Le samedi 2 septembre, une troupe de ballet associée au Conseil oecuménique des Eglises (COE) présentera un spectacle de danse sur le thème « vaincre la violence ». Ce ballet, qui sera donné en création mondiale à l’EXPO 2000 de Hanovre, Allemagne, raconte l’histoire d’une campagne qui a débuté en 1997, quand les initiatives pour la paix lancées dans sept villes -- Rio de Janeiro, Brésil ; Belfast, Irlande du Nord ; Boston, Etats-Unis ; Colombo, Sri Lanka ; Durban, Afrique du Sud ; Kingston, Jamaïque, et Suva, Fidji -- ont uni leurs efforts dans le cadre de la campagne « Paix dans la ville ».
Avec les membres du Marzia Milhazes Dança Contemporânea et du Trio Aquarius, la productrice de « Paix dans la ville » Lusmarina Campos Garcia a créé un spectacle de danse dynamique de 40 minutes qui incite les Eglises et la société civile à se pencher sur les manifestations de violence dans divers contextes partout dans le monde.
Karin Achtelstetter s’entretient de cette production avec la théologienne et artiste brésilienne Lusmarina Campos Garcia.
KA : « Paix dans la ville » devient musique et danse ! A-t-il été difficile de créer un spectacle de ballet sur le thème d’une campagne ?
LCG: L’important, c’est de comprendre la campagne et de se laisser fasciner par elle. Il faut savoir comment et pourquoi elle est née, pourquoi elle continue à se développer. Il faut imaginer les visages et les corps des personnes qui lui ont donné vie, écouter les histoires qu’elle raconte, se mouvoir à son rythme. Il faut se mettre au diapason des espoirs et des efforts concrets qui montrent comment on pourrait réaliser ses objectifs. Il faut se plonger dans l’« esprit » de la campagne, et trouver un langage propre à l’exprimer et à le révéler.
Quel a été le plus grand défi pour vous ?
Le langage. Trouver un langage propre à transmettre le thème central de la campagne a été un grand défi : il faut prendre en compte différentes cultures, langues et visions cosmiques, se montrer à la fois local et universel... Comment trouver un langage qui touche les gens et les peuples, en rapport avec l’Eglise ou en dehors d’elle ? Comment trouver une forme d’expression qui ne soit pas bloquée par le langage parlé, les coutumes ou l’esthétique locale et qui touche les gens au plus profond de leur être ?
L’art offre cette possibilité. Mais quel art ? Quand nous avons commencé à réfléchir à ce projet, nous avons pensé au théâtre. Mais le théâtre a besoin du langage parlé. Et nous voulions parcourir le monde ! La traduction n’était pas une solution. C’est pourquoi nous avons opté pour un art qui, en principe, n’a pas besoin de traduction : la musique et la danse.
Le second défi a été de trouver un langage qui soit reconnu comme partie intégrante de la campagne mais qui, en même temps, apporte des éléments nouveaux. Je pense à l’objectivité et à la subjectivité, au souci d’être littéral et à la liberté de ne pas l’être. Comment faire en sorte que l’expérience des villes partenaires soit bien là, reconnue comme telle, mais en même temps que l’oeuvre d’art ne se borne pas à la reproduire littéralement ?
Je pense que nous avons établi un bon équilibre. La musique -- parfois légère et enjouée -- traduit l’aspect plus littéral et objectif au sens où elle fait appel aux rythmes des sept villes partenaires sous forme de suite. La chorégraphie est plus subjective et beaucoup moins littérale par rapport à la campagne. Elle présente des mouvements et des images qui reflètent les tensions inhérentes aux processus de paix, mais aussi les résurrections qui se produisent au coeur même de la violence.
Qui souhaitez-vous toucher ?
