8e assemblee & cinquantenaire du coe

FESTIVAL DE LA DÉCENNIE

27 - 30 novembre 1998
Belvedere Technical Teachers College
Harare, Zimbabwe

LA FIN DE LA DECENNIE OECUMENIQUE DES EGLISES SOLIDAIRES DES FEMMES (1988-1998): UN FESTIVAL POUR "ROULER LA PIERRE"
Communiqué de Press No 1 - 28 novembre 1998

Le Festival de la Décennie oecuménique des Eglises solidaires avec les femmes se tient actuellement à Harare (Zimbabwe) et se prolongera jusqu'au 30 novembre, précédant de quelques jours l'ouverture de la huitième Assemblée du Conseil oecuménique des Eglises (COE). C'est en janvier 1987 que celui-ci avait décidé d'organiser cette décennie oecuménique dans le but de donner la priorité à la réflexion sur la condition de la femme dans l'Eglise et la société. A l'époque, le relatif échec de la Décennie des Nations unies pour la femme (1975-85) avait suscité le désir d'explorer de nouvelles voies et de tenter une démarche spécifique en direction des Eglises. Constatant que la place de la femme dans l'Eglise était le plus souvent à l'image de celle qu'elles occupent dans la société, les responsables du programme Femme du COE eurent la conviction que les Eglises se devaient de prendre le relai de cette longue marche qui veut redonner à la femme toute la plénitude de sa condition humaine.

Comparant la libération des femmes au déplacement de la pierre qui avait scellé l'entrée du tombeau vide, elles appelèrent les Eglises à "rouler la pierre". On se souvient en effet que, revenant annoncer aux hommes que la pierre avait été déplacée et que le tombeau de Jésus était vide, les femmes se heurtèrent à autant de sarcasmes que de septicisme.

Cliquer sur

Lettre à la Huitième Assemblée du COE de la part des femmes et des hommes du Festival de la Décennie: DE LA SOLIDARITE A LA RESPONSABILITE

Communiqué no. 2: La théologie, une affaire trop sérieuse pour être confiée seulement aux hommes

Communiqué no. 3: La force tranquille des femmes africaines

Communiqué no. 4: Femmes de toutes les Eglises, unissez-vous


PHOTOS du Festival


La Décennie oecuménique est en fait l'aboutissement d'un engagement de longue date du COE en faveur de la condition féminine. Suite à une enquête menée dans une soixantaine de pays, un rapport considéré comme novateur avait été consacré à la place de la femme dans les Eglises et avait été présenté lors de la première Assemblée du COE, à Amsterdam, en 1948. Lors de son Assemblée de 1983, à Vancouver - qui comptait plus de 30% de femmes parmi les délégués, - le COE avait décidé que la question féminine devait être considérée comme partie intégrante des activités de tous ses départements.

En décidant de cette Décennie oecuménique, ses organisatrices s'étaient donné pour but de "donner aux femmes le moyen de s'opposer aux structures oppressives de la communauté mondiale, de leurs pays et de leurs Eglises". Il s'agissait aussi d'affermir la contribution décisive qu'elles apportaient à la vie de ces Eglises et d'encourager celles-ci à entreprendre des actions de solidarité avec les femmes.


En 1993, cinq ans après son lancement, un gigantesque travail d'enquête et de recension a été engagé pour faire le point sur l'état d'avancée de la décennie. Près de 75 équipes ont alors visité 330 Eglises, 68 Conseils nationaux et 650 groupes et associations de femmes.

Le rapport de ses visites - que l'on peut lire dans "Lettres Vivantes" publié par le COE - présente une situation particulièrement contrastée. Tout en faisant le constat très positif de la participation active des femmes dans la vie des Eglises - " Sans elles, la vie s'arrêterait net !" -, le rapport constate par ailleurs que la pierre n'a encore que fort peu roulé : la place faite à la femme dans les Eglises reste secondaire, voire marginale dans certaines de leurs instances. Pire, les Eglises sont le lieu de situations tout à fait inadmissibles dont on pourrait les croire à l'abri : violences physiques mais aussi sexuelles, mépris et humiliation, mises à l'écart délibérées, autant d'actes particulièrement graves commis par des hommes, laïcs, prêtres ou pasteurs ! Une séance du festival sera tout particulièrement consacrée à ce fléau.

Le rapport fait aussi largement état des injustices de toutes natures faites aux femmes à l'image de celles auxquelles elles ont à faire face dans leur vie familiale, sociale et professionnelle qui les confinent le plus souvent dans les tâches ingrates, peu qualifiées et sans perspectives, moins bien rénunérées à qualification égale.

