Avec
tous les changements intervenus au cours des cinquante dernières années, les grands
rassemblements mondiaux servent-ils encore à quelque chose ? Pourrait-on d'une
manière ou d'une autre renoncer à ces grandes réunions regroupant des gens du
monde entier, qui sont coûteuses et souvent difficiles à gérer ? Est-il encore
vraiment nécessaire que le Conseil oecuménique des Eglises tienne une
Assemblée?
Je pense que oui. Aux termes de la Constitution du COE, les délégués élus
par les Eglises membres doivent se réunir en Assemblée tous les sept ans pour
élire un Comité central, examiner comment les grandes orientations adoptées par
la précédente Assemblée ont été suivies, et établir les
orientations futures.
C'est là une réponse constitutionnelle et, pour exacte qu'elle soit, je ne la trouve
guère satisfaisante. Il se peut en effet que notre Constitution, qui date de 1948, n'ait pas
évolué avec son temps.
Mais il est une deuxième réponse devant laquelle on est obligé de s'incliner. Elle
fait suite à la proposition de ne plus organiser d'Assemblées, formulée dans le
cadre de la récente étude sur La conception et la vision
communes du COE.
Les Eglises membres l'ont rejetée à la quasi-unanimité. Beaucoup d'entre elles
considéraient en effet que l'Assemblée touchait à la véritable raison
d'être du Conseil oecuménique. "C'est lors de l'Assemblée," a
déclaré un responsable d'Eglise, "qui exprime dans la célébration et la
prière la communion, encore imparfaite certes mais pourtant bien réelle entre des
chrétiens du monde entier, que nous sommes le plus près de vivre concrètement
l'unité visible des Eglises."
A en juger par le nombre de réactions que nous avons reçues, il est clair que le
désir exprimé à Amsterdam de se rassembler pour donner un signe visible de
l'unité chrétienne demeure une motivation fondamentale pour les Eglises membres qui
se réuniront en Assemblée à la fin de l'année.
Le culte
Pour beaucoup de gens, les services oecuméniques
célébrés pendant une Assemblée sont un avant-goût de l'unité
chrétienne telle qu'ils la conçoivent ou l'espèrent. Deux semaines durant,
l'Assemblée devient une communauté mondiale réunie dans la
célébration; elle utilise des cantiques et des prières de nombreuses traditions
différentes et des symboles qui transcendent les barrières de langues. Cette
communauté fait l'expérience de la liberté, franchissant les frontières
culturelles, confessionnelles et linguistiques qui caractérisent généralement le
culte de la communauté locale.
"L'Assemblée a changé ma vie!": on entend souvent ce commentaire de la part d'anciens
délégués, observateurs ou visiteurs, qui insistent beaucoup pour que d'autres
puissent vivre ce même type d'expérience.
La diversité
En plus d'être une expression visible de l'unité chrétienne,
l'Assemblée incarne la riche diversité des Eglises du monde. Cela n'a pas toujours
été le cas. La longue procession d'hommes blancs et d'âge respectable pour la
plupart, revêtus de leur habit ecclésiastique qui entraient d'un pas solennel dans la
cathédrale d'Amsterdam en 1948, contraste singulièrement avec l'extraordinaire
diversité de gens de tous pays et de toutes cultures, le grand nombre de femmes et de jeunes
que l'on rencontrera à Harare.