Je veux toucher les gens qui sont sensibles à la paix et à l’art -- les gens qui, dans l’Eglise ou en dehors d’elle, croient en la possibilité de reconstruire les relations brisées et les réalitées fragmentées. Les jeunes, les adultes, les personnes âgées, les adolescents, les enfants, les hommes, les femmes -- des gens qu’il ne serait peut-être pas possible d’atteindre par les livres, les conférences, les discours... J’aimerais rendre à l’Eglise la possibilité de communiquer avec la communauté locale par l’art et, ainsi, l’aider à se rapprocher de sa propre culture. J’aimerais aider les gens qui pensent que l’Eglise s’exprime de manière inadéquate, irréaliste et ennuyeuse à changer d’avis ! J’aimerais rassembler les gens qui, sans cela, auraient du mal à se trouver ensemble quelque part -- que ce soit dans une salle, une église ou un théâtre.
Quel est le message du ballet « Paix dans la ville » ?
Le message est simple : il existe des moyens de reconstruire les relations et les vies brisées des gens. Les gens, de quelque côté qu’ils se trouvent dans un conflit, peuvent trouver des espaces où communiquer. Nous devons découvrir et créer de tels espaces là où nous sommes. L’art peut être un autre moyen d’établir des liens entre les gens. Il nous rend capables de nous libérer des espaces formels qui exigent souvent des négociations difficiles. La paix est possible dans la mesure où nous sommes prêts à bouger. La paix est possible dans la mesure où nous pouvons être créatifs et oser des manières différentes de l’établir et de l’exprimer. La paix est viable... et incroyablement belle.
Le fait de créer une production musicale dansée pour le Conseil oecuménique des Eglises a-t-il quelque chose de particulier ?
Presque tout est différent ! C’est la première fois que le Conseil oecuménique des Eglises s’ouvre à un tel projet. Tous ceux qui y sont impliqués apprennent ce que signifie la mise en place d’une production artistique professionnelle. Nous assimilons de nouveaux mots et de nouveaux concepts ; nous prenons conscience, par exemple, que le corps est l’instrument d’expression du danseur. Nous sommes confrontés à un vocabulaire et à des concepts théologiques et religieux qui nous sont peu familiers.
Pour moi, le dialogue entre la théologie et l’art est une expérience tout à fait nouvelle -- dialogue entre un monde où le mot parlé constitue la principale forme d’expression et un autre monde où on peut pratiquement se passer du mot parlé. Le fait de créer une oeuvre issue d’un monde qui continue souvent à voir le corps comme le lieu du péché est aussi une expérience inédite ! Un thème difficile, mais stimulant.
Pour terminer, j’aimerais dire que, pour une Brésilienne comme moi, il est tout à fait extraordinaire de voir le Conseil oecuménique des Eglises apprendre à danser ! Je vois là une sorte de rédemption de ma propre culture et d’autres -- des cultures qui, historiquement, ne se sont intégrées que partiellement (pour autant qu’elles l’aient fait !) dans le monde religieux et théologique des Eglises chrétiennes.
Je suis fermement convaincue que les Eglises membres du COE dans le monde ont l’occasion d’ouvrir une nouvelle voie de communication avec des gens auprès desquels elles n’auraient normalement pas accès. Elles s’initient à une nouvelle forme d’expression grâce à laquelle le message d’amour et de paix est reçu et compris. Que le Conseil oecuménique des Eglises en soit félicité !
Souhaitez-vous accueillir une représentation de « Paix dans la ville » dans votre ville ou votre région ?
Pour toutes informations, adressez-vous à
Sara Speicher
Equipe « information » du COE
Vous trouverez des photos du spectacle ainsi qu’un résumé du projet sur le site web du COE: http://www.wcc-coe.org/wcc/dov/dance-f.html
La campagne « Paix dans la ville » s’est terminée lors de l’Assemblée du COE en 1998 et poursuit ses activités dans le cadre d’un réseau auquel, à ce jour, dix villes du monde se sont associées :
Belfast, Irlande du Nord,
Bethléem, Cisjordanie
Boston, Etats-Unis
Brunswick, Allemagne
Colombo, Sri Lanka
Durban, Afrique du Sud
Kingston, Jamaïque
Rio de Janeiro, Brésil
Suva, Fidji
Tuzla, Bosnie