Conseil oecuménique des Églises
Bureau de la communication
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« Le dialogue interreligieux n'est pas une ambulance » |
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La réflexion oecuménique sur la liberté religieuse a évolué à la lumière des expériences concrètes des Eglises membres du COE dans des contextes extrêmement divers partout dans le monde. Au fil des années, les Eglises ont pris conscience qu'on ne saurait séparer la liberté religieuse d'autres aspects des droits de la personne et que l'Eglise ne peut revendiquer la protection de ses propres droits sans se soucier de tous les droits de toutes les personnes. La liberté et la tolérance religieuses ont de multiples facettes, de même que les aspects interreligieux des conflits et du règlement des conflits. De ce fait, toutes ces questions touchent différents domaines d'activité du COE. Comment le COE réagit-il à ces questions ? Des tendances et des défis nouveaux se dégagent-ils pour lui ? Le pasteur Dwain Epps, de l'équipe « Relations internationales » du COE, ainsi que M. Tarek Mitri et le pasteur Hans Ucko, de l'équipe « Relations et dialogue interreligieux », répondent aux questions de Karin Achtelstetter, du Bureau des relations avec les médias du COE.
Karin Achtelstetter : Le Conseil oecuménique des Eglises a soumis une déclaration écrite sur la question de l'intolérance religieuse à la 57e session de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies. Sur la base des informations dont il disposait, le COE a attiré l'attention de la Commission sur certains facteurs qui contribuent à accroître l'intolérance religieuse, tels que la répartition injuste des ressources économiques et le refus de partager le pouvoir dans les gouvernements, ou la manipulation de la religion en tant qu'« outil et catalyseur de l'escalade » des conflits, pour mentionner un autre point de la longue liste établie par le COE. Si l'on considère aujourd'hui les résultats de la 57e session, pensez-vous que la Commission des Nations Unies ait pris des mesures efficaces propres à « sauvegarder et promouvoir la liberté religieuse, en particulier pour les minorités religieuses », et « édifier dans le monde un climat de confiance favorable à la tolérance religieuse, à la paix et à la non-violence » - objectifs mis en lumière dans le texte du COE? Dwain Epps : En soumettant la question en ces termes à la Commission des droits de l'homme, nous voulions créer un climat plus positif pour les discussions au sein de la Commission, en particulier en ce qui concerne la question très controversée du rôle de la religion dans les conflits aujourd'hui. Nous étions conscients qu'il y a une tendance dans cette réunion à opérer une nouvelle division du monde, après la Guerre froide, en référence au choc des cultures et, en un sens, au choc des religions. Et dès l'instant où on s'attaque à la question de la religion, l'émotionnel l'emporte très souvent sur le rationnel. Il est clair que, dans ce genre de problèmes, on ne s'attend pas à des résultats immédiats. Une résolution proposée et adoptée par la Commission des droits de l'homme concernait la question de l'intolérance religieuse et de la manipulation de la religion. En soi, il s'agissait déjà d'un débat assez polémique, puisqu'il y a eu à peu près autant de voix favorables que de voix défavorables ou d'abstentions. Toutefois, les réactions à notre déclaration montrent que nous avons réussi dans une certaine mesure à modérer le débat. Beaucoup de personnes concernées se sont reconnues dans notre déclaration. En d'autres termes, les victimes elles-mêmes ont pu dire : « Non, ce n'est pas obligatoirement parce que nous sommes chrétiens qu'on nous attaque, mais plutôt en raison de problèmes plus fondamentaux de nature politique, militaire, économique ou autre. » Je pense que c'était, sinon la première, tout au moins l'une des déclarations les plus incisives du COE sur cette question portées à l'attention de la Commission, au cours de nos nombreuses années de discussion sur l'intolérance religieuse. Tarek Mitri : J'aimerais ajouter quelque chose à ce que Dwain vient de dire. Durant de nombreuses années, les organisations nationales et les gouvernements ont minimisé le rôle de la religion dans les conflits et les tensions. