? A Kukes, les collaborateurs des organisations d'entraide et les journalistes sont aussi sombres que les nouveaux arrivants, marqués, comme eux, par le souvenir de l'enfer qui régnait à la frontière. En faisant la queue pour recevoir de la nourriture ou pour téléphoner dans l'espoir de recevoir des nouvelles de leurs proches, de nombreux réfugiés maudissent Slobodan Milosevic de la voix et du geste. Dans le champ jonché d'ordures, la fille de M. Sllamniku n'est pas la seule à être en proie au choc et à la confusion: toute la région de Kukes est frappée de stupeur face à la tragédie.
Pour toute information complémentaire, s'adresser à Nils Carstensen
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