Conseil oecuménique des Églises Bureau de la communication
Communiqué de presse

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29 novembre 1998

LA THEOLOGIE, UNE AFFAIRE TROP SERIEUSE POUR ETRE CONFIEE SEULEMENT AUX HOMMES
Festival oecuménique de la Décennie - Communiqué de Press No 2


"Malgré tout ce que nous devons entendre et parfois supporter, nous savons que nous sommes bénies !" Théologienne américaine, Ada Maria Asasi Dias a l'habitude des sarcasmes et des sourires entendus lorsqu'elle parle de "théologie féministe". Loin de se décourager, elle continue de penser, aujourd'hui plus qu'hier, que cette nouvelle approche théologique va de soi et que les réactions négatives qu'elle suscite ne sont dues qu'au poids des habitudes et des traditions : la théologie, et plus particulièrement la théologie systématique et fondamentale, serait une affaire d'hommes.

Face à cette pesanteur dogmatique, Ada M. Dias propose une définition de la théologie féministe dont on voit mal comment, ainsi définie, on pourrait en contester le bien fondé tant elle paraît simple et dépourvue d'arrière-pensée : une théologie pensée et élaborée par des femmes qui cherchent à formuler leur foi à partir de leur condition de femme. "Plus que de nous attacher à une explication des dogmes du passé, nous souhaitons réfléchir à ce que nous croyons réellement et à ce que nous vivons aujourd'hui, en tant que femmes, c'est à dire en tant qu'êtres humains et créatures de Dieu." C'est sans doute cette attitude délibérée de mettre l'accent sur la vie plus que sur le savoir accadémique qui vaut aux théologiennes féministes d'être accusées par certains de leurs collègues hommes de ne pas passer suffisament de temps dans les bibliothèques et de pas être assez savantes pour prétendre se mêler de réflexions dogmatiques. "On nous prend pour des activistes ignardes et notre théologie n'est pas prise au sérieux dans les facultés " constate Ada M. Dias qui n'en garde pas moins une belle assurance de... théologienne ! Nul doute que sa participation au Festival de la Décennie des Eglises solidaires des femmes l'aura confortée dans sa conviction que la théologie, plus que d'être une affaire d'hommes ou de femmes, ne peut se dispenser d'une réflexion sur la réalité de la vie telle qu'elle est, et non telle qu'elle est supposée devoir être.

A cet égard, les témoignages de quatre autres femmes ont montré à quel point la réflexion théologique pouvait être parfois si éloignée de cette réalité pourtant bien vivante. Le seul récit d'Anne Smith suffirait à le montrer. Fille d'un pasteur anglican canadien qui abusa d'elle pendant de nombreuses années, elle vécut un véritable calvaire dans une soumission totale. Lorsqu'il se rattacha à une Eglise charismatique, ce pasteur indigne l'obligea à le suivre dans sa nouvelle communauté tout en poursuivant ses sévices, jusqu'au jour où il lui imposa un mari. Ou encore le témoignage de Rebecca Alman, catholique de Papouasie-Nouvelle-Guinée, qui fit un jour un beau mariage et qui, les années passant, dût subire les violences de son bien-aimé devenu brutal et alcoolique. Comble de l'injustice, parce qu'elle demanda le divorce, elle fut interdite de communion dans son Eglise : "Et cela fait vingt ans que ça dure !"

Autres femmes, autres témoignages : celui d'Olivia Juarez de Gonzales, qui dénonce avec force les terribles discriminations que doivent subir les femmes indigènes en Amérique latine. Exploitées dans leur travail, brutalisées et violentées par des patrons sans scrupules, il ne leur reste qu'à prendre la porte le jour où leur vient l'idée de se plaindre et de réclamer leurs droits. Ou encore celui de Susan Adams, prêtre anglicane de Nouvelle-Zélande qui a été poussée à démissionner de son Eglise parce qu'elle en contestait les structures et le fonctionnement. Autant d'exemples que l'on pourrait multiplier et qui montrent que les Eglises vivent parfois une étrange conception de la dignité et de la condition de femme. Triste image de l'homme.

Invité à commenter ces cinq témoignages, le pasteur Konrad Raiser a d'abord insisté sur l'absolue nécessité de ne pas cacher cette maladie honteuse qui sévit dans toutes les Eglises. "Par ailleurs, a-t-il ajouté, il ne faut jamais admettre que l'on justifie, quelles qu'en soient les raisons, de telles violences et de telles indignités." Pour le secrétaire général du Conseil oecuménique des Eglises (COE), la violence à l'encontre des femmes est l'expression d'une culture masculine que les Eglises ont trop longtemps cautionné. Mais ne sont-elles pas en même temps le lieu le plus apte à remettre en cause cette apparente fatalité et à oeuvrer en faveur d'une réconciliation entre hommes et femmes ? C'était bien l'un des buts que s'était fixé la Décennie oecuménique que "d'aider les Eglises à se débarasser du racisme, du sexisme et de l'esprit de classe ainsi que des enseignements et pratiques discriminatoires l'égard des femmes".

Pour toute information complémentaire, s'adresser à: John Newbury, responsable de l'information du COE
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