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à la démarche contraire, qui consiste à exagérer le rôle que joue la religion. Les gens ont tendance à confondre violations de la liberté religieuse et violations des droits de l'homme, alors que celles-ci n'ont souvent pas grand-chose ou même rien à voir avec la religion. Quoi qu'il en soit, nous devons reconnaître que la liberté religieuse et les droits de l'homme sont indivisibles. Les droits de l'homme des minorités et ceux des majorités sont également inséparables. Les droits sociaux et politiques refusés aux minorités sont souvent refusés aussi aux majorités. En outre, il est important qu'on n'utilise pas et qu'on ne perçoive pas la défense de la liberté religieuse et des droits de l'homme comme une arme d'une communauté religieuse contre une autre. Dwain Epps : Le fait que certains rapports diffusés avant la session de la Commission aient donné l'impression que le COE condamnait de manière générale les attaques des musulmans contre des minorités chrétiennes et qu'il prenait clairement parti en faveur des chrétiens menacés dans le monde illustre le problème qui se pose dans le climat actuel, auquel Tarek se référait. Cette vision constitue une grave distorsion des propos du Conseil. Mais elle montre à quel point la question du rôle de la religion est très souvent exagérée, et parfois mal interprétée. Les réactions que nous avons reçues indiquent qu'il est important que le Conseil oecuménique des Eglises poursuive ses efforts pour insister sur la nécessité du dialogue entre les communautés, entre les religions et entre les groupes religieux, afin de contribuer à rétablir l'harmonie entre les peuples et à restaurer leurs droits civils, politiques, culturels et économiques. Karin Achtelstetter : Le COE a choisi de soumettre sa déclaration écrite sur l'intolérance religieuse dans le cadre du point 11 relatif aux droits civils et politiques, plutôt que sous un autre point, par exemple celui qui aborde la situation dans un pays ou une région spécifiques. Pourquoi ce choix ? Dwain Epps : Cette décision a été prise parce que l'exposé du rapporteur spécial sur l'intolérance religieuse était présenté sous point 11. Notre intention était d'encourager et de soutenir son travail. C'est à ce moment de la Commission qu'on aborde la question générale des effets de la religion sur la société, ou des conséquences des violations des droits de l'homme sur la religion, la liberté religieuse et la tolérance. En outre, nous nous sommes abstenus d'aborder cette question dans la perspective de situations nationales particulières parce que nous avions conscience de la tendance de certains gouvernements et organisations non gouvernementales à aborder parfois les questions touchant la religion d'une manière très polémique et controversée. Dans certains cas, ce sont les Eglises locales elles-mêmes - dont quelques-unes ont gravement souffert récemment dans des conflits à dimension religieuse - qui ont instamment prié le COE de ne pas condamner leurs gouvernements, mais plutôt de soutenir les efforts de ceux-ci pour rétablir l'ordre public, précisément afin de pouvoir reconstruire des relations harmonieuses. Tarek Mitri : Permettez-moi d'ajouter un élément important. Dans de nombreux pays du Sud, les chrétiens sont extrêmement sensibles au fait qu'on les perçoit, souvent de manière injuste, comme une sorte d'appendice local de la chrétienté mondiale. Tout élément qui renforce l'image des chrétiens en tant qu'étrangers dans leur propre pays leur cause du tort. Dans le contexte de leur fidélité à leur nation, de nombreux chrétiens, en Egypte par exemple, affirment leurs droits - sociaux, politiques ou religieux - en tant que citoyens. La notion même de minorité les gêne. Un autre élément est l'intervention extérieure. Nous vivons encore dans un monde d'Etats nations, où la souveraineté nationale demeure importante. L'intervention extérieure, quels que soient ses motifs déclarés, demeure une question conflictuelle dans le domaine du droit international et de la politique mondiale. Bien souvent, elle contribue à aggraver les tensions entre communautés. Elle exacerbe les perceptions erronées dont certaines communautés minoritaires font l'objet et attise l'hostilité à leur égard. A ma connaissance, aucune intervention extérieure dans les tensions entre communautés d'un pays n'a jamais contribué utilement à leur apaisement ou à leur solution. Karin Achtelstetter : La déclaration écrite de cette année était fondée sur des contacts intenses avec les Eglises membres du COE qui se trouvent dans des situations conflictuelles à dimension clairement religieuse, par exemple au Soudan et en Indonésie. Les deux cas sont caractérisés par un conflit entre musulmans et chrétiens. Les conflits religieux opposent-ils généralement aujourd'hui les musulmans aux chrétiens, ou impliquent-ils parfois d'autres groupes religieux ? Hans Ucko : Avant de répondre à votre question, j'aimerais dire tout d'abord quelque chose sur la question de l'intervention. Notre problème est qu'on nous demande de faire quelque chose à propos de tel ou tel conflit