Cette diversité peut
parfois sembler chaotique. Il en est peut-être même qui regrettent l'époque de la
"théologie Auniverselle", où des spécialistes réputés parlaient avec
autorité au nom de tous. C'est ainsi que vingt-quatre éminents théologiens
travaillèrent pendant trois ans à l'élaboration du document préparatoire de
l'Assemblée d'Evanston (1954). Beaucoup plus nombreuses sont les voix auxquelles nous
devons aujourd'hui être attentifs! |
Evanston 1954
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Grâce à leur extrême diversité, les
Assemblées du COE permettent à toutes les Eglises membres du monde
d'échanger leurs points de vue comme jamais auparavant. Compter au sein d'un même
groupe d'étude biblique un prêtre orthodoxe copte, un pasteur pentecôtiste
péruvien, un enseignant laïc coréen et d'autres encore venus chacun d'un
contexte très particulier et ayant chacun une expérience unique, c'est découvrir la
richesse qu'il y a à lire la Bible avec le regard de l'autre. Tout le monde sort transformé
d'une telle rencontre. Personne n'occupe plus le "centre" ni ne détient plus toute la
vérité. Chacun en vient à comprendre le besoin qu'il a de l'autre pour parvenir
à une connaissance plus pleine de Dieu.
A chaque Assemblée
son symbole
Les récents et nombreux appels lancés en faveur du maintien des
Assemblées du COE sont aussi une reconnaissance de l'influence qu'elles ont exercée au
fil des années. Les villes où elles se sont tenues - Amsterdam, Evanston, La
Nouvelle-Delhi, Upsal, Nairobi, Vancouver, Canberra - s'inscrivent dans l'histoire
oecuménique comme autant de jalons de la réflexion sur tel ou tel point de la
pensée chrétienne ou comme autant de rappels des décisions que les Eglises ont
pu prendre ensemble dans la foi.
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La Nouvelle Delhi 1961
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Upsal 1968
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L'Assemblée d'Upsal, par exemple, est indissociablement
liée à la lutte contre le péché du racisme et au lancement du Programme de
lutte contre le racisme. L'image qui restera associée à l'Assemblée de Vancouver
en 1983 est celle de la tente des cultes, qui symbolise parfaitement la place centrale que le culte y a
occupé, comme il continue de le faire aujourd'hui dans la quête incessante de
l'unité. C'est sous la tente rayée de Vancouver que, pour la première fois lors
d'une Assemblée, l'archevêque de Cantorbéry a célébré
l'eucharistie selon la liturgie de Lima. Celle-ci était née d'un document historique qui
résume le large consensus sur les trois questions du baptême, de l'eucharistie et du
ministère qui ont divisé les Eglises à travers les siècles.
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Nairobi 1975
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Vancouver 1983
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Canberra 1991
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L'Assemblée sur Internet
Les nouvelles techniques de communication et les nouveaux réseaux de
l'information, dont certains craignaient qu'ils n'enlèvent leur sens aux Assemblées,
contribuent au contraire à les rendre plus efficaces. Aujourd'hui la préparation d'une
Assemblée, à chacun de ses stades, peut être beaucoup plus participative et
interactive. Partout dans le monde, grâce aux nouveaux réseaux de l'information, on
voit se créer de plus en plus de groupes d'étude locaux qui se penchent sur les
conséquences à la base des problèmes mondiaux.
L'Assemblée n'est plus seulement une grande manifestation organisée dans un pays
lointain à laquelle seuls quelques représentants se rendent. Elle peut être
intégrée dans la vie de l'Eglise car la diffusion des documents, l'échange des
expériences et la communication entre les groupes de discussion sont plus faciles. Cette
année, ceux qui ont accès à Internet pourront suivre l'Assemblée au jour le
jour en consultant le site Web du COE.
Etes-vous convaincus?
Les Assemblées sont-elles encore nécessaires? Le Conseil
oecuménique des Eglises leur a-t-il trouvé des solutions de remplacement?
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Rien d'autre à l'heure actuelle n'offre aux
Eglises le même champ d'expérience, capable de transformer leur vie ou de stimuler une
aussi large réflexion théologique. Rien d'autre ne leur offre encore une expression aussi
claire et visible de l'unité qu'elles recherchent. Ce que l'archevêque William Temple a
appelé un jour le "grand fait nouveau de notre temps" trouve encore aujourd'hui son
expression la plus pleine à l'Assemblée.
Jean Stromberg est la directrice du Bureau américain du Conseil oecuménique des
Eglises à New York et la coordinatrice de la Huitième Assemblée.
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