Bien que la Décennie ait fait apparaître davantage les nombreux obstacles qui subsistent que les avancées qui permettront un jour aux femmes et aux hommes de vivre dans un même esprit leur condition d'enfants de Dieu, il semble déjà acquis que le Festival marquera autant la fin d'une grande campagne de sensibilisation que le début d'une nouvelle ère plus audacieuse et plus imaginative. La Décennie n'aura fait que l'inventaire de la question. Aux femmes... et aux hommes, de la résoudre à la lueur de l'espérance qui les fait vivre. Pour Aruna Gnanadason, coordinatrice du programme Femme du COE: "Les pierres sont toujours là. Mais nous en sommes à une étape tout à fait différente: les femmes courent vers la chambre haute pour appeler les hommes à la conversion."


LA THEOLOGIE, UNE AFFAIRE TROP SERIEUSE POUR ETRE CONFIEE SEULEMENT AUX HOMMES
Communiqué de Press No 2 - 29 novembre 1998

"Malgré tout ce que nous devons entendre et parfois supporter, nous savons que nous sommes bénies !" Théologienne américaine, Ada Maria Asasi Dias a l'habitude des sarcasmes et des sourires entendus lorsqu'elle parle de "théologie féministe". Loin de se décourager, elle continue de penser, aujourd'hui plus qu'hier, que cette nouvelle approche théologique va de soi et que les réactions négatives qu'elle suscite ne sont dues qu'au poids des habitudes et des traditions : la théologie, et plus particulièrement la théologie systématique et fondamentale, serait une affaire d'hommes.

Face à cette pesanteur dogmatique, Ada M. Dias propose une définition de la théologie féministe dont on voit mal comment, ainsi définie, on pourrait en contester le bien fondé tant elle paraît simple et dépourvue d'arrière-pensée : une théologie pensée et élaborée par des femmes qui cherchent à formuler leur foi à partir de leur condition de femme. "Plus que de nous attacher à une explication des dogmes du passé, nous souhaitons réfléchir à ce que nous croyons réellement et à ce que nous vivons aujourd'hui, en tant que femmes, c'est à dire en tant qu'êtres humains et créatures de Dieu." C'est sans doute cette attitude délibérée de mettre l'accent sur la vie plus que sur le savoir accadémique qui vaut aux théologiennes féministes d'être accusées par certains de leurs collègues hommes de ne pas passer suffisament de temps dans les bibliothèques et de pas être assez savantes pour prétendre se mêler de réflexions dogmatiques. "On nous prend pour des activistes ignardes et notre théologie n'est pas prise au sérieux dans les facultés " constate Ada M. Dias qui n'en garde pas moins une belle assurance de... théologienne ! Nul doute que sa participation au Festival de la Décennie des Eglises solidaires des femmes l'aura confortée dans sa conviction que la théologie, plus que d'être une affaire d'hommes ou de femmes, ne peut se dispenser d'une réflexion sur la réalité de la vie telle qu'elle est, et non telle qu'elle est supposée devoir être.

A cet égard, les témoignages de quatre autres femmes ont montré à quel point la réflexion théologique pouvait être parfois si éloignée de cette réalité pourtant bien vivante. Le seul récit d'Anne Smith suffirait à le montrer. Fille d'un pasteur anglican canadien qui abusa d'elle pendant de nombreuses années, elle vécut un véritable calvaire dans une soumission totale. Lorsqu'il se rattacha à une Eglise charismatique, ce pasteur indigne l'obligea à le suivre dans sa nouvelle communauté tout en poursuivant ses sévices, jusqu'au jour où il lui imposa un mari. Ou encore le témoignage de Rebecca Alman, catholique de Papouasie-Nouvelle-Guinée, qui fit un jour un beau mariage et qui, les années passant, dût subire les violences de son bien-aimé devenu brutal et alcoolique. Comble de l'injustice, parce qu'elle demanda le divorce, elle fut interdite de communion dans son Eglise : "Et cela fait vingt ans que ça dure !"

Autres femmes, autres témoignages : celui d'Olivia Juarez de Gonzales, qui dénonce avec force les terribles discriminations que doivent subir les femmes indigènes en Amérique latine. Exploitées dans leur travail, brutalisées et violentées par des patrons sans scrupules, il ne leur reste qu'à prendre la porte le jour où leur vient l'idée de se plaindre et de réclamer leurs droits. Ou encore celui de Susan Adams, prêtre anglicane de Nouvelle-Zélande qui a été poussée à démissionner de son Eglise parce qu'elle en contestait les structures et le fonctionnement. Autant d'exemples que l'on pourrait multiplier et qui montrent que les Eglises vivent parfois une étrange conception de la dignité et de la condition de femme. Triste image de l'homme.