particulier. Certes, la prudence s'impose, mais nous risquons aussi, si nous nous montrons trop circonspects, d'être perçus comme ne faisant rien. C'est très mauvais pour nous. En conséquence, je suis favorable à l'intervention à un niveau « pastoral » proche des communautés en question. Je pense que notre engagement doit prendre la forme de visites d'équipes interreligieuses planifiées avec soin. Après de nombreuses années de dialogue, nous avons établi d'excellentes relations avec les croyants d'autres religions, nous partageons de nombreuses préoccupations. Ainsi, nous devrions pouvoir trouver un groupe de chrétiens et de musulmans, ou de chrétiens et d'hindous, ou de chrétiens et de juifs qui puissent aborder les problèmes ensemble ou se rendre ensemble dans une zone de conflit. En agissant ainsi, ils démontreraient une autre manière de coexister qui, aussi modeste soit-elle, pourrait apparaître comme une sorte de témoignage. L'Inde est l'exemple d'un pays où des tensions interreligieuses se manifestent entre d'autres groupes religieux. Dans ce pays, nous sommes confrontés à une controverse croissante sur la question de la conversion dans les deux sens, c'est-à-dire, du côté hindou, le retour des chrétiens à leur religion dite originelle et, du côté chrétien, les appels (qui ne sont pas toujours lancés par des Indiens) à dresser la croix sur le sol indien, ou à faire en sorte qu'en 2010 tous les hindous soient convertis au christianisme. Là encore, la religion suit les schémas coloniaux et post-coloniaux. A ce propos, j'aimerais mettre en lumière l'initiative prise par le secrétariat « Jeunesse » du COE de réunir des jeunes de différents groupes religieux et pays en conflit - Israël, Palestine, Sri Lanka, Indonésie, Inde, Nigéria, Soudan - dans une pays donné, et de les inviter à préparer, en collaboration avec les fidèles d'autres religions, un « matériel national » propre à promouvoir la paix et la réconciliation entre les communautés religieuses. C'est là un très bon moyen de s'attaquer à certaines questions interreligieuses controversées dans une région ou un pays. Karin Achtelstetter : Vous venez de parler de l'initiative du secrétariat « Jeunesse ». Pouvez-vous me donner d'autres exemples concrets de dialogues interreligieux qui, aujourd'hui , contribuent à bâtir une culture de la tolérance et de la non-violence ? Hans Ucko : Il ne faut pas voir le dialogue comme une solution simple et rapide. Au coeur d'un conflit, le dialogue interreligieux a, à lui seul, bien du mal à créer une culture de la tolérance et de la non-violence. Il y a pourtant quelques situations où il a été utile, en Sierra Leone par exemple, où des gens de différentes origines religieuses ont réussi à oeuvrer à la paix au lieu d'attiser le conflit. En Inde aujourd'hui, des communautés hindoues, chrétiennes et musulmanes abordent les problèmes communautaires par le biais du dialogue interreligieux, non pas à l'échelon national, mas à l'échelon régional ou local. Et malgré tout ce qui se passe entre Israël et la Palestine, des Palestiniens et des juifs se rencontrent aujourd'hui au sein d'organisations, parfois très petites ou seulement pour des études bibliques ; ainsi, ils essaient au moins de faire en sorte que la paix soit envisagée comme une solution possible. Tarek Mitri : Dans les moments de tensions communautaires ou au plus fort de la crise, la chose la plus précieuse, ce sont les contacts par delà les limites communautaires. Ces contacts se sont noués tranquillement, dans un dialogue patient entretenu en temps de paix. Lorsque les chrétiens des Moluques cherchent des musulmans à qui parler, et que les musulmans eux aussi cherchent des chrétiens à qui parler, ce sont les précieuses relations nouées dans le cadre du dialogue interreligieux qui les aident en temps de crise. Ces relations sont utiles aussi quand il s'agit de négocier la paix civile. A ce moment, vous vous rendez compte de l'imense valeur de ce qui a été acquis durant des années de dialogue, d'amitié, de confiance et d'entente. Je ne veux pas dire par là que le dialogue interreligieux résout tous les problèmes : au départ, ces problèmes n'étaient pas d'ordre religieux et ils ne peuvent donc être résolus par la religion. Mais le dialogue participe à la solution. Hans Ucko : Souvenons-nous que le dialogue interreligieux n'est pas une ambulance. C'est une prophylaxie, en ce sens que, si nous avons été capables d'instaurer un certain niveau de confiance après des années de dialogues interreligieux, il y a des chances pour que cela soit utile en temps de conflit. Souvent, lorsque les gens demandent : « Pourquoi n'êtes-vous pas intervenus par le dialogue ? » à tel ou tel endroit, c'est en fait qu'ils attendent que le