Conseil oecuménique des Églises
Bureau de la communication
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Les Eglises se préparent pour la Conférence des Nations Unies sur le commerce illicite des armes légères |
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M. Sengulane est un évêque anglican du Mozambique, qui s'est rendu à New York pour observer les travaux d'un comité préparant la Conférence des Nations Unies sur le commerce illicite des armes individuelles et légères sous tous ses aspects. Cette conférence aura lieu cet été à New York. M. Sengulane et M. Ernie Regehr, du Canada, représentaient le Commission des Eglises pour les affaires internationales (CEAI) du COE au comité préparatoire, qui s'est tenu du 8 au 19 janvier au siège des Nations Unies. Bien qu'elles ne tuent qu'une personne à la fois, "ces armes sont légères mais font énormément de mal", comme l'ont montré les événements du Mozambique, affirme l'évêque Sengulane. Il fait remarquer que les habitants de son pays n'ont pas seulement lu des bulletins d'information ni étudié des statistiques: ils ont aussi perdu leurs parents, leurs fils et leurs filles à cause de la présence incontrôlée d'armes individuelles. Dans ses entretiens avec de hauts fonctionnaires des gouvernements, des membres du personnel de l'ONU, et des représentants d'organisations non- gouvernementales (ONG), l'évêque a pu les informer d'un projet des Eglises mozambicaines intitulé "transformer les épées en socs". La longue lutte armée pour l'indépendance a été suivie d'années de conflit interne entre les forces gouvernementales et les rebelles du Renamo. Lorsqu'enfin les combats à grande échelle ont cessé, il est resté d'immenses quantités d'armes dans le pays. Avec l'appui financier du Canada, de l'Allemagne, du Japon et d'autres pays, les Eglises du Mozambique ont donné des outils agricoles ou des machines à coudre aux personnes qui avaient remis leurs armes: ainsi, les Eglises ne parlaient pas seulement de désarmement, elles en faisaient. "Nous avons récolté plus de 100.000 armes", rapporte M. Sengulane. La police et les militaires les ont rendues inutilisables, et dans certains cas on en a créé des oeuvres d'art. "Pourquoi ne pourrait-on pas faire cela à l'échelle mondiale?" demande-t-il. L'évêque Sengulane se trouve également à la tête de l'Eglise anglicane en Angola depuis 1990. Il espère que lorsqu'un accord aura été conclu entre les forces adverses, un programme "transformer les épées en socs" semblable à celui du Mozambique pourra être mis en place en Angola.
Les armes légères: un problème national, régional et mondial Un projet de document qui sera proposé pour adoption à la Conférence des Nations Unies déclare que "les efforts régionaux, par leur nature même, sont inadaptés à la dimension mondiale du problème, puisqu'on peut se procurer des armes individuelles et légères dans le monde entier, et qu'il existe des réseaux de plus en plus transnationaux de courtiers, de fournisseurs, de financiers et de transporteurs". Le document réclame une action "aux niveaux national, régional et mondial" pour tenter de résoudre ce problème. Bien que le problème se pose dans le monde entier, le cas de l'Afrique est spécialement préoccupant. En effet, dans de nombreux conflits internes sur ce continent les combattants utilisent des revolvers, des fusils d'assaut, des mitraillettes, des lance-grenades et autres qui sont faciles à transporter et à dissimuler, même par des enfants. Lorsque les guerres civiles se terminent, il reste de grandes quantités d'armes en circulation, que les gens qui ont des comptes à régler retournent contre leurs voisins. M. Ernie Regehr, un mennonite qui dirige le "Project Ploughshares" à l'"Institute of Peace and Conflict Studies" au Canada, estime que les gouvernements des pays de l'Afrique sub-saharienne sont "fortement partisans" de l'initiative en vue d'une action internationale sur la question, tandis que les pays de l'Union européenne sont "en général favorables". Le comité préparatoire de janvier, de même que le précédent, et le troisième qui se réunira du 19 au 30 mars, ont été chargés de préparer un document pour examen et décision, qui sera présenté à la Conférence elle-même, organisée à New York du 9 au 20 juillet. Le COE et les ONG avec lesquelles il collabore espèrent que la Conférence des Nations Unies publiera une déclaration reconnaissant l'urgence du problème, adoptera un plan d'action "qui donne une crédibilité à la déclaration", et prévoira un processus permettant de poursuivre l'étude du problème. Selon M. Regehr, un élément crucial sera le niveau des ressources allouées à l'exécution du programme.