Invité à commenter ces cinq témoignages, le pasteur Konrad Raiser a d'abord insisté sur l'absolue nécessité de ne pas cacher cette maladie honteuse qui sévit dans toutes les Eglises. "Par ailleurs, a-t-il ajouté, il ne faut jamais admettre que l'on justifie, quelles qu'en soient les raisons, de telles violences et de telles indignités." Pour le secrétaire général du Conseil oecuménique des Eglises (COE), la violence à l'encontre des femmes est l'expression d'une culture masculine que les Eglises ont trop longtemps cautionné. Mais ne sont-elles pas en même temps le lieu le plus apte à remettre en cause cette apparente fatalité et à oeuvrer en faveur d'une réconciliation entre hommes et femmes ? C'était bien l'un des buts que s'était fixé la Décennie oecuménique que "d'aider les Eglises à se débarasser du racisme, du sexisme et de l'esprit de classe ainsi que des enseignements et pratiques discriminatoires l'égard des femmes".


LA FORCE TRANQUILLE DES FEMMES AFRICAINES
Communiqué de Press No 3 - 1 décembre 1998

Hier berceau de l'humanité, aujourd'hui berceau de la misère. Continent de toutes les détresses, l'Afrique n'en finit pas de faire entendre ses cris de douleur. "Assez, assez ! Assez !" les femmes africaines ne comprennent pas pourquoi, il y a bien longtemps, leur continent se suffisait à lui-même. Preuve en est que, sans l'aide de personne sinon de Dieu, l'humanité y vit le jour. Et c'est sur cette terre bénie qu'elle y fit entendre son premier cri. Mais ce cri était celui d'un premier né qui s'impatiente déjà à l'idée de grandir sur ce continent. C'était il y a longtemps. De nos jours, le cri que l'on entend est celui d'un innocent que l'on massacre.

"Assez, assez." Tout au long de la soirée consacrée à l'Afrique, le Festival de la Décennie des Eglises solidaires des femmes s'est fait l'écho de tous ces cris, de tous ces pleurs, de tous ces témoignages de femmes qui sont venues dire qu'elles n'en peuvent plus. Qu'elles n'en peuvent plus d'attendre. Qu'elles ne veulent plus attendre. Et qu'elles n'attendront pas parce qu'elles ont décidé de prendre les choses en main. Trop longtemps, elles ont cru ce qu'on leur avait doctement expliqué, à elles les femmes : qu'il était temps, maintenant, que leur terre primitive s'adapte à la civilisation. Et que tout irait mieux. - Ah bon, parce que ça n'allait pas bien ?

"Mais tout compte fait, qui a profité de la civilisation ? Et puis qu'est-ce que c'est que cette histoire de dette qui ne nous concerne pas. On n'a rien emprunté du tout... Vous n'avez pas compris ce que veut dire "agencement structurel" ? C'est simple, ça consiste à ne plus payer les petits fonctionnaires dont la petite solde faisait vivre la petite famille." Et puis il y a la grand-mère qui écoute et qui demande: "Qui est cette madame Banque Mondiale dont tout le monde parle. Je ne la connais pas. De quelle village est-elle ?"

Avec leurs enfants, les femmes africaines sont les premières victimes de la détresse du continent africain. Victimes de la guerre, de la crise, de la famine. Victimes de la violence des hommes. Femmes, les déléguées africaines du Festival de la Décennie oecuménique le sont. Elles sont aussi tenaces que riantes, obstinées. Elles ont une foi à relever un continent, à le tirer du gouffre dans lequel il est en train de sombrer - c'est drôle, on l'a pourtant tellement allégé des richesses de sa terre et de son sous-sol. Et c'est pour ça qu'elles chantent. Et qu'elles dansent. C'est pour ça qu'elles prient. Entre louanges et prières, les femmes se succèdent à la tribune bigarrées du Festival. Femmes du Sud-Soudan qui se meurt. Femmes de Madagascar, si discrètes, mais si dignes aussi. Femmes du Zimbabwe, si pacifiques, si accueillantes.

Femmes d'Afrique, toutes ensemble, elles chantent: " Dieu est mon refuge lorsque les difficultés surgissent. Dieu, qui est mon refuge assuré, me mettra à l'abri et je ne craindrai pas. Car Dieu m'élèvera sur un rocher. Et je serai tranquille..." Chaque matin qui se lève, les femmes africaines se mettent en chemin. D'un pas décidé, elles s'en vont puiser à la source des psaumes.