dialogue fasse l'ambulance et vienne résoudre le conflit à son paroxysme. Dwain Epps : Le dialogue interreligieux doit progresser lentement si on veut qu'il aille au fond des choses. Il doit être exploratoire. Par nature, il n'essaie pas de résoudre les tensions lorsqu'elles ont dégénéré en luttes ouvertes bien que, comme le suggèrent mes collègues, il puisse ouvrir des voies de coopération. A un autre niveau, il existe un vaste réseau de coopération interreligieuse dans de nombreuses régions du monde entre des fidèles de différentes religions qui ne participent pas forcément au dialogue interreligieux. En tant que représentants de leurs diverses communautés de foi, il sont engagés dans la quête de paix et de justice dans leurs sociétés. A l'heure où nous parlons, les conseils interreligieux de cinq pays d'Afrique de l'Ouest, qui essaient de résoudre les conflits internes, sont réunis pour examiner la situation en Guinée et en Côte d'Ivoire. Dès le début, nous avons décidé que nous ne devions pas, nous chrétiens, mener cette discussion entre nous, mais que nous devions faire appel aux connaissances, à l'expérience, à la bonne volonté, aux perceptions de la tolérance et aux travaux menés sur tous ces problèmes par des groupes interreligieux. Karin Achtelstetter : En quelques mots, expliquez-nous comment les équipes « Relations internationales » et « Relations et dialogue interreligieux » se complètent dans ce qu'elles font pour le règlement des conflits et l'édification de la paix. Dwain Epps : Depuis la création du Département du dialogue interreligieux il y a bien des années, les relations entre ce secteur d'activité du Conseil et celui qui s'occupe des affaires internationales ont plus souvent été marquées par l'opposition que par la coopération. C'est particulièrement vrai en ce qui concerne les relations entre juifs et chrétiens, au moment où nous nous sommes engagés davantage en faveur du dialogue de paix entre Palestiniens et Israéliens. Pour ce qui est du reste, le personnel des affaires internationales trouvait le dialogue interreligieux intéressant, mais un peu ésotérique. Toutefois, nous nous sommes rendu compte récemment que le monde changeait radicalement de nature. Nous savons depuis longtemps que la religion est un facteur de conflit majeur et aussi un facteur important de violations des droits de la personne. Mais, pendant des décennies, nous avons décidé, sur le conseil des personnes directement impliquées, de décrire les conflits d'Irlande du Nord, du Soudan et de bien d'autres endroits de la planète comme spécifiquement non religieux. C'est seulement autour de 1991 que nous avons commencé à reconnaître que si, auparavant, la religion était simplement un facteur aggravant, elle devenait un aspect central des conflits. C'est ainsi que l'équipe « Relations internationales » est de plus en plus souvent amenée à discuter et à coopérer étroitement avec ses collègues des Relations interreligieuses. Venant d'horizons très différents et dotés de responsabilités légèrement distinctes, nous nous efforçons de trouver les bases sur lesquelles organiser notre relation. Nous avons beaucoup progressé et nous sommes prêts à ouvrir le dialogue au sein du personnel du COE pour, ensemble, arriver à une perception plus intime de la nature des défis nouveaux qui se présentent à nous. Hans Ucko : Je pense que nous devons aussi inscrire cette réflexion dans le contexte plus large de la conception que le COE a de lui-même. Pour le COE, le monde est de plus en plus marqué par le pluralisme religieux qui est perçu à la fois comme un enrichissement et comme une source de difficultés et de conflits. Le COE devra faire son travail en comprenant bien qu'il touchera aussi les autres religions. Nous devrions utiliser les relations que nous avons réussi à nouer pour chercher les moyens de résoudre les problèmes de tout le monde, et pas seulement les problèmes des chrétiens. Dans des domaines comme la liberté religieuse, les relations entre minorités et majorité et les situations de conflit où la religion joue un rôle, nous nous complétons certainement. Il est de notre intérêt à tous de mettre en commun toutes les ressources dont nous pouvons disposer. Dwain Epps : Un autre aspect des choses qui mérite d'être mentionné est la question de l'impact de la religion sur la gestion des affaires mondiales. Cette question aussi pousse nos deux équipes et le Conseil dans son ensemble à se dépasser. Je pense en particulier à deux initiatives de portée mondiale : le Sommet des responsables religieux tenu à la veille de l'Assemblée du millénaire des Nations Unies l'an dernier, et l'initiative de Hans Küng (initiative « Weltethos »). Mais on pourrait citer une dizaine d'autres