Coopération avec les ONG sur la question des armes légères Les membres de l'IANSA ont publié une déclaration conjointe avant le second comité de préparation, ainsi qu'une réponse au projet de Programme d'action. Ils ont fait remarquer que "les armes légères sont maintenant les armes principalement utilisées dans la plupart des conflits sévissant dans le monde", et que ce sont les membres les plus vulnérables de la société qui en sont souvent les victimes; les auteurs de la déclaration affirment également que les femmes ne constituent qu'un petit pourcentage des utilisateurs de ces armes, mais "une proportion importante des victimes". En complément du travail du COE avec l'IANSA, Salpy Eskidjian, membre de l'équipe "Relations internationales" du COE chargée des questions de consolidation de la paix et de désarmement, coordonne un Réseau oecuménique contre les armes légères. Le COE a organisé l'an dernier deux colloques régionaux sur la question - l'un au Brésil et l'autre au Kenya. Ernie Regehr a assisté à celui du Brésil, et participera à un troisième, prévu pour avril en Afrique occidentale et australe. Il se joindra également à la délégation du COE au troisième comité préparatoire en mars et à la Conférence des Nations Unies elle-même. Toutes ces démarches s'inscrivent dans le cadre d'un programme plus vaste, qui témoigne des préoccupations du COE. Lors de sa 8e Assemblée à Harare, le COE avait décidé de déclarer les années 2001 à 2010 Décennie "Vaincre la violence". La DVV a été lancée officiellement le 4 février à Berlin.
Obstacles au progrès D'autres pays désirent également réduire la portée des propositions visant à limiter les ventes d'armes légères. Selon Ernie Regehr, la Chine oppose "une forte résistance", et insiste pour que la conférence des Nations Unies ne considère que les armes "illicites ", c'est-à-dire celles qui sont vendues en contravention à la loi. Mais d'autres pays ont réussi à faire ajouter au titre de la Conférence les mots "sous tous ses aspects", afin d'ouvrir la discussion sur les pratiques considérées étant comme licites et celles jugées illicites, indique M. Regehr. Pendant ce temps, des négociations sont en cours à Vienne pour essayer de résoudre le problème des armes utilisées à des fins criminelles. Ce Protocole contre la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, sera additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée. M. Regehr explique que certains pays avertissent des dangers qu'il y aurait à entraver le "processus de Vienne". Pour lui, il s'agit d'une excuse pour bloquer toute action réellement importante à la conférence de New York en juillet. Le projet de document que la Conférence examinera obligerait les gouvernements à "mettre en place une législation nationale , des règlements administratifs et des conditions d'autorisation appropriés, définissant les conditions sous lesquelles des armes individuelles et légères peuvent être acquises, utilisées, vendues et achetées par des personnes privées". Et aux termes du plan proposé, les gouvernements devraient "soumettre des rapports annuels sur les progrès " faits vers la réalisation des engagements qu'ils auront pris. M. Regehr prédit que le document sera "édulcoré" avant le mois de juillet, mais pense que la Conférence invitera probablement les gouvernements à accepter un degré d'obligation de maîtriser la prolifération actuelle d'armes légères, et d'instituer un mécanisme d'examen de leur action. Tout en soulignant l'importance d'une action gouvernementale, M. Regehr estime qu'étant donné la manière dont les armes légères sont distribuées à l'échelon local, il faudra beaucoup plus que des négociations sur les principaux systèmes de circulation d'armes pour éliminer ce problème, et que la société civile s'implique bien davantage dans ces efforts. C'est pourquoi il faudra que les Eglises s'engagent plus activement et travaillent plus énergiquement à rallier leurs membres à cette cause, déclare-t-il en conclusion.
Le Conseil oecuménique des Eglises (COE) est une communauté de 342 Eglises. Elles sont réparties dans plus de 100 pays sur tous les continents et représentent pratiquement toutes les traditions chrétiennes. L'Eglise catholique romaine n'est pas membre mais elle collabore activement avec le COE. La plus haute instance dirigeante du COE est l'Assemblée, qui se réunit environ tous les 7 ans. Le COE a été formé officiellement en 1948 à Amsterdam, aux Pays-Bas. Le secrétaire général Konrad Raiser, de l'Eglise évangélique d'Allemagne, est à la tête du personnel de l'organisation.
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