FEMMES DE TOUTES LES EGLISES, UNISSEZ-VOUS
Communiqué de Press No 4 - 1 décembre 1998

Communiqué de Press No 4 - 1 décembre 1998

"A vous les Eglises de la VIIIe assemblée du Jubilé, nous vous demandons solennellement de déclarer scandale contre la Divinité la pauvreté et toutes conséquences déshumanisantes... Nous tenons fermement à l'élimination de toute violence, en particulier celles qui affectent la vie et la dignité des femmes..." A deux jours de l'ouverture de l'Assemblée du Conseil oecuménique des Eglises (COE), les mille participantes du Festival de la Décennie des Eglises solidaires des femmes ont décidé de s'adresser directement aux déléguées de cette assemblée qui doit se tenir dans la même ville de Harare (Zimbabwe), du 3 au 14 décembre. C'est donc sous la forme d'une lettre que se présente le message final de ce Festival particulièrement haut en couleur. On retiendra plus particulièrement de ces quatre journées de fête l'extraordinaire témoignage des femmes qui, dans leurs Eglises et la société, tentent d'apporter au monde un message de grâce, de miséricorde et de paix là où, trop souvent, et notamment en Afrique, règnent la violence, la misère et la désespérance.

"Maintenant que nous sommes parvenues à la fin de ce long parcours, nous devons admettre que la Décennie des Eglises solidaires des femmes est en fait devenue une Décennie des femmes en solidarité avec les femmes." Bien que contesté par certaines déléguées, ce constat est l'un des principaux enseignements de ce Festival. Le préalable à toute solidarité des Eglises en leur faveur passe incontestablement par la solidarité des femmes entre elles. Constatant la faillite du système actuel dont les hommes portent une large part de responsabilité, les femmes, premières victimes d'une situation dont elles ne sont pas responsables, sont bien décidées à prendre leurs affaires en main: "Ensemble, nous nous sommes souvenues que la règle de celles qui nous ont précédées n'était autre qu'une spiritualité qui ne baisse jamais les bras." Loin de vouloir appeler leurs consoeurs à un combat contre les hommes, les festivalières entendent rappeler à ces derniers que l'exclusion sociale dont elles sont victimes, ou en tous cas le manque de place qui leur est faite dans les Eglises et la société n'est sans doute pas pour rien dans l'absence d'espérance qui pèse actuellement, et cruellement, sur le monde.

La pleine et entière participation des femmes à la vie de l'Eglise - l'Eglise au sens large du terme - est l'une des principales conditions à toutes formes de solidarité. A cette fin, la lettre du festival demande au COE et à ses Eglises membres de donner une priorité à tous les projets susceptibles de faire avancer la cause des femmes, que cela concerne l'éducation et la formation mais aussi la remise en cause des structures ecclésiales, de leurs habitudes comme de leurs langages.

Avec la même fermeté, la lettre du Festival de la Décennie oecuménique recommande aux Eglises de donner la même priorité à deux autres domaines. Celui d'abord de la violence à l'égard des femmes, actes insensés dont on pourrait croire les Eglises à l'abri et que, comble de l'injustice, il leur arrive de couvrir ou d'excuser. Celui également de l'injustice économique et de la pauvreté. Témoins privilégiées de tant de situations de détresses sociales, les femmes ont tenu à rappeler aux Eglises leur indispensable engagement dans la lutte contre toute forme de pauvreté matérielle et morale. La lettre suggère au COE de s'associer au programme de la Décennie des Nations unies de l'éradication de la pauvreté promulgué en 1997 et devant se prolonger jusqu'en 2007.

A la lettre du festival au COE, est jointe une déclaration s'adressant tant aux responsables d'Eglises qu'aux hommes, aux femmes et aux jeunes de l'Assemblée. Les quelques hommes participants au Festival ont, eux-aussi, souhaité s'adresser à leurs confrères de l'assemblée : " Nos soeurs dans la foi ont brisé le silence, et la réalité de nos actes est devenue visible aux yeux de toutes et de tous. Cependant, au sein de cette réalité, nous ne sommes pas accueillis par des plaintes ou des reproches, mais bien par une invitation chaleureuse à vivre en plénitude la liberté qui nous est offerte à toutes et à tous, par Dieu en Christ."

Lors de sa séance du lundi 7 décembre, l'Assemblée du COE prendra connaissance de cette lettre et pourrait, à son tour, adopter une importante déclaration à son sujet.


Huitième Assemblée et Cinquantenaire
Droits d'auteur 1998 Conseil Oecuménique des Eglises. Pour toute remarque concernant ce site: webeditor