projets cherchant à apporter des réponses multireligieuses un peu simplistes, souvent de nature spirituelle ou spiritualiste, aux problèmes mondiaux qui semblent dépasser les institutions laïques, intergouvernementales et mondiales. Sur ce point, en tant que Conseil, il nous faut déterminer si nous voulons nous associer sur la même base avec les communautés qui comptent un millier de membres et avec celles qui en comptent un million, ou encore avec celles qui représentent jusqu'à un quart de la population de la planète. Comment faire pour entretenir des relations responsables et utiles dans ce nouveau monde en mutation constatante ? Quelle est la relation entre spiritualité, religion, engagement social et l'engagement des communautés humaines qui ont une identité religieuse dans le processus de conduite des affaires mondiales ? C'est là certainement un nouveau domaine de recherche sur lequel nos deux équipes doivent travailler d'arrache-pied. Hans Ucko : En effet, les difficiles questions qui se posent aujourd'hui donnent lieu à toute une série de tentatives de réponses simplistes. Il faut en être conscient. Il est d'autant plus important de commencer à travailler ensemble dès le début, afin de ne pas parler de paix et d'harmonie d'une manière spiritualiste : cela sonne très bien, mais c'est un peu comme neige au soleil : cela fond vite sans laisser grande substance. Nous devons donc aborder les diverses initiatives interreligieuses ensemble parce qu'elles surgissent de partout. Les projets sérieux - et il sont nombreux - nous disent d'« écouter, d'engager la religion à s'attaquer à quelques-uns des grands problèmes mondiaux », tandis que d'autres proposent des manières faciles et simplistes qui permettent d'éluder les vraies questions. Karin Achtelstetter : Pouvez-vous nous indiquer une région et un problème sur lequel nous devrions travailler ensemble ? Hans Ucko : Je crois que nous aurions tort de ne pas inviter l'équipe « Relations internationales » à explorer ces initiatives mondiales avec nous. Il est important que le Dialogue interreligieux et les Relations internationales abordent ensemble les aspects pertinents du problème israélo-palestinien. Nous avons parlé de l'Indonésie qui, elle aussi, présente des aspects internationaux et interreligieux. Dwain Epps : On observe un certain nombre d'ouvertures manifestes en Afrique. Ce que nous faisons au Nigéria et en Afrique de l'Ouest est solidement enraciné dans les résultats du dialogue entre chrétiens et musulmans. Il existe d'autres relations interreligieuses en Afrique de l'Ouest, surtout entre chrétiens et musulmans, qui ne sont pas forcément des produits du dialogue interreligieux du COE. Dans ces cas, nous pouvons informer nos collègues des Relations interreligieuses de ce que nous découvrons à mesure que nous abordons ces relations dans notre perspective à nous. Le Soudan est un autre cas du même type, extrêmement complexe et même controversé, y compris entre nous. Lorsque le COE jouait un rôle de médiateur dans ce pays en 1971-1972, nous étions engagés dans un processus impliquant chrétiens et musulmans. Nous avons été spécifiquement priés par le Nord et par le Sud de ne pas décrire ce conflit comme un conflit religieux, afin que les communautés religieuses puissent présenter leur conflit au monde extérieur d'une manière qui permette d'en aborder les causes profondes : le colonialisme, la pauvreté et les circonstances politiques. Nous sommes à présent dans une situation où, des deux côtés, les positions se sont radicalisées au point qu'aucune des deux parties n'est maintenant plus vraiment prête à s'engager dans un dialogue authentique. Et pourtant, nous reconnaissons que, sans un tel dialogue, l'avenir du Soudan semble bien compromis. Voilà donc un autre cas où il nous faudra collaborer étroitement afin de voir comment tire le meilleur profit de nos relations, de nos compétences, de nos connaissances et de nos forces respectives pour essayer de trouver une voie vers la paix dans un conflit qui dure depuis plus de trente ans. Karin Achtelstetter : Je vous remercie.
Le Conseil oecuménique des Eglises (COE) est une communauté de 342 Eglises. Elles sont réparties dans plus de 100 pays sur tous les continents et représentent pratiquement toutes les traditions chrétiennes. L'Eglise catholique romaine n'est pas membre mais elle collabore activement avec le COE. La plus haute instance dirigeante du COE est l'Assemblée, qui se réunit environ tous les 7 ans. Le COE a été formé officiellement en 1948 à Amsterdam, aux Pays-Bas. Le secrétaire général Konrad Raiser, de l'Eglise évangélique d'Allemagne, est à la tête du personnel de l'organisation.
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