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Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale,
la xénophobie et l'intolérance qui y est associé

le 1 septembre 2001

«RENDEZ-NOUS NOTRE PART»
Raymond Bitemo


«Rendez-nous notre part.» Cette conclusion formulée par le professeur Saïdou Kane, historien et sociologue noir mauritanien, au terme de l’atelier consacré à la question de l’esclavage, traduit le consensus général qui s’est dégagé du débat que les Africains et les personnes d’origine africaine ont tenu dans l’après-midi du 29 août sur le problème des réparations soulevé au Forum des organisations non gouvernementales de la Conférence mondiale des Nations Unies contre le racisme.

De nombreux délégués africains et ceux de la diaspora noire se sont succédé à la tribune pour exprimer leur point de vue et faire des commentaires sur le drame de l’esclavage et ses conséquences, et sur la question des réparations. «Nous devons sortir victorieux de cette conférence», a déclaré Mme Lucilla, du Brésil. Et un délégué cubain a ajouté: «Nous sommes venus ici pour recueillir l’aveu de ceux qui ont commis ces crimes, et pour obtenir de justes réparations».

Mme Humbarto, juriste afro-américaine du Texas, Etats-Unis, a pour sa part estimé que «l’esclavage est un délit et non simplement un crime». D’où la nécessité d’exiger de justes réparations de la part de ceux qui l’ont pratiqué. On ne saurait, par ailleurs, exiger des victimes qu’elles fournissent des preuves de la culpabilité de ceux qui ont commis ces actes, puisque les préjudices subis par des millions de noirs arrachés à leur terre dans le seul but d’exploiter leur sang et leur force pour assurer le développement et la prospérité du capitalisme mondial sont déjà éloquents. Mme Humbarto a cependant déploré l’incapacité des élites africaines et d’origine africaine à «unir leurs efforts dans cette quête».

Tout a donc été dit pour poser le problème des réparations, mais il reste à définir le mode et la forme de sa solution. Le professeur Saïdou Kane estime à ce propos que «le problème des réparations ne devrait pas être perçu sous une forme monnayable. Il s’agirait à mon sens, dit-il, d’une sorte de plan qui ne ressemblerait pas fondamentalement à celui de George Marshall, mais qui consisterait plutôt à promouvoir le développement et l’équipement du continent et des communautés noires américaines; ce plan serait mis en oeuvre sur la base de quotas, dans les domaines de l’éducation, de la santé et de l’insertion au travail».

En ce qui concerne le financement, le professeur Kane est d’avis que «ce plan devrait être financé par tous les Etats de la communauté internationale, et principalement par ceux qui étaient impliqués dans l’accumulation du capital qui leur a permis d’assurer la puissance de leur système pendant 350 ans». L’historien mauritanien salue au passage le fait que le Parlement français ait reconnu en avril 2001 que l’esclavage est un crime contre l’humanité. Il regrette toutefois que cette reconnaissance n’ait pas été assortie d’indemnisations: «Il s’agit une fois encore du double jeu de la langue de vipère que la France utilise dans sa mouvance historique», a-t-il dit.

Du côté des Eglises, le pasteur Jeremiah A., de l’Eglise du Christ de la Trinité à Chicago, Etats-Unis, cité par Mme Humbarto, estime qu’«il faut commencer par confesser les péchés et reconnaître les crimes. L’Amérique ne l’a jamais fait. Elle doit avouer son péché, faire des excuses pour l’esclavage et prendre ensuite des mesures de réparation des maux causés à 200 millions d’Africains et leurs descendants». Le fait que le président Bill Clinton ait cherché à s’excuser pour l’esclavage pendant sa dernière visite en Afrique en 1999 n’est qu’un début. Ce point de vue va dans le sens de celui du Conseil oecuménique des Eglises (COE), dont la déclaration à ce Forum souligne qu’il faut mettre fin à l'impunité, dresser une comptabilité publique formelle des crimes passés, et se mettre d’accord sur la question des compensations. Ce sont là des éléments importants pour l’éveil de la conscience publique et la mise en place d’un processus de guérison et de réconciliation sociales propre à briser l’engrenage de la violence qui se perpétue de génération en génération.


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